Seras-tu encore Charlie demain ?

 

Le 07 Janvier 2015 a marqué la France, l’Europe, le Monde. Il s’est greffé dans les mémoires et a soulevé les foules, les coeurs, la peur, mais surtout la rage de crier la liberté, sa liberté. De tels évènements étaient-ils nécessaires à ce soulèvement des masses et pour qu’enfin les français expriment leur cohésion ?

Les évènements survenus en France entre le 07 et le 09 Janvier 2015 ont fait un total de dix-sept morts. Des actes terroristes, menés par les deux frères Kouachi, ont tout d’abord visé les caricaturistes de Charlie Hebdo. Puis c’est à Montrouge, après l’assassinat d’une policière municipale, qu’Amedy Coulibali prend en otage les clients d’un supermarché cacher. Les faits ont été sur-médiatisé, relayé non-stop par des informations en continu, repris à travers le Monde, mais sont surtout les plus violents actes terroristes recensés en France. Cette même France pensait-elle tenir à l’écart le terrorisme par sa capacité de rire de tout, de prendre à la dérision les religions et de clamer ses valeurs démocratiques ? Personne ne le sait vraiment, personne ne l’avoue clairement, chacun a une réaction de l’après, mais peu sont ceux ayant une analyse de l’avant. La France est en deuil ? Non, la France est debout.

C’est une attaque contre la Liberté, c’est une série d’actes inhumains. De part et d’autre du globe, les esprits sont touchés et s’échauffent. Quelques heures après l’attaque aux bureaux du journal Charlie Hebdo, les réactions s’enchaînent, se déchaînent. La toile du web, la télévision, les politiques, les célébrités, chacun s’empare des faits à sa manière et pourtant, tous sont unis : “Je suis Charlie”. L’adage a frappé la Terre comme la foudre, d’une puissance inouïe. Et ce sont des cargos de solidarité qui ont envahi les âmes. Les 10 et 11 Janvier, plus de quatre millions de personnes sont sorties dans la rue lors des marches républicaines, afin de clamer la liberté, celle de Charlie, mais aussi la leur : celle de la démocratie, celle de la France. Une telle mobilisation n’avait plus eu lieu depuis Mai 68. Et cette fois elle crie ses valeurs, elle remballe sa peur et revendique sa cohésion.

Un regain de vitalité pour le patriotisme ? Plutôt l’idée de dénoncer ensemble. Oui, mais de dénoncer qui ? Amalgames religieux, théories du complot, surenchérissement de certains comiques, positionnement politique : ceux que l’on pointe du doigt ne sont pas morts avec les coupables. Ils subsistent et, certainement, divisent. La Marche Républicaine du 10 Janvier, regroupant quarante-quatre chefs d’État et près d’un million et demi de citoyens, semblait pourtant être synonyme de cohésion politique, bien au-delà des débats qui divisent inlassablement la France et la morcellent, encore plus depuis l’élection de François Hollande à la tête du gouvernement. Il semble difficile de prôner la haine lorsque de tels évènements surviennent. Et, très vite, des millions de messages “pour Charlie”, tant brandis comme une arme par des caricaturistes, des chefs d’État, des sportifs, des célébrités, des journaux, voient le jour et se fraient un chemin vers la dénonciation de ces actes sanglants.

Une question s’installe, elle dérange, elle démange : l’hypocrisie n’a-t-elle pas un peu de place dans les rangs de la solidarité ? Comme le souligne Riss, dessinateur de Charlie Hebdo ayant survécu à l’attaque terroriste et ayant repris la direction de la rédaction du journam, “Tout le monde n’est pas obligé d’aimer “Charlie”. Mais tout le monde se sent obligé de l’être. Dans les rues de Suisse, les avis sont divisés : “Je n’ai jamais lu Charlie Hebdo, je n’aime pas les caricatures en général, mais ces actes restent inadmissibles et indéfendables” raconte Marie, jeune femme de 23 ans qui étudie à Neuchâtel. “Je suis français et mon père avait toujours “son Charlie” sur la table basse, j’ai vite accroché, j’aime cette manière de tout mettre à la sauce dérision, c’est un art. Deux semaines après je suis encore sous le choc… ce qui ne m’empêche pas de lire encore Charlie avec délice”, c’est le discours de Pierrick, récemment installé à Neuchâtel pour son travail. Pourtant ce n’est pas l’avis de tout le monde, le 14 Janvier le premier tirage du Charlie Hebdo s’est écoulé en quelques minutes à peine, dès le premier jour cinq millions d’exemplaires ont été vendu, et en première page, la caricature de Mahomet. Cette façon de rebondir avec humour fascine certains, déplaît à d’autres : c’est le cas de la Grande-Bretagne, où les contestations contre le journal se sont multipliées. L’édition en ligne du quotidien français Le Monde du 21 Janvier consacre un article à cette division humoristique : “révélant le fossé entre deux traditions humoristiques, deux cultures politiques, deux conceptions de la place des religions dans la société”. C’est le cas aussi en Allemagne ainsi que dans une partie des pays du Moyen-Orient.

Voilà que s’installe une question qui dérange tout autant que la première : peut-on rire de tout ? La France clame haut et fort que oui. Mais il est légitime de se demander si les dessins, l’humour et la solidarité seront plus forts que les attaques contestataires. Il est légitime de se questionner sur l’avenir. Celui de Charlie Hebdo semble mitigé, entre incompréhension, tristesse et envie d’aller de l’avant. Celui de la France est incertain… Et attendu par tous, les décisions politiques seront-elles en accord avec la voix unie de la Liberté sous le drapeau tricolore ?

NoAn.

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