Eclairage

Les 40 ans d’un droit universel

Il y a tout juste 40 ans,  les femmes de notre pays obtenaient le droit de vote. La lutte pour l’obtention du suffrage féminin s’est révélée difficile…Retour sur l’acquisition d’un droit.

En Suisse, les premières organisations demandant l’égalité entre hommes et femmes font leur apparition au milieu du 19e siècle et plus précisément en 1868. Cependant, cela  ne va  pas
influencer la révision de la Constitution  suisse en 1874, le suffrage masculin restant le seul légalement reconnu. Toutefois, à la fin du siècle, les mentalités ont évolué, en témoigne la tenue du premier Congrès féminin à Genève en 1896.Dès lors, la défense des droits féminins est en marche. C’est également à cette époque qu’est créée la commission  parlementaire sur la question féminine. Pourtant, bien que les mœurs commencent  à changer, il faudra cependant attendre le milieu du 20e siècle avant de percevoir le vent du changement en terre helvétique.

C’est précisément en Valais que se produit un événement qui va faire parler de lui au-delà des frontières  nationales. En cette année 1957, le paisible village d’Unterbäch  devient le centre d’un
événement historique. En effet, deux hommes du village engagés en politique, Messieurs Von Roten et Zenhaüsern,  avancent une proposition tout à fait illégale pour l’époque : ouvrir le vote aux femmes, l’objet les concernant. Il s’agit de se décider quant à l’intégration des femmes à la protection civile. C’est ainsi que, sous les moqueries de certains villageois, 33 femmes  se
rendent à l’urne leur étant réservée. Les résultats, de par leur caractère illégal, ne sont pas pris en considération ni même révélés. Cependant, la presse étrangère relate cet événement  lié au suffrage féminin en Suisse. Il faut savoir que le droit de vote a été accordé bien plus tôt aux citoyennes de pays tel que l’Allemagne (en 1918) et la France (en 1944).
Le gouvernement suisse semble également s’ouvrir à la question lorsqu’il propose en 1959 une votation fédérale concernant le suffrage féminin. Toutefois, c’était peut-être un peu prématuré au regard du résultat exprimé par un refus de plus de 66% au niveau fédéral. Pourtant, trois cantons romands sortent du lot en acceptant cette même initiative : Vaud, suivi de Neuchâtel puis de Genève. Si bien que leurs  citoyennes obtiennent le droit de vote au niveau cantonal sans pouvoir toutefois s’exprimer à l’échelle nationale. De ce fait, la question du suffrage féminin semble bloquée.
Arrive alors l’année 1968 désignée «  année internationale des droits de l’homme ». Mai 68 et ses mouvements de révolte ne sont pas loin. Cette même année, le Conseil Fédéral décide d’entamer un processus menant le pays à ratifier la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Et ceci avec un détail de taille : la question du droit de vote des femmes serait laissée de côté, du moins au niveau fédéral.  Des protestations commencent alors à se faire entendre. Le 1er mars 1969, près de 5000 femmes participent à la « Marche sur Berne » en revendiquant leur droit au vote. Un droit qu’elles souhaitent inscrire dans la Constitution Fédérale avant que la Suisse ne signe la
Convention Européenne des Droits de l’Homme. Le  gouvernement se doit donc de réagir.
Deux ans plus tard, en 1971, une nouvelle votation fédérale concernant le suffrage féminin ainsi que l’éligibilité des femmes est mis en place. Cette fois, l’initiative est acceptée à 65,7%, traduisant une évolution certaine de la condition de la femme dans la société. L’application de la loi est soigneusement laissée aux cantons. Ce qui a, par la suite, donné lieu  à quelques laisser- aller. Ce fut notamment le cas du canton d’Appenzell  Rhodes-Intérieures, sommé en 1990 par le Tribunal Fédéral d’appliquer la loi, dix–neuf ans après son entrée en vigueur. Reconnues en tant que citoyennes  possédant le droit de vote et l’éligibilité au niveau fédéral, les femmes n’hésitent plus à entreprendre un mandat politique.  C’est ainsi qu’Elisabeth Kopp devient la première conseillère fédérale en 1984. Dix ans s’écoulent encore avant la création de la loi fédérale sur l’égalité en 1995. Les femmes gravissent alors les échelons politiques. La présidence du Conseil Fédéral se retrouve aux mains de Ruth Dreifuss en 1999. Alors que la société évolue, les
femmes osent enfin exprimer et proposer leurs idées concernant l’avenir du pays.
En retard par rapport à ses voisins sur la question du suffrage féminin, la Suisse a connu un événement historique en septembre 2010 dont peu de pays peuvent s’enorgueillir : nommer quatre femmes au gouvernement. Après l’acquisition du droit de vote, les femmes ont donc franchi une nouvelle étape. L’histoire est en marche et elle n’a pas fini de s’écrire.
M.Ch

Conte

Femmes

Longue bataille que celle d’affirmer l’égalité. Elle n’est pas féministe mais
moderne. Elle cerne mieux que personne le cours de la bourse. Elle court souvent
aux trousses de ses deux enfants, regrettant parfois une présence masculine à la
maison, mais cette absence, bien que pesante, ne hante pas ses journées.

Aujourd’hui sa maman, grand-maman, garde les enfants à la maison. À noël,
elle a offert une cuisine en bois à sa petite fille et son petit garçon a reçu
un nouveau jeu vidéo. En tant que mère elle n’a pas vraiment apprécié ces
cadeaux, surtout celui de sa fille, car grand-maman trouve important qu’une
femme s’occupe du ménage, peut-être un peu trop. Elle est un peu « vieux jeu »,
de l’ancienne génération.

Le dynamisme de cette femme des finances est impressionnant ! Elle élève
seule sa fille, 2 ans, à l’orée de la vie, et puis son fils, 15 ans, à l’aube
des envies. Deux mariages mais aucun mot pour définir la lâcheté masculine. De
l’insuline en trop peut-être, de la haine certes, de l’énergie, et pourtant tant
de temps pourri par le déni.

Une première relation, un homme, la cinquantaine, garant de maturité, mais
surtout garantissant l’infidélité, 4 fois, 4 fois qu’il est allé voir ailleurs
alors que son fils l’attendait au bord du terrain de football. Séparation,
dépression, pressions nouvelles ; élever seule un enfant.

La seconde relation, 10 ans, un rêve mais cette voiture dans la nuit, sous la
pluie, mort sur le coup, violemment. Comment expliquer cette disparition
soudaine à ses deux enfants ? Elle pense parfois se marier une troisième fois,
dans les heures noires, quand tout semble dégoutant. Mais alors elle regarde sur
le bureau, ses deux anges, les ailes déployées dans un cadre.

Un passé foisonnant d’activités, 45 ans déjà, elle ne doute plus, malgré
quelques larmes parfois, elle sait, silencieusement, doucement que ses enfants
ne vivront pas ces épreuves. Alors depuis, elle se bat pour plus d’égalité, par
foi en l’humanité, par envie de liberté. Elle vote souvent. Parfois même au
sommet de son gratte-ciel, le ciel gratte des sommes considérables d’argent ;
des responsabilités.

Insouciante, informée, curieuse, mère, séduisante, blessée, endurcie,
convaincue, amoureuse parfois, toujours heureuse de voir ses enfants vivre,
rencontrer, aimer. Elle travaille pour vivre, cumule les responsabilités, mais
sans cesse ces regards douteux de collègues masculins. Elle n’en souffre plus
mais ne les comprend pas.

Elle repense souvent aux coups bas qu’elle a fait. Sensible mais cartésienne
et donc capable de se dépasser, de se surmonter, de froidement décider. Elle
oublie parfois les blessures qu’elle a ouverte, conquérante, saine ; elle se bat
au quotidien. Mais elle vit de sensibilité.

Ainsi, la lueur dans l’œil, le reflet des rayons discrets sur les murs des
buildings, la City comme terrain de jeu, sa fille, psychologue, dont le mari
travaille à l’ambassade Suisse. Son fils, chef d’entreprise aux États-Unis.

La fierté d’une mère ; bâtisseuse, bosseuse, battante. Elle se bat toujours
pour l’égalité indispensable. C’est un choix de vie, une nécessité
peut-être…
AW