Analyse

Les jeunes retournent-ils à la spiritualité ?

Les indices internationaux indiquent une baisse du nombre de croyants depuis 30 ans. Qu’en est-il sur le terrain ? Enquête auprès de différents représentants des communautés religieuses. Résultat controversé.

Malgré les statistiques force est de constater que, dans la réalité il n’y a pas de baisse de fréquentation des jeunes, comme le rapporte François Golay. Depuis 20 ans, les cultes ont été adaptés au mode de vie de notre société, notamment d’un point de vue musical. Les textes bibliques quant à eux, ne sont plus lus, mais racontés, ceci pour mieux s’imbriquer dans la vie quotidienne. Des projets en outre ont été mis en place pour attirer plus de jeunes dans les paroisses. Ceci a vraiment été une réforme de fond et non de forme.

Du côté de la communauté islamique, la situation est un peu plus réjouissante.
Les familles viennent au culte, chaque vendredi, avec leurs enfants. Les adolescents, particulièrement, ressentent un vide et ils sont très perturbés par les informations de notre monde. C’est ainsi que, le jour du culte, ils trouvent dans le cadre de la communauté un lieu où ils peuvent discuter ouvertement de leurs problèmes. «Je constate un retour à la spiritualité et notre siècle sera religieux ou ne sera pas» affirme Kamel Dgediat, responsable du centre islamique de Bienne.

Chez les catholiques, en règle générale, les jeunes sont absents de la vie spirituelle. Beaucoup de personnes ont tendance à considérer la spiritualité comme toute autre activité, (football, discothèque etc.). Ainsi, selon eux, la spiritualité est réservée au dimanche, alors qu’elle devrait remplir pleinement l’existence. «Depuis 5 ans, toutefois, l’affluence des jeunes reste stable» constate Arturo Gaitán, curé.

Pourtant, du côté de la communauté juive, on a tendance à tirer la sonnette d’alarme. «Nos jeunes manquent de discipline» reconnaît Klaus Appel, rabbin. La seule chose qui les intéresse c’est passer du bon temps et mener une vie la plus simple possible. Lorsque des problèmes d’alcoolisme ou d’autres dépendances se présentent chez les jeunes, les ministres religieux leur apportent tout le réconfort souhaité en les guidant suivant les préceptes du Grand Livre. «Mais ce service est unilatéral. En effet, les jeunes désirent que l’on se préoccupe de leur sort mais font l’impasse sur leur engagement» avoue le rabbin. ?«Bien que le Concile Vatican II ait apporté plusieurs changements dans l’approche religieuse, nous ne pouvons prétendre à ce que l’institution suive la course frénétique de la société vers des buts uniquement économiques.
Nous allons mettre en place un réseau pour les jeunes qui offrira des activités de loisirs, mais aussi des postes à responsabilité dans le cadre de la vie religieuse», lance alors Arturo Gaitán, curé catholique.

François Golay lui répond : «Nous donnons aux jeunes des outils pour qu’ils puissent se faire une opinion. Nous formons les parents pour qu’ils insistent auprès de leurs enfants que la vie spirituelle ne se termine pas avec la fin du catéchisme, mais qu’elle fait partie intégrante du quotidien. De plus si certains jeunes veulent faire des choix de religion, il est important qu’ils soient bien informés». ?Aujourd’hui le catéchisme aborde les grands thèmes de la vie et essaye ainsi de montrer aux jeunes la force de la spiritualité. Dans la souffrance et la solitude de l’adolescence il est important qu’ils reconnaissent la force de la croyance : «Dieu est avec chacun de nous, personne n’est seul» rajoute notre interlocuteur.

Qu’en est-il de l’avenir ?
«Dans l’Islam il y a des règles strictes, dont la crainte de Dieu. Ceci relève de la conduite personnelle de sa propre vie. Si nous nous laissons emporter par des passions, il y a perte de référence. Nous insistons beaucoup sur cette théorie.
Nos jeunes essayent de prendre conscience de leur appartenance. Nous pouvons mieux que n’importe qui leur expliquer leurs racines. De plus nous leur montrons que la vie n’a rien d’éphémère et leur faisons comprendre l’importance de la spiritualité dans le quotidien», rapporte Kamel Dgediat.

Une approche qui ne se traduit pas de manière aussi réjouissant du côté de la communauté juive. «Seuls fondamentalistes et les libéraux qui, avec leurs idées, affirmations fortes et claires, attirent la nouvelle génération. Pour ma part, j’ai toujours encouragé les membres de la communauté juive à croire en la Bible, car c’est un livre écrit par des personnes d’une rare intelligence » confesse Klaus Appel.

La dynamique des églises protestantes propose des rencontres interactives. ?Un réseau de jeunes a été créé et dès qu’ils atteignent l’âge de 16 ans, leur permet de se retrouver et échanger des réflexions. Ils sont alors soutenus par un animateur qui reste en dehors du débat. Les jeux de rôles font également partie des nombreuses activités utilisées par les jeunes. « Ce réseau leur donne une appartenance et une identification » se réjouit François Golay.

Bien qu’il ne soit pas possible de renier les statistiques officielles, il est tout de même rassurant de constater que les différents ministres religieux ne baissent pas les bras. Au contraire, ils s’efforcent de trouver des idées innovatrices et de comprendre le quotidien des jeunes en essayant de résoudre leurs problèmes spirituels dans un monde où règne la violence.
Viviana von Allmen – octobre 2004

Ont participés à l’enquête, MM. François Golay, animateur de paroisse, Klaus?Appel, rabbin, Kamel Dgediat, responsable centre islamique et Arturo Gaitán, curé catholique.