Eclairage, Economie

Les réalités de l’immigration en Suisse

Travailleurs qualifiés, réfugiés, regroupements familiaux… L’immigration en Suisse prend des formes multiples. Ce phénomène, vital pour l’économie, suscite pourtant des débats passionnés et des choix politiques clivants.

Bien que la Suisse ne soit pas membre de l’Union européenne, elle reste étroitement liée à celle-ci par des accords bilatéraux facilitant la libre circulation des personnes. En 2024, près de 39 % de la population résidente permanente était d’origine étrangère, l’un des chiffres les plus élevés d’Europe.

Des profils variés

Les immigrés en Suisse ne forment pas un bloc homogène. On distingue :
Les ressortissants de l’UE/AELE, majoritairement venus pour le travail.
Les immigrés hors UE, souvent issus de la migration familiale ou de l’asile.
Les réfugiés et demandeurs d’asile, dont les flux varient selon les crises internationales.
Les nationalités les plus représentées sont l’Italie, l’Allemagne, le Portugal, la France et le Kosovo.

Un cadre légal strict mais évolutif

La politique migratoire suisse repose sur deux piliers. Soit, la libre circulation pour les citoyens de l’UE/AELE et le système de contingents pour les ressortissants hors UE, avec quotas annuels.

Le droit d’asile est régi par la Loi sur l’asile (LAsi), régulièrement révisée pour accélérer les procédures et renforcer les contrôles. Des mesures d’intégration, comme les cours de langue et les programmes d’insertion professionnelle, accompagnent ces dispositifs.

Une évolution marquée

Depuis les années 2000, la Suisse a connu plusieurs vagues migratoires.

L’élargissement de l’UE a intensifié l’arrivée de travailleurs qualifiés.
Les conflits en Syrie, Afghanistan ou Ukraine ont entraîné une hausse des demandes d’asile.
Certaines votations populaires, comme celle de 2014 sur l’immigration de masse, ont freiné temporairement l’ouverture à notre pays.

Les enjeux et les tensions

L’immigration en Suisse soulève des questions complexes, à la croisée de l’économie, de la cohésion sociale et des choix politiques. Si elle constitue un levier essentiel pour répondre au vieillissement démographique et aux pénuries de main-d’œuvre, elle génère aussi des tensions perceptibles dans l’espace public.

Un moteur économique indispensable

La Suisse dépend fortement de la main-d’œuvre étrangère, notamment dans les secteurs de la santé, de la construction, de la restauration et des services. En 2023, l’immigration a représenté le principal facteur de croissance démographique, avec un excédent migratoire record de +148 000 personnes. Cette dynamique est essentielle pour compenser le vieillissement de la population et maintenir la compétitivité du pays.

Des défis d’intégration persistants

Malgré des progrès, certaines personnes issues de la migration rencontrent encore des obstacles. Citons quelques exemples comme : revenus disponibles inférieurs à ceux des non-migrants, taux de pauvreté plus élevé et difficultés à joindre les deux bouts et accès limité à un soutien extérieur, malgré une amélioration du revenu médian.

Ces écarts ne s’expliquent pas uniquement par le statut migratoire, mais aussi par des facteurs sociaux tels que le niveau d’éducation, la langue ou le quartier de résidence.

Une polarisation politique croissante

L’immigration est devenue un sujet de crispation dans le débat public.
L’UDC, première force politique du pays, milite activement contre ce qu’elle qualifie d’“immigration incontrôlée”. Les votations populaires, comme celle de 2014, montrent que la population suisse reste divisée sur la question.

En parallèle, la Suisse participe activement à la réforme du système européen de migration et d’asile, en tant qu’État associé à Schengen/Dublin. Elle collabore avec Frontex et ses voisins pour gérer les flux migratoires tout en protégeant les droits fondamentaux des migrants.

Une nécessité économique et un défi sociétal

L’immigration façonne le visage de la Suisse et constitue un moteur de prospérité. Mais elle pose aussi des défis de cohésion et d’intégration. La démocratie directe suisse permet d’ajuster régulièrement la politique migratoire au gré des votations et des réalités du terrain. Reste à savoir si le pays saura concilier ouverture et cohésion dans un monde en perpétuel mouvement.
C.G.

Eclairage, Sciences

Les animaux diurnes entrent dans la nuit

La Fontaine aurait sans doute commencé ainsi :
« Maître Renard, au lever du jour, s’étant levé, d’une poule bien grasse, s’est mis à rêver. »
Je ne suis ni poète, ni La Fontaine, mais j’imagine très bien notre renard matinal s’élançant dans les champs familiers, flairant le vent, évitant les zones où rôdent les chiens.

Ce matin-là pourtant, quelque chose a changé. À peine sorti de son terrier, il se fige, la queue à l’horizontale, les sens en alerte. Un grondement monte, des bruits s’amplifient, des odeurs inconnues troublent l’air. Le doute le saisit, mais la faim le pousse en avant. Il rejoint son poulailler favori, se glisse par une faille dans le grillage, attrape une poule à la gorge et s’enfuit. Le coq donne l’alarme, le fermier jure et court, mais trop tard : le renard a disparu dans la haie, sa proie entre les crocs.

Sur le chemin du retour, il longe un champ où une grosse machine pétarade. Effrayé, il change de direction, traverse une petite route où passent sans relâche des voitures brillantes de phares. Il attend longtemps, immobile, avant d’oser franchir le bitume. Enfin, il retrouve son terrier et ses quatre petits affamés. Ouf ! Quelle aventure… Il se dit qu’il faudra trouver un autre moment, un autre chemin. Et, sans montre suisse, il commence à sortir un peu plus tôt… puis un peu plus tard. Jusqu’à devenir chasseur de lune.

De la forêt jurassienne à la savane africaine

Le sanglier, lui, s’est adapté plus vite encore. La nuit, il se sent maître du monde. Les bruits humains s’apaisent, les sentiers se vident, et la forêt redevient sienne. Tranquille, il évite les randonneurs, les promeneurs et ces drôles de bourdonnements à deux roues que les hommes appellent moto-cross.

Mais parfois, grisé par le silence, il s’aventure un peu trop loin. Sous la lueur blanche des phares, une ombre massive traverse soudain la route : un sanglier, suivi de ses marcassins. Le danger ne vient plus du fusil du chasseur, mais de ces monstres d’acier lancés à toute vitesse.

Ces scènes se répètent, la nuit, dans nos campagnes. Les sangliers, les renards, les biches et même les hérissons apprennent à vivre dans l’obscurité, à se cacher du jour devenu trop bruyant, trop lumineux, trop humain.
Autrefois, les hommes craignaient la forêt.
Aujourd’hui, c’est la forêt qui nous craint.

Et ce phénomène ne se limite pas à nos contrées. Sous d’autres latitudes, les mêmes adaptations se dessinent. Ainsi, des chercheurs ont découvert que les éléphants, pourtant animaux diurnes, modifient eux aussi leur comportement pour échapper au danger humain.
Dans certaines régions d’Afrique, ils marchent désormais davantage la nuit que le jour, afin d’éviter les braconniers. Les chercheurs concluent, après avoir suivi leurs déplacements entre 2010 et 2012 :
« L’éléphant, le plus grand mammifère terrestre, adapte son comportement pour sa sécurité. »

Plus au nord, dans nos villes européennes, les rouges-gorges s’ajustent à un autre type de menace : le vacarme et la lumière. Au Royaume-Uni, à Sheffield, des scientifiques ont constaté que ces petits oiseaux se mettent à chanter la nuit, surtout dans les zones où le niveau sonore est élevé durant la journée. Ils trouvent ainsi, la nuit, un moment de calme pour se faire entendre.

Quand les animaux nous montrent le chemin

Les animaux changent d’heure, s’invitent dans la nuit pour échapper à nos jours trop pleins.
Et nous, obstinés à tout éclairer, vivons le jour comme la nuit, éblouis d’écrans et de phares.
Peut-être qu’en éteignant un peu, nous leur rendrions la lumière du jour…
et retrouverions, enfin, la nôtre.
V.vA.