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30 km/h en ville : interdiction de trop ou vraie opportunité ?

Rouler à 30 km/h en ville : une idée qui hérisse certains conducteurs, mais séduit les défenseurs de la sécurité et de la qualité de vie. Alors que le Parlement suisse s’empare du sujet, le débat s’annonce animé.

Rouler à 30 km/h dans toutes les agglomérations suisses, comme à Fribourg ? À première vue, je suis contre. Ras-le-bol des interdictions ! On imagine déjà les ralentisseurs plantés tous les 100 mètres. Mais au-delà de ce réflexe, les faits méritent qu’on s’y arrête.

La sécurité avant tout

Les études sont unanimes : abaisser la vitesse à 30 km/h en ville réduit drastiquement la gravité des accidents. Un choc à 30 km/h laisse 90 % de chances de survie à un piéton, contre un risque multiplié par huit à 50 km/h.
La distance de freinage est presque divisée par trois : 9 mètres à 30 km/h contre 25 mètres à 50 km/h sur route sèche.
À Fribourg, un an et demi après l’introduction du 30 km/h, la police cantonale a constaté une baisse du nombre d’accidents et de leur gravité.

Moins de bruit, plus de qualité de vie. Réduire la vitesse, c’est aussi réduire les nuisances :
À Fribourg, le bruit routier a baissé de 2,1 décibels, soit l’équivalent de 40 % de trafic en moins pour les riverains. À Bologne, la réduction atteint 3 à 4 décibels, avec en prime 46 % d’accidents corporels en moins. Moins de bruit, c’est plus de tranquillité, mais aussi plus de piétons et de cyclistes dans l’espace public.

Et l’air que l’on respire ?

Les villes qui ont généralisé le 30 km/h observent aussi une diminution des émissions polluantes (oxydes d’azote notamment). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Ademe recommandent clairement cette mesure pour améliorer la qualité de l’air et favoriser la mobilité active.
Des exemples concrets
Bilbao : -22,9 % d’accidents la première année.
Paris : -40 % d’accidents graves et mortels.
Amsterdam et Bologne : des trajets plus fluides malgré une vitesse maximale abaissée, sans allongement du temps de parcours.

En Suisse, le Bureau de prévention des accidents (BPA) rappelle que 60 % des accidents graves surviennent en localité, souvent sur des axes limités à 50 km/h.
Chaque année, 1 900 personnes y subissent des blessures graves et 80 y perdent la vie.

Les opposants s’inquiètent

Mais la sécurité n’est pas le seul argument, tout n’est pas rose. À Fribourg, l’association des commerçants déplore un impact négatif sur la fréquentation, jusqu’à 20 % de baisse pour certains établissements. Elle réclame des mesures d’accompagnement, comme le téléjalonnement des parkings pour fluidifier le trafic.

Et demain ?

Même si je suis amateur de voitures puissantes, il faut reconnaître que la question mérite réflexion. Produire des monstres de la route alors qu’on cherche à pacifier nos villes a-t-il encore du sens ? Et d’ailleurs, à quelle vitesse roulent les vélos électriques et les trottinettes dans nos rues ?

Comme toujours en Suisse, ce sera peut-être au peuple de trancher. Reste à voir si les études et les expériences européennes pèseront assez lourd pour convaincre les électeurs qu’un 30 km/h généralisé n’est pas une interdiction de plus, mais un véritable investissement pour la sécurité et la qualité de vie. Pour l’instant les communes ont la balle dans leur camp.

Finalement, ce n’est peut-être pas une interdiction de plus, mais une invitation à lever le pied, au propre comme au figuré.
P.dN.

Eclairage, Economie

Les réalités de l’immigration en Suisse

Travailleurs qualifiés, réfugiés, regroupements familiaux… L’immigration en Suisse prend des formes multiples. Ce phénomène, vital pour l’économie, suscite pourtant des débats passionnés et des choix politiques clivants.

Bien que la Suisse ne soit pas membre de l’Union européenne, elle reste étroitement liée à celle-ci par des accords bilatéraux facilitant la libre circulation des personnes. En 2024, près de 39 % de la population résidente permanente était d’origine étrangère, l’un des chiffres les plus élevés d’Europe.

Des profils variés

Les immigrés en Suisse ne forment pas un bloc homogène. On distingue :
Les ressortissants de l’UE/AELE, majoritairement venus pour le travail.
Les immigrés hors UE, souvent issus de la migration familiale ou de l’asile.
Les réfugiés et demandeurs d’asile, dont les flux varient selon les crises internationales.
Les nationalités les plus représentées sont l’Italie, l’Allemagne, le Portugal, la France et le Kosovo.

Un cadre légal strict mais évolutif

La politique migratoire suisse repose sur deux piliers. Soit, la libre circulation pour les citoyens de l’UE/AELE et le système de contingents pour les ressortissants hors UE, avec quotas annuels.

Le droit d’asile est régi par la Loi sur l’asile (LAsi), régulièrement révisée pour accélérer les procédures et renforcer les contrôles. Des mesures d’intégration, comme les cours de langue et les programmes d’insertion professionnelle, accompagnent ces dispositifs.

Une évolution marquée

Depuis les années 2000, la Suisse a connu plusieurs vagues migratoires.

L’élargissement de l’UE a intensifié l’arrivée de travailleurs qualifiés.
Les conflits en Syrie, Afghanistan ou Ukraine ont entraîné une hausse des demandes d’asile.
Certaines votations populaires, comme celle de 2014 sur l’immigration de masse, ont freiné temporairement l’ouverture à notre pays.

Les enjeux et les tensions

L’immigration en Suisse soulève des questions complexes, à la croisée de l’économie, de la cohésion sociale et des choix politiques. Si elle constitue un levier essentiel pour répondre au vieillissement démographique et aux pénuries de main-d’œuvre, elle génère aussi des tensions perceptibles dans l’espace public.

Un moteur économique indispensable

La Suisse dépend fortement de la main-d’œuvre étrangère, notamment dans les secteurs de la santé, de la construction, de la restauration et des services. En 2023, l’immigration a représenté le principal facteur de croissance démographique, avec un excédent migratoire record de +148 000 personnes. Cette dynamique est essentielle pour compenser le vieillissement de la population et maintenir la compétitivité du pays.

Des défis d’intégration persistants

Malgré des progrès, certaines personnes issues de la migration rencontrent encore des obstacles. Citons quelques exemples comme : revenus disponibles inférieurs à ceux des non-migrants, taux de pauvreté plus élevé et difficultés à joindre les deux bouts et accès limité à un soutien extérieur, malgré une amélioration du revenu médian.

Ces écarts ne s’expliquent pas uniquement par le statut migratoire, mais aussi par des facteurs sociaux tels que le niveau d’éducation, la langue ou le quartier de résidence.

Une polarisation politique croissante

L’immigration est devenue un sujet de crispation dans le débat public.
L’UDC, première force politique du pays, milite activement contre ce qu’elle qualifie d’“immigration incontrôlée”. Les votations populaires, comme celle de 2014, montrent que la population suisse reste divisée sur la question.

En parallèle, la Suisse participe activement à la réforme du système européen de migration et d’asile, en tant qu’État associé à Schengen/Dublin. Elle collabore avec Frontex et ses voisins pour gérer les flux migratoires tout en protégeant les droits fondamentaux des migrants.

Une nécessité économique et un défi sociétal

L’immigration façonne le visage de la Suisse et constitue un moteur de prospérité. Mais elle pose aussi des défis de cohésion et d’intégration. La démocratie directe suisse permet d’ajuster régulièrement la politique migratoire au gré des votations et des réalités du terrain. Reste à savoir si le pays saura concilier ouverture et cohésion dans un monde en perpétuel mouvement.
C.G.