La satire vue par ses dessinateurs

Larticle.ch fait le point sur la presse satirique avec les caricaturistes romands Mix & Remix et Vincent.

La satire est, bien malgré elle, au centre de toutes les discussions depuis deux mois. Symbole de la liberté pour certains, grande emmerdeuse pour d’autres, nous avons demandé à deux dessinateurs romands leur avis sur cette éternelle insoumise.

Le nom de Philippe Becquelin ne vous dit peut-être rien, mais ses petits personnages au grand nez et à l’humour cinglant font désormais partie du quotidien des Suisses. Il s’agit de Mix & Remix, premier dessinateur à nous avoir répondu. Le second, Vincent di Silvestro a, quant à lui, gardé son prénom pour faire rire les romands.
Tous deux collaborent avec le satirique romand Vigousse, mais il convient de préciser d’entrée de jeu un point essentiel : nos deux humoristes ne font pas que de la satire. Ainsi, alors que Mix & Remix paraît sur le Matin dimanche et réagit en direct lors de l’émission de la RTS Infrarouge, les Genevois ont également pu lire Vincent dans Le Courrier. Nos deux interlocuteurs connaissent donc le milieu satirique de l’intérieur tout en pouvant poser un regard critique sur ce type de presse.

D’ailleurs, satirique ou non, le rôle que nos dessinateurs donnent à leur profession est d’abord celui de faire rire. Et pas forcément celui de choquer. « Si le dessin est suffisamment intelligent et subtil, alors le rire précède l’indignation », remarque Mix & Remix, qui est rejoint dans son raisonnement par Vincent : « On peut tout représenter tant que ce n’est pas gratuit. » Subtilité et respect ? Voilà deux noms que l’on n’associe pas nécessairement aux dessinateurs de presse. « Ce que je peux reprocher aux journaux satiriques, c’est leur côté bourrin, frontal et insultant », regrette Philippe Becquelin. Alors on est en droit de se demander si les caricaturistes suisses n’osent simplement pas autant que leurs homologues français.

Toutefois l’explication de Vincent est claire : « J’ai vu des dessins osés en Suisse. Nous n’avons peut-être pas les mêmes chevaux de bataille : ici les dessins sur la Banque sont légion, alors que le rapport à la religion est bien plus apaisé. » Un des piliers de cette situation de stabilité est à chercher au niveau du modèle politique de notre pays, comme nous l’explique Vincent : « La démocratie suisse évite au peuple un sentiment d’impuissance politique. Les recours pour éviter les frustrations existent. »

Mais, même en Suisse, tout n’est pas rose et la presse reste dans un état critique. La cause majeure de cette santé vacillante ? Les procès, qui ruinent tous les journaux et en particulier la presse satirique. « Le vrai problème avec les procès est que pour éviter la faillite, ce n’est plus mon rédacteur en chef ou mon éditeur qui décident de ce que je peux publier, mais leur service juridique », nous explique Mix & Remix.

Cependant, avec des abonnés arrivés en masse depuis les attentats du 7 janvier, la satire semble pouvoir s’en sortir. « Mais que dire à tous ces nouveaux lecteurs ? » s’interroge Philippe Becquelin. « La satire doit s’adapter et ne pas rester campée sur ses positions. Le monde évolue et la satire doit le faire aussi. Dessiner de la même manière que dans les années 70 n’a plus aucun intérêt aujourd’hui. » Vincent, quant à lui, rappelle : « Toute la presse décline drastiquement. Ce n’est pas un problème exclusivement satirique. La concurrence du net et la gratuité d’un certain type d’information forcent les journaux à revoir leurs modèles économiques. »

Mais qu’on se rassure, la presse satirique, tout comme la liberté d’expression ne semblent pas être vouées à s’éteindre. Ainsi Mix & Remix reprend les mots de Matthieu Kassovitz qui, lorsqu’on lui demandait si on pourrait toujours rire de tout, disait : » Oui on pourra toujours rire de tout, mais il faudra être encore plus subtils et intelligents. » Subtilité et intelligence qui s’affirment comme maîtres-mots de notre échange avec Philippe Becquelin. Et la conclusion revient à Vincent : » Quand Barrigue a lancé Vigousse, beaucoup pensaient que c’était une bêtise et qu’il n’y aurait pas de public pour ce genre de presse en Suisse. Et pourtant, Vigousse est toujours là ! »

Et c’est tout le mal qu’on lui souhaite.

Mass

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