Eclairage

Transmission vs tradition

Le nombre de personnes infectées par le VIH[1]/SIDA en Afrique Subsaharienne ne cesse d’augmenter. En 2004, 3,1 millions de nouvelles infections s’y sont développées et l’épidémie a tué 2,3 millions d’Africains.

Chez nous, le problème est beaucoup moins conséquent. Nous sommes informés sur cette épidémie et sur sa progression de jour en jour et les campagnes d’information ont banni toutes les idées que nous pouvions avoir sur cette maladie. De plus, celles-ci nous harcèlent pour que l’on se protège contre tout risque d’infection. Mais dans des pays comme ceux d’Afrique, qui ne bénéficient pas d’infrastructures comme les nôtres ou, qui, pour des raisons comme l’isolement ou la guerre, n’ont pas accès à ces infrastructures, les idées reçues et le manque de précautions sont encore énormes.
Plusieurs problèmes se posent. Il y a évidemment le problème du préservatif, qui est peut-être le plus important, la polygamie, et les rituels et coutumes sexuelles.
Le préservatif garantit de relations plus sûres, mais n’offre pas une sécurité absolue. La chaleur et l’humidité posent le problème de  la conservation, mais l’utilisateur lui-même est aussi une source de problème. Beaucoup  ne savent pas s’en servir ou bien les réutilisent. En Afrique, le taux d’utilisation du préservatif est très faible (entre 0,3 et 3% chez les couples ou à l’âge de la procréation). Les Africains se détournent volontiers de son utilisation par ce qu’il constitue une entrave à la fécondité (à laquelle ils attachent une grande importance) et il peut être considéré comme le signe que l’on veut mettre fin à la relation ou que l’on a un(e) autre amant(e). Beaucoup l’associent à la prostitution et ne l’utilisent donc pas avec leurs partenaires réguliers.

En Afrique, il existe un grand nombre de familles polygames. La plupart du temps, il existe une grande différance d’âge entre l’homme et les épouses successives (de 10 a 12 ans entre l’homme et les femmes) ce qui peut considérablement influencer la diffusion du VIH. De plus, avant leur mariage, les hommes jouissent de plus de droits sexuels que les femmes, et les relations préconjugales avec des prostituées constituent un gros risque pour les futures femmes. Il faut aussi insister sur la croyance répandue selon laquelle les hommes ont besoin de plus de rapports sexuels que les femmes. C’est pourquoi, tant dans les familles polygames que dans les familles monogames, les hommes ont aussi des relations extraconjugales et cela même si la ou les femmes sont « accessibles sexuellement »[2]. En général on peut dire que de nos jours, le comportement sexuel des hommes est toujours tabou. Le Sida peut être le défi qui permettra d’en discuter et de remettre en question les privilèges masculins. Nourine Kaleeba, une pionnière ougandaise des campagnes de prévention, déclare : « Dans ma culture […] le seul moyen dont dispose une femme pour rester mariée et continuer à habiter dans la maison de son époux, c’est d’y avoir des relations sexuelles quand son époux le veut et comme il le veut. Il lui est impossible de négocier des relations sexuelles protégées. »

Certains peuples ont des rituels pour les moments charnière de la vie et ils peuvent représenter un danger sur le plan du sida.
Ces coutumes ne constituent en aucun cas la cause principale de la propagation du sida, mais ne sont pas complètement dissociables de ce fait. Parmi ces coutumes on peu en noter quatre principales :

La première, pratiquées parmi plusieurs peuples, entre autre au Cameroun, au Ghana, au Nigeria, au Malawi, au Zimbabwe…, découle du fait que les hommes et les femmes désireux d’avoir des rapports pénivaginaux préfèrent que le vagin soit sec et rigide, ce qui revient à en resserrer l’ouverture. Les femmes se sentent dans la peau d’une jeune fille et les hommes ont davantage de plaisir. L’assèchement et le lavage du vagin peuvent toutefois provoquer des problèmes sur le plan du sida en raison des meurtrissures et des petites plaies qui peuvent apparaître dans le vagin ou la matrice suite à l’utilisation de certaines feuilles, poudres ou produits pharmaceutiques.

La seconde, plus connue, est la non-circoncision. Le grand territoire des hommes non circoncis s’étend sur quelques 6.000 km de long et 1.000 km de large. Dans ce territoire, qui compte cent millions d’habitants, 80% des hommes au moins ne sont pas circoncis. Il y a de fortes présomptions qu’un homme circoncis contracte moins de MST qu’un homme qui ne l’est pas, il est donc moins exposé au risque de contamination par le VIH. Ici l’hygiène du pénis peut jouer un rôle dans la contraction des MST, mais cela est difficile à vérifier, il est en tous cas plus aisé au circoncis d’assurer l’hygiène de son pénis.

Les rituels de guérisons peuvent aussi participer à la diffusion du sida. A travers toute l’Afrique, il arrive parfois que les rites de guérisons soient accompagnés de relations sexuelles qui peuvent être dangereux au point de transmettre le Sida. Ainsi une femme malade, possédée par certains esprits, se rend chez un guérisseur. Si au cours de l’initiation conforme au culte des esprits, le guérisseur demande à la femme de danser, de chanter ainsi que d’avoir des relations sexuelles avec lui, elle doit s’y soumettre.

Chez les Baganda (en Ouganda), la stérilité est très fréquente. En 1960, un tiers des femmes de 45 ans n’avaient jamais porté d’enfant. Cela explique le succès des remèdes contre la stérilité au sein de cette ethnie. Mais nombre de ces guérisseurs se contentent de coucher avec ces femmes stériles.
En 1991, l’un de ces guérisseurs s’est retrouvé devant le tribunal pour s’être livré à ce genre de pratiques. L’affaire concernait une jeune femme de 25 ans qui, après six ans de mariage, n’avait toujours pas eu d’enfant. Le guérisseur traditionnel avait placé le « remède » sur son propre pénis et l’avait introduit de cette façon dans le corps de la jeune femme. Ceci se pratique encore de nos jours.

Enfin les usages matrimoniaux viennent s’ajouter à la trop longue liste de comportement à risque face au VIH.

En Ouganda occidental on rencontre des groupes au sein desquels les hommes ont certains droits sexuels sur une nouvelle épouse. Le beau-frère ou le beau-père a les premiers droits sur cette nouvelle épouse. Nous pouvons comparer cette coutume au droit de cuissage d’un seigneur de Moyen-Age.

Chez les Hima (en Ouganda) également, les frères et le père du marié avaient un coït avec la mariée le jour des noces. L’adultère est interdit pour les femmes, mais pas pour les hommes. Une étude faite dans les années soixante révèle que l’on encourageait même les femmes à avoir des relations sexuelles si leur époux le leur demandait, avec des beaux-frères et amis de son époux et les voisins.

Le chercheur Elam pense que cette forme de disponibilité sexuelle (forcée?) de la femme peut être liée au fait que les femmes hima n’occupaient aucune place importante dans le rôle productif de l’économie d’élevage. Les hommes s’appuient donc sur d’autres hommes pour maintenir à niveau leur production de bétail. Le partage de l’accès sexuel aux femmes est un moyen pour les hommes de nouer entre eux les alliances sociales et économiques indispensables, ce qui augmente aussi la propagation du Sida.
Mélanie Francioli

[1] Virus d’immunodéficience humain

[2] Une étude réalisée à Ibadan au Nigeria, a montré que sexuellement parlant les hommes ont peu accès à leurs femmes. 40% des hommes mariés monogames avaient sexuellement accès à leur épouse durant seulement 50% de la durée du mariage en raison de l’abstinence postnatale, menstruation ou autre.

Interview

Tradition et modernité

En Argentine comme partout ailleurs en Amérique du Sud et dans le monde, les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) ont envahi notre vie quotidienne. Certains gouvernements latins, institutions internationales, et autres associations ont entrepris de vastes campagnes de vulgarisation de ces outils qui, nul n’en doute, sont indispensables pour le développement.

Propos recueillis par Viviana von Allmen

La diffusion d’Internet à grande échelle dans la campagne va-t-elle changer les coutumes associatives dans la population ? Qu’adviendra-t-il des vieilles moeurs comme : prendre le café chez une voisine, entendre les grands parents  pour comprendre une autre vision de la vie ou des réunions des jeunes autour du mate et la guitarra? Cette mise à jour vers le NTIC pour être au rythme de la société, finira-t-elle par changer les modes de vie ?

Dans plusieurs provinces du pays, le combat a été mené longtemps par la société civile qui comme à chaque avènement, est la première sur le terrain. Les gouvernements n’ont pas eux pu prendre leurs responsabilités et comme  d’habitude, aucune structure de formation pour accompagner celles déjà existantes (initiatives des personnes à titre privées) n’ont pu pas être misent en place.

Des bénévoles dans différentes villes se sont mobilisées pour mettre en œuvre des cours de formation dans des lieus improvisés. Les cours sont donnés à une population aux moyens économique précaires. Cette ambition, d’initier les plus démunis au progrès de notre société n’est gère chose facile. Manuel Garcia, à travers son programme «Internet pour tous» soutient une lutte pour que le peu des structures déjà en place ne disparaisse pas.

Interview par téléphone à Manuel Garcia président du programme «Internet pour tous»

Qu’est-ce qui vous a motivé à créer ce programme ?
Il est évident ! Quand on voit l’ampleur que cette technologie a prise au cours d’une décennie, il est impossible d’imaginer qu’on puisse l’ignorer. Les prochaines générations seront écartées du monde sans une sommaire connaissance d’Internet.

Les traditions sont-elles mises en péril par l’emprise d’Internet ?
S’il y a des risques, ils seront semblables à ceux de l’époque de Gutenberg avec l’invention de l’imprimerie mais avec d’autres connotations. L’être humain s’habitue à se confronter aux changements les plus redoutables. Je crois que les avantages qu’apporte cet outil sont inégalables aux possibles contraintes.

Comment gérez-vous votre réseau de collaborateurs ?
Tout d’abord il faut souligner que les personnes qui participent au programme ne sont pas des collaborateurs mais, des bénévoles. Nous nous organisons via e-mail et une fois par an nous faisons un rassemblement pour mettre au point les nouvelles stratégies.

De quelle manière vous organisez-vous financièrement ?
Actuellement le tout est fait de manière improvisée puisque toutes les dépenses sont payées par les bénévoles.
Nous envisagions de nous consolider en association et plus tard en fondation, pour pouvoir avoir accès à de donations d’entreprises et aussi demander des subventions à l’état. Peut être que Bill Gates voudra collaborer.

Quelle sorte de participants a le programme «Internet pour tous»?
Nous en avons de tous les âges. Il est vrai que le 80% sont des jeunes dont l’âge oscille entre  11 et 14 ans. Depuis le mois de mars dernier, nous avons mis en place un système de bus, pour aller aux endroits les plus retirés, dans les « chacras », et essayer de persuader les adultes de la nécessité de s’approprier cette technique. Aujourd’hui nous comptons avec 900 personnes adultes dans les 20 provinces où nous sommes présents.

Quel bilan faites vous de ces cours de formation ?
Un bilan tout à fait positif ; dans la mesure où le public, de façon générale,  participe de plus en plus nombreux. Les cybercafés jouent un rôle fondamental dans la diffusion du programme.
Les personnes viennent se former sur les services essentiels de l’Internet, notamment la messagerie et la navigation. Ceci est extrêmement important car c’est par eux-mêmes qu’ils se rendent compte qu’Internet est une technologie incontournable comme facteur de développement, pourvu que ce soit bien appréhendé et utilisé.

Les perspectives
Il y a beaucoup à faire concernant la promotion et la vulgarisation des NTIC. Nous continuerons à travailler et à mobiliser. C’est une question de volonté et de motivation. L’équipe de bénévoles croît de 5% tous les ans. D’ailleurs nous sommes confiants qu’en 2006 des écoles vont nous ouvrir leurs classes tous les samedis.
V.vA