Actualité, Société

La montagne souffre : écologie, mémoire et résistance

Alors que les effets du changement climatique se font de plus en plus visibles, les territoires de montagne deviennent des zones d’alerte. Écosystèmes sensibles, lieux de mémoire et de résistance, les massifs alpins et pyrénéens témoignent à la fois de la beauté du vivant et de sa vulnérabilité.

Un écosystème en péril
La montagne est un écosystème fragile, particulièrement sensible aux effets du changement climatique. Elle joue pourtant un rôle essentiel dans la régulation du cycle de l’eau, l’accueil de la biodiversité et l’équilibre des territoires. Mais les pressions humaines s’intensifient avec le tourisme de masse et ses néfastes conséquences.

Face à cela, l’adaptation passe par un tourisme plus durable, une gestion raisonnée des ressources et une sensibilisation accrue des visiteurs. Des ateliers sur la biodiversité locale, des panneaux dans les refuges, des activités d’observation peuvent éveiller les consciences. Le pastoralisme, lui aussi, doit évoluer pour mieux concilier les usages de l’eau et la préservation des milieux.

Reclus, l’anarchiste des cimes
Terre de résistance depuis des siècles, la montagne est aussi le berceau de pensées écologiques et anticapitalistes. En 1872, rongé par l’échec de la Commune de Paris, l’exil et la prison, le géographe libertaire Élisée Reclus se réfugie en Suisse. C’est là, face aux barres rocheuses et aux massifs enneigés, qu’il élabore ses premières réflexions écologiques dans son ouvrage Histoire d’une montagne.

« J’aimais la montagne pour elle-même. J’aimais sa face calme et superbe éclairée par le soleil quand nous étions déjà dans l’ombre ; j’aimais ses fortes épaules chargées de glaces aux reflets d’azur, ses flancs où les pâturages alternent avec les forêts et les éboulis, ses racines puissantes s’étalant au loin comme celles d’un arbre immense. »

Reclus ne contemplait pas seulement la beauté des sommets : il y voyait un lieu de solitude féconde, de pensée libre, de résistance à l’ordre établi.

Le climat gronde, l’homme vacille
Qui n’a jamais été pris dans un orage en pleine randonnée ? Les roulements de tonnerre font trembler les montagnes et le sol. L’homme est remis à sa juste place : un être fragile, vulnérable face à la puissance des éléments.

L’été dernier, l’Europe a connu des canicules extrêmes, des orages violents et des incendies ravageurs. Les scientifiques alertent, mais les politiques reculent. Fragilisée par les crises budgétaires et attaquée par les climatosceptiques, la transition écologique fait du surplace. Quand elle ne régresse pas.

La glace fond, l’alerte monte
Le recul des glaciers dans les Alpes est une image forte, qui frappe les esprits. Bien que ce phénomène s’inscrive dans des cycles géologiques longs, la vitesse actuelle de fonte est alarmante. Elle témoigne des effets calamiteux du réchauffement climatique.

Et pourtant, les habitants des montagnes sont des gens sages. Ils connaissent leur territoire, savent lire le ciel, prédire les changements de temps. Combien d’alpinistes ont ignoré leurs avertissements et se sont retrouvés piégés sur les versants ? Même la Suisse, malgré cette sagesse locale, a connu des drames, par exemple Gondo, Blatten… autant de blessures dans le roc.

Pour que la montagne vive
La montagne souffre, mais elle résiste. Elle appelle à une prise de conscience collective, à une réinvention de nos rapports au vivant. Elle nous offre un espace de beauté, de mémoire et de réflexion. Encore faut-il l’écouter.
L.E.

Eclairage, Economie

Suisse 2025 : vers un retour de l’optimisme économique ?

Après un été morose marqué par la hausse des droits de douane américains, les indicateurs repassent au vert. Mais les signaux sociaux, eux, invitent encore à la prudence.

Le moral des acteurs économiques remonte
Le pessimisme semble s’éloigner des milieux économiques suisses. Les risques liés aux exportations se sont atténués, et le baromètre UBS–CFA a connu une remontée spectaculaire en octobre, malgré l’impact des droits de douane américains.

Historiquement, une chute aussi brutale que celle d’août 2025 (–53,8 points après +2,4 % en juillet), survenue lors de l’entrée en vigueur des nouvelles barrières commerciales, est souvent suivie d’un rebond. Celui d’octobre figure parmi les plus marqués depuis la création de l’indicateur, juste derrière ceux observés après la crise financière de 2008 et la pandémie de Covid-19.

La Suisse romande sous pression
Plus exposée aux échanges internationaux, la Suisse romande ressent plus fortement les effets de la nouvelle politique commerciale américaine. Après une croissance du PIB estimé à 1,6 % en 2025, les prévisions pour 2026 tablent sur un ralentissement à 0,9 %.
Cette fragilité se reflète aussi sur le marché de l’emploi, notamment chez les plus jeunes.

Chômage des jeunes : un signal d’alerte
Entre août et septembre 2025, le nombre de jeunes chômeurs (15–24 ans) a augmenté de 179 personnes (+1,3 %), atteignant 13 861. Sur un an, cela représente une hausse de 15,9 %. Le taux de chômage des jeunes reste stable à 3,2 %, mais la tendance inquiète.

En parallèle, les postes vacants annoncés aux ORP ont diminué de 1,3 % en septembre, avec 948 offres de moins qu’à la même période en 2024. Plus de la moitié (56 %) des postes sont soumis à l’obligation d’annonce, mais le décalage entre les profils recherchés et les compétences disponibles persiste.

Moins d’heures, plus de flexibilité
Les Suisses travaillent un peu moins, mais toujours davantage que leurs voisins européens. En 2024, un emploi à plein temps représentait 40 h 04 par semaine, soit 50 minutes de moins qu’en 2019. Ce chiffre reste inférieur à la limite légale de 45 heures dans l’industrie et les services, et de 50 heures dans l’agriculture et les soins.

« Le temps de travail suit une tendance baissière depuis plusieurs décennies », observe Cédric Tille, professeur d’économie au Geneva Graduate Institute (Institut de hautes études internationales et du développement).

Dans le secteur secondaire, les gains de productivité permettent désormais de produire avec moins de main-d’œuvre. Ces gains sont souvent réinvestis dans des horaires plus souples, améliorant la rentabilité tout en atténuant les tensions sur le marché du travail.

2026 : prudence et espoir
Malgré un horizon incertain, les conditions restent favorables à une hausse des salaires. L’allongement de la durée d’indemnisation du chômage à 24 mois pourrait aussi amortir les chocs sociaux.

Si les tendances actuelles se confirment, l’économie suisse pourrait amorcer un nouveau cycle de croissance dès 2026.
Reste à savoir si la confiance retrouvée se traduira par une reprise durable.
P.dN.