Interview

A l’écoute de ceux qui en ont besoin

Alors que les médias nous présentent la plupart du temps la délinquance juvénile comme un fléau incontrôlable, la réalité exposée par Monique Maillard, éducatrice de rue à Yverdon-les-Bains, est bien différente. Rencontre avec une personne qui représente souvent une aide précieuse pour les jeunes et les familles en difficulté.
Didier Nieto

Assistante sociale de formation, Monique Maillard, 46 ans, est éducatrice de rue à Yverdon-les-Bains depuis un peu plus de trois ans. Employée par la commune, elle travaille à 50% en alternance avec son collègue, Vincent Artison. Depuis qu’ils sont entrés en fonction dans la cité du Nord Vaudois, Monique Maillard et son collègue ont surtout mis en avant un travail autour de l’éducation à la paix plutôt que de lutte contre la violence. Au bout de trois ans, ce travail commence à porter ces fruits.
Les deux éducateurs de rue sont en outre membres du groupe « Hors-murs ». Constitué d’une trentaine de travailleurs sociaux, cette association a publié il y a quelques mois une Charte qui expose les principes et les objectifs de leur profession, et qui a également pour but de mieux faire connaître le métier d’éducateur de rue, ce dernier restant souvent dans l’ombre de ceux qu’il cherche à aider.

Monique Maillard, en quoi consiste l’activité d’une éducatrice de rue ?
Notre travail consiste en un accompagnement individuel ou une activité de médiation. Nous sommes à disposition des jeunes et des jeunes adultes, mais également des familles et des petits enfants. Nous nous promenons dans la rue ou nous faisons des permanences dans certains quartiers. Les jeunes savent qui nous sommes et savent qu’ils ont la possibilité de venir vers nous s’ils ont un problème. Ils peuvent par exemple avoir besoin d’aide pour écrire une lettre ou avoir envie d’être accompagnés pour se présenter au tribunal. Ils nous contactent aussi par téléphone, dont le numéro est publié dans le journal.
Nous participons aussi à des actions communautaires comme des repas d’associations par exemple, et nous avons un local qui est ouvert une fois part semaine et qui sert de carrefour de solidarité au sein d’un quartier.

Quel rôle pensez-vous jouer dans la résolution des problèmes liés à la délinquance juvénile ?
Je pense que nous y participons dans la mesure où nous sommes en lien direct avec les jeunes. Ils nous identifient comme des personnes pouvant les aider, et pas comme des personnes ayant un rôle sécuritaire. Les jeunes sont sensibles à notre discours parce que notre attitude par rapport à eux est claire. En cas de conflit, nous n’allons toutefois pas jouer le rôle des copains. Nous nous plaçons plutôt dans la situation en tant qu’adulte. Nous essayons d’être un appui pour le jeune en difficulté, sur lequel il peut s’appuyer et essayer de rebondir.

Que pensez-vous de l’attitude des médias dans leur façon de parler de a délinquance juvénile ?
Le rôle des médias est de donner des informations. Mais j’ai tendance à penser, qu’à un moment donné, ils font de la désinformation. Dans le cas d’Yverdon par exemple, ils cultivent notre héritage du passé. Il y a cinq ou six ans, quelques jeunes ont commis des actes violents. Les jeunes d’Yverdon ont alors été pris pour des surpuissants à cause de cela. Et cette image est restée. En racontant qu’ils étaient encore pires que dans certaines banlieues, les médias leur ont donné une mauvaise image. Alors bien sûr, les jeunes ont adopté cette attitude de durs présentée par la presse. Ils pensaient avoir quelque chose à prouver.
Avec mon collègue, nous essayons le plus possible de véhiculer une image positive d’Yverdon, de faire en sorte que les médias cessent d’alimenter cet héritage du passé. Il se passe beaucoup de choses très chouettes à Yverdon. Beaucoup de jeunes se prennent en main et ont des projets. Il n’y a pas que des bagarreurs. Les monstruosités qu’on voit dans les médias sont souvent des cas isolés.

Est-ce que les émeutes qui ont eu lieu en France l’année passée ont eu des répercussions sur le comportement des jeunes d’Yverdon ?
Très peu. On se demandait d’ailleurs si ça allait être le cas. Nous en avons parlé avec eux. Et c’est aussi eux qui venaient vers nous pour en discuter. Ces événements ont donc plus servi de levier de discussion.

Que répondez-vous aux personnes qui en ont marre que l’on cherche des excuses aux jeunes qui font des bêtises ?
Si un jeune fait une bêtise c’est parce qu’il a quelque chose à dire. Il veut se faire remarquer. C’est un trop plein qui sort. On touche ici à la limite entre le cadre et l’autorité. Actuellement il y a une perte de ces valeurs. Les jeunes qui viennent vers nous nous demandent d’être encadrés. Leur appel au secours correspond à leur besoin d’avoir un sens à leur vie, même s’ils ne le formulent pas de cette manière. Je trouve que les adultes censés être encadrants ne font plus leur job.

La justice envers les jeunes délinquants est-elle trop clémente à votre sens ?
Je pense que l’appareil judiciaire concernant les jeunes doit être revu et devenir plus sévère. Jusqu’il n’y a pas très longtemps, il était impossible pour un mineur d’être enfermé plus de onze mois. Et ça, les jeunes d’aujourd’hui le savent, ils connaissent leurs droits. Cette durée va prochainement passer à quatre ans. Et je pense que cela va changer beaucoup de choses.
Il faut aussi que les procédures judiciaires soient plus rapides. Un jeune qui fait une bêtise aujourd’hui ne sera pas jugé avant fin 2007. Ça lui laisse pas mal de temps pour faire d’autres bêtises. Je connais des jeunes qui ont jusqu’à 28 chefs d’accusation. Selon moi, il ne devrait pas y avoir plus de quatre à six mois entre le moment du délit et la sentence. Attendre deux ans, ça n’a pas de sens.

Les jeunes que vous rencontrez ont-ils une attitude différente du fait que vous soyez une femme ?
Ça fait 25 ans que je suis travailleuse sociale. J’ai l’avantage, par rapport à mes collègues qui commencent ce travail, d’avoir une image neutre, du fait que j’arrive sur l’âge. Je ne mets pas les jeunes en péril : je ne suis pas en concurrence avec les filles,  et je ne suis pas une « meuf » pour les garçons ! Et je ne suis non plus pas leur maman, ni leur grand-mère ! Même si en tant que femme, je possède une côté maternel et protecteur qui rassure certains jeunes. Cette position me donne une grande liberté. Je côtoie autant de filles que de garçons, alors que mon collègue travaille plus avec des garçons. La plupart de mes collègues sont des hommes, alors je souhaiterais qu’il y ait plus de présence féminine dans le milieu de l’éducation de rue.
D.N.

Contact : monique.maillard@yverdon-les-bains.ch ou 079 793 31 79 
vincent.artison@yverdon-les-bains.ch ou  079 347 34 61

Analyse

Le coaching: dernier gadget de notre société ou solution?

Les sociétés sont faites de modes et d’habitudes allant et venant au gré des époques et des besoins. Aujourd’hui, la tendance est à l’offre d’un maximum de services liés à toutes sortes d’exigences physiques, psychiques, spirituelles, ou encore émotionnelles. Le coaching est une prestation auxquels les gens ont de plus en plus recours. Rencontre avec deux coachs, Denis Jaccard et Raymond Gafner, aux spécialités différentes mais qui se rejoignent dans leurs aspirations.
Deborah Sohlbank

Vivre. Vivre en société. Qu’est-ce que une « société »? Voici la définition donnée par un dictionnaire classique: « Ensemble des individus entre lesquels existent des rapports durables et organisés, le plus souvent établis en institutions et garantis par des sanctions; milieu humain par rapport aux individus, ensemble des forces du milieu agissant sur les individus ». Il ressort une idée de collectivité, tout comme celle d’individu, de personne. Comment permettre à l’un d’exister sans pour autant être étouffé par l’autre? Cela n’est pas toujours facile. Nous vivons une époque paradoxale: notre société aisée qui peut se targuer de pouvoir combler tous les besoins et envies possibles est en même temps très exigeante avec l’individu. On lui demande son temps, son énergie, son efficacité maximale. De nombreuses pressions existent autour de nos performances physiques, professionnelles et relationnelles. Fonctionnement d’une société, répercussions directes sur l’individu. Coexistence de beau et de bobos.

Le coaching, un service payant pour par exemple « apprendre à être heureux » ou à « gérer le stress », ne serait-il pas le fruit direct de cette situation paradoxale?  Peut-être. Mais les besoins sont là. Et si un coaching « intelligent », loin de l’idée d’un mentor dont on ne saurait se passer, était une solution intéressante, pour qui ne ressent pas le besoin de passer par un psychologue?

Jeudi 18 mai, 20 heures. Denis Jaccard donne une conférence à Neuchâtel intitulée: « Surmonter les émotions bloquantes ». La salle est pleine, beaucoup d’auditeurs semblent être des habitués: on se reconnaît, on discute. Le conférencier, l’air engageant, souriant et visiblement très sympathique à l’auditoire s’est donné pour but ce soir la transmission d’une technique simple et applicable par n’importe qui pour se libérer d’une émotion ou d’une douleur physique trop envahissante. En plus des conférences gratuites qu’il donne une fois par mois, Denis Jaccard est  hypnothérapeute et coach de vie depuis trois ans. Insatisfait en tant que formateur en informatique, il entame  alors une formation de trois ans qui lui permet aujourd’hui de proposer son aide aux personnes cherchant à transformer leur problème en solutions. Très vite, il s’éloigne de l’acception communément reçue autour du coaching.  » Je me suis rendu compte que  la seule idée « d’optimisation maximale » n’était pas possible dans une démarche de travail personnel. Je vois mon travail comme un accompagnement visant à aider une personne à se reconnecter à ses ressources. L’aspect « développement des performances », « faire toujours plus et mieux » peut porter préjudice, car finalement, dans cette optique, plus les gens en font, moins bien ils se portent. J’ai donc fait certains virages et ai amené une dimension thérapeutique à mon travail. » Ce complément thérapeutique a la particularité d’être éloigné de la conception freudienne de la thérapie dont l’Europe est profondément marquée: il existe des thérapies brèves constituées de nombreuses techniques développées aux Etats-Unis (entre autres: l’auto-hypnose, la PNL , l’EFT , l’EMDR ) pouvant agir très rapidement sur le patient sans pour autant passer par une phase pénible de retour sur un passé traumatisant. Il traite divers maux: problèmes de couple, manque de confiance, troubles alimentaire, allergies, dépendances ou douleurs chroniques.  » Si les gens ont recours à de tels services, dit-il de sa voix grave, c’est peut-être parce qu’aujourd’hui, notre société laisse trop de place à l' »avoir » et au « faire » et ceci au dépens de l' »être ». Nous avons perdu la capacité d’écouter les autres et soi-même ».

Raymond Gafner revient d’une séance de travail en groupe lorsque nous nous rencontrons. Il pratique depuis presque dix ans le coaching à travers la formation d’adultes et l’accompagnement de groupes de travail en situation de changement, et voit cette activité comme un « ensemble de pratiques visant à libérer le potentiel individuel et collectif ». « A la base, je suis chimiste. Lorsque j’ai participé à une formation sur la conduite de groupes devant gérer des projets, j’ai été interpellé par l’importance des dynamiques de groupe: elles ont un rôle clef dans n’importe quelle situation. Je me suis découvert des compétences que j’ai voulu développer. ». Dans ce travail sur le potentiel humain résident les trois piliers du coaching: le développement de la conscience de soi, l’estime et la confiance en soi, ainsi que les responsabilités que chacun a dans une fonction. « Souvent, les groupes m’appellent lorsqu’ils s’aperçoivent qu’ils n’arrivent pas à leurs objectifs. Prenons le monde de la recherche scientifique: chaque individu arrive avec sa spécialité et un discours qui va avec. Comment établir un dialogue, se comprendre pour arriver à un but commun? Le coach, peut être un médiateur en cas de conflit. ». Outre les groupes, il arrive à Raymond Gafner de pratiquer du coaching individuel,  toujours lié au monde (complexe) professionnel:  » Les exigences envers un employé sont nombreuses. La liberté d’expression est limitée, les règles d’entreprise très strictes. Et pourtant, pour son bien-être personnel et professionnel, un individu doit sentir qu’il a une marge de manœuvre, des responsabilités et une reconnaissance. Il a besoin d’espace. ». Il arrive au coach et à son client  de devoir travailler sur les croyances et valeurs que ce dernier a pu développer selon ses expériences. Certaines de ces croyances deviennent limitantes et il s’agira d’aller outre ces limites.  » C’est là que le coach se différencie clairement du thérapeute: alors que ce dernier aura un regard et une approche analytiques, le coach travaillera par mise en situation: on ne se penche pas sur le passé, on cherche ce que l’on peut instaurer dans le présent. Je ne pénètre pas dans la vie d’un client, car je n’ai pas besoin de disséquer son passé pour mener mon travail à bien. »

Si les deux coachs ont des champs d’action différents, tous deux ont un but commun: aider les gens à se sortir d’états et de situations paralysantes de manière autonome et efficace. L’efficacité: une des grandes valeurs de notre société contemporaine. Si nous nous inspirions du marathonien qui avant de se préoccuper du 42ème  kilomètre songe au suivant? Peut-être commencerions-nous à comprendre là où l’efficacité fait des ravages et là où elle nous est bénéfique.  
D.S.

Pour plus d’informatio:  www.denisjaccard.ch ou www.meta-for.ch