Wild est l’adaptation cinématographique des mémoires de Sheryl Strayed. A l’écran, la jeune femme et sa mère sont interprétées par Reese Whiterspoon et Laura Dern dont les performances ont récemment valu au long-métrage deux nominations aux Oscars. Aux commandes du film, le réalisateur Jean-Marc Vallée prouve, une année après Dallas Buyers Club, qu’il est un excellent directeur d’acteurs. Dans cette optique il devient essentiel de visionner Wild dans sa version originale afin d’apprécier à sa juste valeur le percutant jeu d’acteur de son casting, seul point réellement fort du film.
Photo: Fox Searchlight
Commençons par les points faibles. Tout d’abord, Wild est un film sans histoire. Cela peut sembler étrange de qualifier ainsi un long-métrage tiré d’une histoire vraie. Mais soyons honnêtes, si quelqu’un vous approchait dans la rue et vous demandait de lui accorder 2h de votre temps afin qu’il vous raconte sa randonnée de 1500km au travers des Etats-Unis, vous ne seriez pas nombreux à accepter, même si cette personne avait le physique de Reese Whiterspoon. Effectivement, Wild ne se définit pas par son scénario. La vie de Sheryl Strayed n’a certes pas été facile, mais rien ne la démarque réellement des autres milliards de vies humaines. Les mémoires de Sheryl ont connu un succès certain aux Etats-Unis car son histoire est une quête de rédemption spirituelle dont les nord-américains sont extrêmement friands. Le scénariste chargé d’adapter le best-seller au cinéma n’avait pas une tâche facile et au final son travail est loin d’être captivant.
Wild fait aussi défaut de par sa technique. La photographie et le montage du film sont au diapason de l’histoire, à savoir, satisfaisants mais pas exceptionnels. Au fil de ses 115 minutes, le long-métrage nous amène du désert du Mojave aux frontières du Canada. L’immense potentiel photographique des paysages traversés par Sheryl Strayed au long de son périple reste malheureusement peu exploité par le directeur de la photographie. Les plans ne sont pas originaux et trop souvent rapprochés. Le focus étant clairement mis sur le personnage de Sheryl, il est compréhensible qu’elle soit au centre de la plupart des images. Cependant, l’insertion de plans d’ensemble lors des scènes de randonnée aurait pu apporter plus de grandeur au film, le rendre plus captivant et impressionnant. Il en va de même pour le montage. La ligne temporelle et l’édition sont construites de manière extrêmement académique. Rien d’original, la randonnée au présent entrecoupée de flashbacks atemporels du passé de Sheryl, il s’agit ici de l’apanage de la plupart des films de ce genre. Ce manque d’originalité et de prise de risque dans la technique plombe cruellement le rythme du long-métrage.
Il fallait cependant s’y attendre. Le but de Wild n’était pas d’être un biopic palpitant au scénario enjolivé, ni un blockbuster estival au montage épileptique et à la photographie saturée d’effets spéciaux. Le double sacre de Dallas Buyers Club, oscarisé l’année dernière pour les performances de Matthew McConaughey et Jared Leto, est la preuve que la spécialité de Jean-Marc Vallée est la direction d’acteurs. C’est à travers cette optique que le film devient réellement appréciable. Car si Wild ne brille pas pour son scénario ou sa technique, il propose indubitablement des performances d’acteurs très solides. Dans le rôle principal, Reese Whiterspoon incarne Sheryl Strayed avec une efficace simplicité. L’actrice parvient à incarner une jeune femme moralement détruite sans à aucun moment tomber dans les clichés de l’hyper-dramatisation. A travers sa performance sobre et intimiste le personnage de Sheryl demeure extrêmement humain. D’un point de vue physique, loin d’être hideuse, la belle réussi tout de même à masquer une grande partie de ses charmes. Cette touche de réalisme crédibilise encore plus son rôle. Car personne n’est un sex-symbol après avoir marché ne serait-ce que quelques minutes avec 5kg d’équipement sur le dos. Son interprétation touchante a récemment valu à Reese Whiterspoon des nominations aux Golden Globes et aux prestigieux Oscars. A ses cotés à l’écran, on retrouve Laura Dern dans le rôle de la mère de Sheryl. L’actrice expérimentée campe à la perfection le personnage de Bobbi, mère de deux enfants, célibataire après avoir fui un mari violent, serveuse à plein temps, universitaire le soir, dont la vie dramatique prend fin prématurément des causes d’un cancer fulgurant. Le décès de sa mère propulse Sheryl dans la spirale infernale de drogue et de sexe dont elle essaye de se sortir par sa randonnée. Le rôle de Bobbi est d’une importance capitale pour le film. Sa mort étant le catalyseur de l’histoire, la relation mère-fille se devait de convaincre le spectateur. En quelques scènes de flashback, il était essentiel que le personnage de Bobbi s’attire la sympathie du public afin de rendre la réaction de Sheryl face à la perte de sa mère poignante et réaliste. Cet objectif est entièrement atteint par la performance de Laura Dern. L’actrice incarne un personnage maternel aimant, rayonnant de joie malgré l’adversité afin d’épargner à ses enfants les souffrances de sa propre vie. Convaincante et naturelle, Laura Dern parvient à marquer les esprits. Sa performance lui valant une nomination aux Oscars pour la statuette de la meilleure actrice de second rôle.
Une année après un succès similaire, Jean-Marc Vallée propose une fois de plus un film simple, aux personnages touchants et aux performances d’acteur percutantes. Malgré cela, le film manque d’une étincelle de génie qui lui aurait permis d’être exceptionnel et de rester gravé dans les mémoires. Malgré le travail convaincant de ses actrices, Wild demeure tout de même un peu fade. Dommage… G-Ls.