« Double prélude à 4 mains » : contempler le rythme et écouter le corps

Dissocier. Egaliser. Communiquer. Bruno Michellod s’est lancé dans l’interdisciplinarité artistique, mais à sa manière. A la recherche d’un équilibre entre le dessin, la danse, la musique et la lumière, il est parvenu à restituer à chacun de ces éléments une place équivalente, tout en instaurant leur dialogue. Une performance des sons pour le plus grand plaisir des sens. Photo @Richard Chapuis

Trois artistes, une scène, et un public. L’agencement de l’espace peut surprendre. Entre la scène et le public, du vide. La dissociation est posée. Thème central de la performance, elle se laisse cependant rapidement oublier. Si l’artiste au feutre noir et à la feuille blanche (Bruno Michellod) confond ronds et carrés, simultanément à 2 mains, la danseuse (Janyce Michellod) sait, et sent, à quel moment arrondir ou aiguiser ses mouvements. Et le contrebassiste (Frédéric Debraine), lui, semble s’en amuser. Il pourrait mener ce bal de gestes, sons et lumières. Il n’en est rien, même si l’univers sonore reste leur dénominateur commun.

Dessine-moi un carré de la main gauche et un rond de la main droite

Explorant la plasticité du cerveau par l’intermédiaire des arts plastiques, le projet individuel de Bruno Michellod porte le nom de « Dessin à 2 mains simultanément ». C’est en dessinant par exemple un carré de la main gauche et un rond de la main droite qu’il tend vers une automatisation de nouveaux gestes. Entre concentration et méditation, sa curiosité l’a amené à associer son art à d’autres le temps d’une composition instantanée.

Ses coups de feutre spontanés entraînent le spectateur loin, mais paradoxalement invitent à l’introspection. L’amplification par micros des crissements de l’outil sur le papier tantôt apaisent, tantôt éveillent l’esprit. Libre ainsi aux pensées du spectateur d’aller et venir, suivant ou fuyant les enchaînements improvisés de la danseuse, Janyce Michellod. Elles s’y retrouvent ou s’en distancient, tel la rencontre forcée du rond et du carré. Une harmonie est palpable entre les traits du feutre et ceux du corps dansant. Le corps écoute et traduit. Le feutre regarde et transcrit.

A l’image de la respiration, la lumière offre des moments de répit, où les pensées se tassent. Le dessin, la danse, la musique, la lumière, tous participent à cette atmosphère méditative, propre à chacun, mais source de questionnement. Sans procurer les réponses espérées, les performeurs choisissent de laisser le spectateur cheminer par lui-même. La communication sait être non-verbale lorsque les mots sont de trop.

Une passivité active

Par « prélude », il faut comprendre un moment d’improvisation avant le jeu d’une pièce musicale, là où le musicien dégourdit ses doigts. Jean-Jacques Rousseau percevait en la capacité des musiciens à « préluder », un feu de génie et un esprit inventif. Le prélude proposé ici est double. Les performeurs sont pourtant plus nombreux. A n’en pas douter l’improvisation sur scène donne naissance à la performance, qui, cependant, ne saurait être complète sans celle du public. De l’autre bord, elle murmure à ce dernier de lâcher prise en pleine lucidité. Peut-être est-ce là la finalité de cette pièce ? Porter celui ou celle sensible à l’improvisation à réfléchir et trouver ses réponses.

C.

Site de Bruno Michellod http://www.brunomichellod.com/double-prelude-a-4-mains/

Recherche, création de la pièce en imageshttp://vimeo.com/114345450

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