Trajectoire

Dünner SA, des pinces de serrage au bec de clarinette…

Walter Dunner SA est devenu un acteur incontournable de l’outillage des décolleteuses. Depuis presque 70 ans, l‘entreprise familiale n’a de cesse de développer et d’améliorer des moyens de serrage.

Viviana von Allmen

 

A la tête de l’entreprise familiale sise dans la vallée des tours automatiques, Daniel Dunner, troisième génération, continue sur la lancée de ses prédécesseurs: la création des outils de serrage de précision. Après un apprentissage de mécanique au Technicum de Bienne, le chef d’entreprise ne se repose pas sur ses acquis. Il est toujours à la recherche de nouvelles technologies ou matériau pour améliorer ses produits. Située dans les anciens bâtiments Petermann, à Moutier, l’entreprise occupe 13 employés, sans apprenti. «Nous ne pouvons pas assurer une formation technique de base. Nos produits spécifiques demandent des connaissances préalables de la mécanique», explique Daniel Dunner.
Couvertes par plusieurs brevets internationaux, les pinces de grande ouverture permettent aux tours automatiques de finir la pièce sans intervention humaine. Les fabricants de décolleteuses les plus renommés, ainsi que les utilisateurs de ces machines, forment la clientèle de base, soit 25% du chiffre d’affaires en Suisse.

Les différentes crises de l’industrie ont obligé Walter Dunner à être encore plus proche des utilisateurs. Un réseau de représentants multicartes a ainsi été créé dans le monde. Il a permis de mieux comprendre les besoins des clients et de compenser les baisses de commandes des fabricants de machines. Pendant les années 1997 et 2000, la charge de travail a doublé. «Nous ne voulions pas augmenter nos effectifs, mais nous n’arrivions plus à assurer la production. Le creux de 2002 et 2003 a rééquilibré la situation», commente Daniel Dunner.
Créée par Walter Dunner en 1935, la firme est née de l’expérience de son fondateur. Mécanicien sur automobiles chez Joseph Petermann, à Moutier, il est engagé comme metteur en train, puis monteur. Rien ne laissait supposer que notre homme allait développer les outillages de décolleteuses. «Une suite d’événements ont provoqué la naissance de l’entreprise», évoque son petit-fils. Grâce à ses contacts avec des clients, le grand-père réalise rapidement le potentiel pour des outillages plus performants. Il commence à en produire dans la cave paternelle.

En 1974, Albert fils reprend les rênes de la société. Le petit-fils Daniel s’occupe d’un département de fabrication de cames. La pérennité est assurée. «J’ai compris que mon père ne pourrait continuer seul», se souvient Daniel Dunner. En 1985, ce dernier parfait sa formation par un diplôme d’agent d’exploitation au Centre de formation ESG de Lausanne. Quelques années plus tard, il est nommé président du conseil d’administration.

Un serrage de becs de clarinette

«Les crises, on connaît, mais les solutions aussi!», affirme l’actuel directeur. En 1979, lors de la crise horlogère, un cousin éloigné les met en relations avec un grand musicien zurichois. Celui-ci avait un problème à résoudre avec ses becs de clarinette. «Nous avons créé un serrage pour les becs», raconte Daniel Dunner. Le succès est assuré. Le système «Jasmin» était né. Plusieurs grands musiciens internationaux comme Jacques Lancelot, Jean-Marie King ou encore Raphaël Bagdasarian ont adopté le serrage de bec Dunner.

La ténacité au service de la longévité
– Quels ont été vos premiers contacts avec l’entreprise?
– Alors que j’étais encore en culottes courtes, je m’introduisais dans l’usine, mais mon père me chassait. Après mes études, il a essayé de me dissuader de rentrer dans la société. Il me disait: «Un patron ne compte pas ses heures.» Comprenant ma détermination, il a fini par me confier le département des cames.

– Dans votre secteur industriel, le marché est-il en croissance?
– Le décolletage en Europe est plutôt en baisse. Les activités ont pris le chemin des marchés à faible coût de main-d’œuvre comme la Chine. Mais en ce qui concerne la sous-traitance médicale, horlogère et électronique, le marché global reste constant. D’ailleurs nos exportations sont de l’ordre de 75%, dont 42% en Europe et le reste en direction des USA et de l’Asie.

– Que pensez-vous de l’aide économique offerte à de nouvelles entreprises par rapport à des entreprises existantes?
– Je ne nie pas l’importance de l’aide économique pour attirer de nouvelles entreprises, car il faut renouveler le tissu économique de la région. Toutefois, il serait vital d’offrir également de telles possibilités à des entreprises existantes pour consolider leurs structures. Celles-ci contribuent également et de manière non négligeable au bien-être d’un grand nombre de personnes dans notre vallée. C’est aussi le meilleur moyen de s’assurer que le «capital reste dans le pays».

– Que conseilleriez-vous à un patron d’une nouvelle entreprise?
– Qu’il ne faut jamais baisser les bras et être prêt à remettre chaque jour l’ouvrage sur le métier. En cas d’échec, il faut analyser les causes et apprendre à ne plus commettre les mêmes erreurs.
V.vA

 

Analyse

Les jeunes retournent-ils à la spiritualité ?

Les indices internationaux indiquent une baisse du nombre de croyants depuis 30 ans. Qu’en est-il sur le terrain ? Enquête auprès de différents représentants des communautés religieuses. Résultat controversé.

Malgré les statistiques force est de constater que, dans la réalité il n’y a pas de baisse de fréquentation des jeunes, comme le rapporte François Golay. Depuis 20 ans, les cultes ont été adaptés au mode de vie de notre société, notamment d’un point de vue musical. Les textes bibliques quant à eux, ne sont plus lus, mais racontés, ceci pour mieux s’imbriquer dans la vie quotidienne. Des projets en outre ont été mis en place pour attirer plus de jeunes dans les paroisses. Ceci a vraiment été une réforme de fond et non de forme.

Du côté de la communauté islamique, la situation est un peu plus réjouissante.
Les familles viennent au culte, chaque vendredi, avec leurs enfants. Les adolescents, particulièrement, ressentent un vide et ils sont très perturbés par les informations de notre monde. C’est ainsi que, le jour du culte, ils trouvent dans le cadre de la communauté un lieu où ils peuvent discuter ouvertement de leurs problèmes. «Je constate un retour à la spiritualité et notre siècle sera religieux ou ne sera pas» affirme Kamel Dgediat, responsable du centre islamique de Bienne.

Chez les catholiques, en règle générale, les jeunes sont absents de la vie spirituelle. Beaucoup de personnes ont tendance à considérer la spiritualité comme toute autre activité, (football, discothèque etc.). Ainsi, selon eux, la spiritualité est réservée au dimanche, alors qu’elle devrait remplir pleinement l’existence. «Depuis 5 ans, toutefois, l’affluence des jeunes reste stable» constate Arturo Gaitán, curé.

Pourtant, du côté de la communauté juive, on a tendance à tirer la sonnette d’alarme. «Nos jeunes manquent de discipline» reconnaît Klaus Appel, rabbin. La seule chose qui les intéresse c’est passer du bon temps et mener une vie la plus simple possible. Lorsque des problèmes d’alcoolisme ou d’autres dépendances se présentent chez les jeunes, les ministres religieux leur apportent tout le réconfort souhaité en les guidant suivant les préceptes du Grand Livre. «Mais ce service est unilatéral. En effet, les jeunes désirent que l’on se préoccupe de leur sort mais font l’impasse sur leur engagement» avoue le rabbin. ?«Bien que le Concile Vatican II ait apporté plusieurs changements dans l’approche religieuse, nous ne pouvons prétendre à ce que l’institution suive la course frénétique de la société vers des buts uniquement économiques.
Nous allons mettre en place un réseau pour les jeunes qui offrira des activités de loisirs, mais aussi des postes à responsabilité dans le cadre de la vie religieuse», lance alors Arturo Gaitán, curé catholique.

François Golay lui répond : «Nous donnons aux jeunes des outils pour qu’ils puissent se faire une opinion. Nous formons les parents pour qu’ils insistent auprès de leurs enfants que la vie spirituelle ne se termine pas avec la fin du catéchisme, mais qu’elle fait partie intégrante du quotidien. De plus si certains jeunes veulent faire des choix de religion, il est important qu’ils soient bien informés». ?Aujourd’hui le catéchisme aborde les grands thèmes de la vie et essaye ainsi de montrer aux jeunes la force de la spiritualité. Dans la souffrance et la solitude de l’adolescence il est important qu’ils reconnaissent la force de la croyance : «Dieu est avec chacun de nous, personne n’est seul» rajoute notre interlocuteur.

Qu’en est-il de l’avenir ?
«Dans l’Islam il y a des règles strictes, dont la crainte de Dieu. Ceci relève de la conduite personnelle de sa propre vie. Si nous nous laissons emporter par des passions, il y a perte de référence. Nous insistons beaucoup sur cette théorie.
Nos jeunes essayent de prendre conscience de leur appartenance. Nous pouvons mieux que n’importe qui leur expliquer leurs racines. De plus nous leur montrons que la vie n’a rien d’éphémère et leur faisons comprendre l’importance de la spiritualité dans le quotidien», rapporte Kamel Dgediat.

Une approche qui ne se traduit pas de manière aussi réjouissant du côté de la communauté juive. «Seuls fondamentalistes et les libéraux qui, avec leurs idées, affirmations fortes et claires, attirent la nouvelle génération. Pour ma part, j’ai toujours encouragé les membres de la communauté juive à croire en la Bible, car c’est un livre écrit par des personnes d’une rare intelligence » confesse Klaus Appel.

La dynamique des églises protestantes propose des rencontres interactives. ?Un réseau de jeunes a été créé et dès qu’ils atteignent l’âge de 16 ans, leur permet de se retrouver et échanger des réflexions. Ils sont alors soutenus par un animateur qui reste en dehors du débat. Les jeux de rôles font également partie des nombreuses activités utilisées par les jeunes. « Ce réseau leur donne une appartenance et une identification » se réjouit François Golay.

Bien qu’il ne soit pas possible de renier les statistiques officielles, il est tout de même rassurant de constater que les différents ministres religieux ne baissent pas les bras. Au contraire, ils s’efforcent de trouver des idées innovatrices et de comprendre le quotidien des jeunes en essayant de résoudre leurs problèmes spirituels dans un monde où règne la violence.
Viviana von Allmen – octobre 2004

Ont participés à l’enquête, MM. François Golay, animateur de paroisse, Klaus?Appel, rabbin, Kamel Dgediat, responsable centre islamique et Arturo Gaitán, curé catholique.