Reportage

Centre de tri aux normes helvético européens

Depuis cette année, un nouveau centre de tri des déchets a été ouvert à Lausanne. Le centre Tridel brûle désormais les déchets des communes de pratiquement tout le canton de Vaud, de la Vallée de Joux à la Broye, de Lausanne au Gros-de-Vaud (145 au total), en tenant compte des dernières normes fédérales et européennes sur le développement durable.

Le projet Tridel a été soumis au peuple vaudois en 2001. Ce dernier a accepté par votation un crédit de 90 millions de francs injectés par le canton pour la construction d’un centre d’incinération des déchets à Lausanne, qui, au total, a coûté 360 millions de francs. Les travaux ont donc débuté en décembre 2002 et l’usine a allumé ses fourneaux le 11 janvier de cette année.
Cette usine est à la pointe de la technologie en ce qui concerne le traitement des déchets. Elle est adaptée aux normes fédérales et européennes en ce qui concerne les taux autorisés d’émission de particules. La fumée de combustion est filtrée plusieurs fois avant d’être relâchée dans l’air lausannois, ce qui permet de diminuer les résidus de poussière et d’oxyde d’azote jusqu’à 75%. D’autre part, cette nouvelle usine a permis le développement du chauffage à distance pour 18’000 personnes, chauffage qui est moins polluant que les chauffages traditionnels.
Attaché à la question du développement durable, le Conseil d’administration de l’usine Tridel a également pensé à un acheminement écologique des déchets à l’incinérateur. En effet, c’est par voie ferroviaire que ces derniers arriveront au centre Tridel. Cette voie est reliée au réseau national, ce qui permet une nette diminution des transports par camions.
Cette nouvelle construction a tout de même créé la controverse. Le parti des Verts trouve que le contrôle des émissions n’est pas aussi bon qu’annoncé, puisque le centre émet 10 fois plus de particules que la centrale de Thoune qui est elle aussi moderne. Cependant, il faut alléger cette argument, puisque la centrale de Thoune ne filtre pas les particule de dioxine, au contraire de l’usine Tridel. D’autre part, estiment les écologistes qu’avec sa possibilité de traitement de 140’000 tonnes de déchets par an, l’usine a une trop grosse surcapacité. Néanmoins, la durée de vie d’une usine est d’environ 25 ans. Il a donc fallu prévoir l’augmentation des déchets des prochaines années, ce qui implique actuellement cette surcapacité. Le chef des travaux Olivier Français a déclaré à ce sujet qu’il était nécessaire de développer une solidarité interusines. « Il faut que les déchets des usines puissent être traités par les autres centres lors de nettoyages ou lors de pannes ». Il répond aussi aux opposants, qui critiquent une course aux équipements, que cette usine était nécessaire et qu’elle remplace l’ancienne usine lausannoise d’incinération du Vallon qui avait 47 ans. Il relève également qu’il y aura surcapacité jusqu’en 2008 seulement.
Le problème actuel créé par l’ouverture de ce centre lausannois est qu’il prive le centre d’incinération de la SATOM à Monthey de 30’000 tonnes de déchets par an. Pour ne pas devoir éteindre régulièrement ses fourneaux,  l’usine valaisanne a trouvé un moyen de remplacement provisoire: étant donné que, selon les normes européennes, la mise en décharge est désormais interdite, la SATOM traitera des déchets allemands pendant trois ans. Ensuite, grâce à la démographie grandissante, son périmètre de rattachement aura plus de déchets, et les déchets proviendront alors de sol suisse uniquement.
Les riverains ont donc vécu un grand changement ces derniers jours. L’allumage des fourneaux a provoqué de gros nuages de fumée, et certains habitants dénoncent les odeurs bizarres qui flottent dans l’air depuis la mise en route de l’usine. Les autorités leurs on répondu que cela disparaîtrait rapidement, et qu’il n’y avait rien à craindre. Affaire à suivre!
C.R.

Enquête

Greenpeace porte plainte contre le Conseil fédéral

Le 19 janvier passé, Greenpeace a remis à l´Assemblée fédérale une plainte à l´autorité de surveillance contre le Conseil fédéral qui ne respecterait pas ses engagements en ce qui concerne la réduction des émissions de CO2. L’objet de la plainte, l’introduction d’une taxe sur le CO2 n’est pourtant pas incontesté en Suisse.
Steve Remesch

Le Conseil fédéral s’était engagé à introduire une taxe sur le CO2 émis par les combustibles (mazout, gaz) et les carburants (essence, diesel), si les objectifs de réduction visés par la loi sur le CO2 n’étaient pas atteints. Or le délai prévu pour l’introduction de cette taxe est échu au 1er janvier 2006. Greenpeace regrette que le Conseil fédéral ait laissé passer cette date sans commentaire. Pour l’organisation écologiste, il est évident que les objectifs ne peuvent être atteints sans l’introduction d’instruments incitatifs.

En 2004, des prévisions, mises en avant par Greenpeace, faisaient état d´une lacune de 2.9 millions de tonnes de CO2 en 2010. Or, en tout état de cause, le Conseil fédéral n’aurait pas réagi. Dans le communiqué de presse relatif à la plainte déposée à l’autorité de surveillance de l’Assemblée fédérale, Greenpeace accuse le Conseil fédéral d’avoir succombé aux pressions du lobby pétrolier et de ne pas avoir pas une perception claire de la situation.

Greenpeace attend de l’Assemblée fédérale, qu’elle prenne les mesures prévues par la loi, respectivement choisisse une procédure qui corresponde aux prescriptions de la loi sur le CO2. Le Conseil fédéral devrait en outre être contraint à informer la population de la raison pour laquelle les prescriptions légales n’ont pas été respectées jusqu´à présent.

Dans le communiqué de presse, Alexander Hauri, chargé de la campagne climat chez Greenpeace, constate aussi que «le Conseil fédéral enfreint la loi sur le CO2 de façon irresponsable. Il perd un temps précieux; la Suisse, particulièrement touchée par les changements climatiques, ne peut pas se le permettre. Cela a été particulièrement visible en 2005 où des précipitations et une sécheresse extrêmes ont frappé notre pays.»

L’industrie, les PME et les propriétaires fonciers proposent par contre  de remplacer la taxe CO2 sur les combustibles fossiles par un centime climatique, semblable à celui sur les carburants. Face aux caméras de la TSR, le conseiller national Rudolf Steiner (PRD/SO), également président de l’Association suisse des propriétaires fonciers (HEV), a précisé que cela aurait surtout l’avantage de revenir moins cher à l’économie et aux consommateurs. Il suffirait de prélever entre 1,6 et 1,7 centime par litre de mazout et 1,54 centime par kilo de gaz naturel. On atteindrait ainsi l’objectif de réduction des émissions de CO2 fixé par le Conseil fédéral pour les combustibles fossiles.
Greenpeace ne le voit pas du tout ainsi.  Déjà en 2004 le mouvement écologiste considérait que la proposition du centime climatique aurait comme seul but d’éviter l’entrée en vigueur de la taxe incitative sur le CO2 prélevée sur les carburants et dont l’introduction est prévue par la loi. Elle irait aussi à l’encontre de la diminution de la consommation de carburant. L’argument principal de la proposition du centime climatique serait le fameux achat de certificats d’émissions à l’étranger. Ces certificats d’émissions de CO2 imputés à hauteur de 10 millions de tonnes au nom de la loi sur le CO2 permettraient à l’Union pétrolière de vendre plus de 4.000 millions de litres d’essence supplémentaires, une quantité qui représente un gain de chiffre d’affaires d’environ 5 milliards de francs.

Interrogé par L’Article.ch en  mars 2005 (cf. Archives 03/2005), Yves Zenger, porte-parole de Greenpeace, considérait que le Conseil Fédéral aurait peur de s’engager. « En Suisse, on a de grandes difficultés à admettre et à comprendre qu’une politique en faveur de l’environnement ne se fait pas nécessairement au détriment de l’économie du pays. Ecologie et économie peuvent parfaitement fonctionner ensemble» affirma-t-il, « maintenant le moment est venu pour construire ensemble une politique de développement durable!» Surtout en tant que pays alpin, la Suisse devrait se rendre compte qu’elle est fortement touchée par le changement climatique. Yves Zenger insiste sur le fait que les glaciers fondent dans des proportions jamais vues jusqu’ici, que le permafrost dégèle et que infrastructures, personnes et habitations sont menacées par les glissements de terrain. De grosses inondations, des canicules estivales et la diminution des chutes de neige sont autant d’incitations sans équivoque à agir rapidement.
S.R.

Photo: Steve Remesch