USA

Highway 1 : La côte californienne dans toute sa splendeur

En route pour la célèbre Highway 1, qui longe la côte californienne. Le littoral regorge de trésors visuels et possède de nombreux visages, qu’il alterne. San Francisco la tolérante, Silicon Valley l’innovante technologique, Big Surdominant l’océan… Zoom sur le tronçon le plus célèbre, qui relie San Francisco à Santa Barbara.

Lorsque notre périple commence à San Francisco, la ville s’éveille sous sa brume habituelle, le fameux fog dont les habitants ne remarquent même plus la présence. Bientôt, elle se lèvera et laissera place à une chaleur agréable, dont les Angelinos sont jaloux.

San Francisco, l’unique

La ville a bien plus d’une histoire à raconter. Ce n’est donc pas un hasard si elle attire autant les foules. Les véritables raisons de tant de gloire ? On peine encore à les expliquer. On soupçonne toutefois ses collines (plus de 50!), ses ravissantes maisons victoriennes, la proximité de la mer, qui lui procure une ambiance particulière, et son charme naturel d’y participer.Une ville tout en couleur et en hauteur, dont certaines rues, trop pentues, sont remplacées par des escaliers. Une longue tradition de tolérance a sûrement aussi contribué à sa notoriété. Peut-être prend-elle le dessus de par la façon dont elle marie les cultures avec brio. A San Francisco, la différence est acceptée. Mais la véritable raison qui fait d’elle la ville américaine préférée des visiteurs reste un secret, dont elle seule détient la vérité.

Frisco, avant-gardiste dans l’émancipation des minorités

La destination constituait, dans les années 60, l’espoir d’un nouveau départ pour beaucoup d’exclus de la société américaine, minorités ethniques et sexuelles. Aujourd’hui, différentes populations se côtoient dans cette ville et chaque quartier affirme sa propre identité. Si chaque ethnie s’est regroupée dans un quartier, les frontières sont plus perméables qu’elles ne le laissent penser. En quelques minutes, on passe du quartier chinois, Chinatown, au quartier italien de North Beach. Ancien quartier latin, qui doit son nom à la proximité qu’il avait avec le port d’où affluaient les immigrants, il s’est transformé en petite Italie. Plus au sud, on découvre Mission, un quartier des plus vivants, qui a d’abord vu déferler plusieurs flots d’immigrés avant de devenir le lieu de prédilection des hispaniques. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’ils ont choisis le quartier le plus chaud de la cité, où le brouillard ne parvient pas, prisonnier des collines. Plus à l’ouest, Japantown s’est aussi forgé sa place dans la ville. D’autres quartiers encore, tels que le French Quarter et Little Saigon, plus petits et plus discrets, sont moins connus mais regroupent, eux aussi, différentes communautés. A San Francisco, la cohabitation des diverses cultures et ethnies est ancrée dans le fonctionnement même de la ville, née avec les différentes vagues d’immigration. Ses influences multiculturelles font d’ailleurs aujourd’hui de la City by the bay, une ville aux multiples facettes.

Ouverte et tolérante, Frisco a permis l’émancipation des minorités et des droits civiques. La ville a fait naître la Beat Generation, mouvement littéraire et artistique, à l’esprit bohême des années 50, qui comptait pour membres (entre autres) Jack Kerouac. Contestataires, les Beatniks méprisaient le mode de vie américain. Ils furent l’inspiration des hippies qui s’établirent dans le quartier d’Haight-Ashbury dans les années 60. L’esprit d’origine y est aujourd’hui encore présent. Le quartier de Castro devint le quartier des gays dans les années 70, période à laquelle ils commencèrent à affirmer leur orientation sexuelle.

Et si le secret de la ville résidait simplement dans le fait qu’elle est avant tout humaine ?

Une petite ville qui regorge d’innovations

Fascinés, nous laissons San Francisco et ses multiples histoires méconnues derrière nous. Cette ouverture, notamment aux idées nouvelles, dont nous avons été nourris ces derniers jours, s’étend au sud de la région et touche toute la Silicon Valley. Littéralement « Vallée du silicium » (utilisé dans les puces d’ordinateur), la région, un véritable nid à startups, regroupe le siège de la plupart des entreprises de haute technologie. Longtemps perçue comme l’Eldorado, elle n’a malheureusement pas été clémente avec tout le monde.

En parcourant les rues de Palo Alto, le cœur géographique et historique de la Silicon Valley, on est loin de se douter que dans cette ville sont nés tant de bonnes idées et de révolutions informatiques. Les investisseurs ont eux aussi élu domicile dans cette cité pour être à l’affût des projets novateurs et fructueux. Ici, tout va très vite. La ville détient certainement le record d’intelligence, d’énergie mise en œuvre et d’argent. Pour comprendre et s’imprégner du fonctionnement de l’endroit, pas besoin d’aller loin. Il suffit de prendre son repas dans un des diners de la rue centrale de la ville et de tendre l’oreille : même ici, lors de la pause dîner, on parle affaires. Les créateurs négocient avec les investisseurs. A notre droite, iPad à la main, un homme présente un concept pour une nouvelle application. Qui sait ? Peut-être sera-elle la révolution de demain…

Si les plus grandes entreprises se sont regroupées ici, ce n’est pas par hasard. La ville abrite la prestigieuse université de Stanford, membre de la Ivy League, qui regroupe les universités américaines d’excellence. Tout est majestueux. L’entrée sur le campus consiste en une gigantesque allée, bordée de palmiers, à l’image d’une université peu banale, qui s’étend sur plus de 3300 hectares. Parmi les professeurs et chercheurs y travaillant, on ne compte pas moins de 18 prix Nobel. William Hewlett et David Packard, fondateurs de HP, Jerry Yank, fondateur de Yahoo et Philip Knight, fondateur de Nike ont, quant à eux, occupé les auditoires.

L’état aux nombreux visages

Avant de rejoindre la côte, nous sommes confrontés à nouveau aux multiples facettes de la Californie. Différents types de paysages se succèdent. D’abord de vastes étendues arides, puis, alors que nous nous dirigeons vers l’océan pour rejoindre la station balnéaire de Santa Cruz, le désert qui nous entourait est remplacé par d’incomptables hectares de champs cultivés : fruits et légumes de tous types. Ensuite, ce sont de grandes forêts qui remplacent les champs.

Lorsque nous atteignons Santa Cruz, l’air est frais, le soleil peine à montrer le bout de son nez. Quelques surfeurs matinaux ont décidé de se mouiller pour essayer d’attraper quelques vagues avant de se rendre au travail.  Le temps de prendre un petit déjeuner à l’américaine, à la carte : sandwich, omelette ou pancakes, le soleil s’est levé et nous ouvre la voie du Boardwalk. La promenade est bordée de palmiers qui mènent à un parc d’attractions foraines. Montagnes russes et manèges semblent avoir été toujours là. Installés en 1920, la plupart sont d’origine et sont restés entre les mains de la même famille. A côté des attractions s’étend la plage. L’ambiance est déjà au rendez-vous. Ce matin-là, les enfants de la région se sont retrouvés pour diverses compétitions. Ils font tous partie du Junior Lifeguard Program, qui les sensibilise aux dangers de l’océan et aux problèmes environnementaux. Une sorte de camp scout pour les jeunes habitants des bords de mer… Malgré l’agitation et l’excitation des enfants, on entend le cri des otaries qui se sont réunies sur une plateforme attachée à la jetée. D’un peu plus loin, nous apercevons la baie de Monterey. Sur le côté de la route, s’étendent des petites falaises, sculptées par les vagues.

Si Mère Nature a su réaliser de si beaux paysages, elle sait aussi faire trembler : multiples panneaux indiquant le chemin d’évacuation en cas de tsunami, procédures en cas en cas d’ « alerte séisme » et vestiges de séismes dévastateurs sont là pour nous le rappeler. Les californiens en ont l’habitude. Chaque année pas moins de 200 séismes sont provoqués par la faille de San Andreas, passant par San Francisco et Los Angeles, en longeant la côte. Si la plupart d’entre eux sont trop faibles pour être ressentis, les américains attendent celui qu’ils appellent déjà le « Big One », prévu au cours des trente prochaines années. Des habitants affirment toutefois qu’ils sont épargnés des tornades et inondations qui touchent le reste du pays, chez eux ce sont les séismes. « Il faut vivre avec, en contrepartie d’une si belle nature. »

Direction : le sud

Nous traversons d’abord Monterey, jolie petite station, malheureusement victime de son succès. Sur la jetée, différentes odeurs de poissons nous accompagnent. Ici, il y a de quoi oublier les dangers. Les restaurants du coin proposent la Clam Chowder, une soupe de palourdes servie dans un pain ballon, très populaire dans la région. Un peu plus loin, des locaux font abstraction des touristes et jouent à la pétanque avec une horde de goélands comme spectateurs. La spécificité de la baie de Monterey ? Elle abrite un sanctuaire marin d’une incroyable richesse. En continuant notre route, nous atteignons le village de Carmel, qui n’a rien de typiquement américain. Tout en pente, les rues sont bordées de pins, de cyprès et d’eucalyptus. Au cœur de la ville, pas un seul immeuble et pour cause ! Même les boîtes aux lettres ont été supprimées car jugées trop peu esthétiques. Chaque habitant va chercher son courrier à la poste ! On ne trouve donc pas de grandes chaînes de magasins, d’enseignes lumineuses, ni même de feu de signalisations mais de belles galeries d’art au charme particulier. Abritant Mission Ranch, l’hôtel et restaurant de Clint Eastwood, maire de la ville dans les années 80, la bourgade est un repère de personnalités et de millionnaires. A Carmel, nous rejoignons la Highway 1 qui longe la côte. Fortement touristique sur ce tronçon, c’est la conséquence de tant de beauté.

Lorsque nous arborons la côte de Big Sur, la brume matinale est très présente. On aperçoit au loin quelques falaises qui sortent du brouillard. Les vagues s’écrasent contre la roche dans un bruit fracassant. Il est encore tôt et la température est basse. Les quelques 150 kilomètres qui séparent le début de Big Sur de Morro Bay nous offrent de somptueux paysages variés. La route est sinueuse et le panorama à couper le souffle. De majestueux cyprès se dressent à nos côtés. De temps en temps, des effluves d’eucalyptus étourdissent nos sens. Au tournant du siècle, on y comptait pourtant moins de 1000 habitants : des amoureux de la nature. Pourquoi cette région est-elle si peu peuplée ? Le manque de commodités peut être une explication : pas de supermarché à proximité et encore moins de réseau de télécommunications!

Retour de la civilisation et de la consommation

Après avoir longé la côte, depuis Carmel, où nous étions livrés à la nature, nous atteignons la ville de San Luis Obispo. Fini la traversée des grandes étendues sauvages, la différence d’atmosphère est considérable. Nous voici de retour à la civilisation et à la consommation. Partout, on observe l’abondance. Tout est grand, tout est « en plus », on se noierait presque dans le « trop »… Des grandes voitures à la nourriture en quantité astronomique, en passant par les lumières constamment allumées et les ventilateurs à plein tube, la consommation ne semble guère être un souci, alors même que la Californie est l’état américain le plus concerné par le développement durable.

Dans la ville, l’ambiance est collégiale, en raison de l’Institut Polytechnique établi dans la ville. Réputée pour son marché agricole, la commune jouit aussi de festivitésmusicales en été. De nombreux concerts sont organisés sur la Plaza, où les jeunes se mêlent aux danses des plus vieux, avec entre eux, même quelques sans abris qui profitent de la fête.

A break from America

Seulement quelques kilomètres au sud de Los Alamos, ville fantôme au caractère western, la petite ville de Solvang est un stop obligatoire pour européen en mal du pays. Créée de toutes pièces par des danois en 1911, les maisons sont construites dans le style danois et on y trouve même des moulins à vent. Bien qu’ils aient réussi à recréer le Danemark en Californie, ils n’ont pas pu contrôler la météo et les 38° que le conteur affiche se font sentir.

Lorsque nous arrivons à Santa Barbara, nous sommes un peu soulagés. La station balnéaire, très réputée, bénéficie d’un climat enfin supportable. Derrière nous, des montagnes, qui entourent presque la ville. La région est viticole, et réputée pour ses dégustations de Chardonnay et Pinot Noir. Les noms des rues ont une consonance hispanique, la frontière avec le Mexique n’est plus qu’à quelques 350 kilomètres au sud. Les maisons blanches aux toits de tuiles rouges donnent à la ville un charme certain. Le bord de l’océan est, lui aussi, très agréable. Le soir, l’ambiance y est sympathique… A nous enlever toute envie de rentrer ! Alors que le soleil se couche gentiment et que les touristes rebroussent chemin, nous restons là à admirer l’océan qui ne nous a jamais quitté du voyage.

S.H. 

Bolivie

Poussière de pensées

Quelques traces des alentours de Sucre en Bolivie. Quelques extraits de vie comme pour tenter d’emmener le lecteur à l’autre bout du monde.  Quelques mots pour décrire le paysage sec de l’hiver bolivien. Sans conteste, les premiers pas d’un choc culturel de la plus grande importance qui s’écoule dans l’anonymat le plus complet. Le récit de quelques coups de pédales qui s’activent dans l’immense peinture andine.

Autre jour, autre vie, comme un renouveau qui s’annonce sans prévenir. À l’aube, quand les oiseaux conversent, quand les gens découvrent une nouvelle journée. Le patio de la maison est vide. Les murs jaunes  accueillent le jour dans un éclat de lumière.  Seule, au milieu, la table de fer noir parle déjà de tant de livres. Au dehors, la route s’active. Là où se dépêchent tant de mouvements, sans raisons, mécaniquement.

Un moment de découverte qui s’annonce puis sans hésiter, le couvercle du soleil qui se découvre complètement, là-bas, derrière cette vitre salie par l’hiver si sec. Sans paroles, l’envie de sauter hors de l’ombre au milieu d’un patio, sur cette table de fer, deux bancs et deux chaises, les premiers rayons boliviens chauffent les pierres de la cour encore endormies de la nuit.

Quelques pas curieux, le froid andin, le souvenir d’un cratère visité le weekend passé, l’abondance de vie qui souhaite envahir l’ensemble de la cité blanche. Sucre se réveille au rythme des battements d’ailes d’un colibri encore endolori par l’obscurité, rapidement, furtivement. Déjà les murs blancs de la “Ciudad Blanca” reflète de toute leur splendeur les rayons tellement agréables. Et déjà les premiers micros, petit bus typique de la ville, parfois bien usés, descendent la rue à toute vitesse. De nombreux écoliers en uniforme qui se réjouissent d’aller en classe pour ensuite pouvoir étudier à l’université. Ce rêve que beaucoup de parents souhaitent pour leurs enfants ici, cet objectif d’ascension sociale par l’intellect qui côtoie les rêves de devenir Messi.

Tout ceci se mélange dans cette matinée où je me souviens des alentours de la ville et de différentes excursions. Le bitume parfois cabossé par l’âge accueille dès lors mes pas rêveurs. Je me rappelle alors, passant à côté de l’une des nombreuses églises de la ville, de ces regards d’enfants à la fois curieux de voir un groupe de “gringos” venir se promener “en el campo”, dans la campagne, à bicyclette; mais aussi ces yeux dans lesquels je lis encore une mélancolie qui rappelle que la Bolivie est aussi le pays le plus pauvre d’Amérique latine.

Je m’enfuis dans ce souvenir au travers d’un nuage dans l’azur bleu. Je pédale alors avec une impression étrange. D’une part, l’envie de découvrir le lieu-dit des “Siete Cascadas” où s’abreuvent, selon les dires de mon frère d’accueil, les amoureux en quête de tranquillité, tout comme les amateurs de nature. Les maisons en briques rouges défilent mais se font de plus en plus rares. Ces constructions pauvres et sommaires peuplent la périphérie de Sucre dans un désordre qui ne cesse de s’accroître avec les années.

D’autre part, une désagréable sensation d’être le touriste qui au final retrouvera son confort dans un des pays les plus riches au monde et ne pouvant rien faire d’autre que de voir ces terres parfois désolées. Je ressens dès lors un certain malaise lorsqu’une “campesina” tente de rassembler ses chèvres à la force d’un fouet au milieu de nul part. Elle se trouve au sommet d’un rocher surplombant un paysage où l’aridité et la sècheresse s’imposent à l’œil comme une évidence de survie difficile. Peut-être est-t-elle tout à fait heureuse? Je l’ignore. Mais son corps est marqué par des années de lutte contre les éléments et l’espérance de récoltes riches.

Je pédale toujours alors que défile autour de moi l’immensité des Andes,  enfin une minime partie, mais déjà l’infini. Les terres sont sèches. L’hiver assèche le paysage. Malgré que je reste  partagé entre deux sentiments qui s’opposent , j’essaie de profiter pleinement de l’instant tout en encaissant le choc des cultures. Le guide nous indique alors l’objectif de la journée. Un coin de nature où brille, dans la chaleur assommante du milieu de journée, un filet d’eau coulant sur un rocher. “Las Siete Cascadas”, un lieu calme, où arrive parfois quelques locaux pour se baigner et s’amuser dans une eau “muy fría”, très froide. Un oasis où le temps s’arrête.

Un repos bien mérité s’impose ici dès lors tout naturellement. Juste le temps de reprendre ses esprits. Même si les pensées me démangent. Elles sont toujours tellement partagées. Je profite naturellement de cette pause auprès de l’eau. Cependant, ma tête est ailleurs, elle voit également la route parcourue. Elle voit aussi ce terrain de foot au sol de poussière et cette maison où un petit champ de patates semble le seul grenier à manger. Mais aussi cette école comme abandonnée dans un trou de verdure. Ou encore, cet enfant marchant seul sur une route infinie vers je ne sais quelle destination.

L’immensité côtoie donc ici la pauvreté, la richesse humaine rime là avec un petit lopin de terre. L’éclatante blancheur du centre-ville de Sucre contraste avec la rougeur des briques qui pullulent sur toutes les collines alentours. Le tout forme un paradoxe qui questionne intensivement mes pensées. Le bruit de “Las Siete Cascadas” n’est plus qu’une rumeur lointaine qui s’égoutte gentiment  dans ma tête comme un souvenir  en formation. Mes jambes pédalent alors que nous entamons une montée de une heure et le reste n’est plus que le vent soulevant la poussière. Un rafraîchissement sous les rayons brûlants.

A.W.

cuidad blanca = la cité blanche

el campo = le domaine

siete cascadas = sept cascades

campesina = paysanne