Steve Remesch
On dirait que les Suisses ont courte mémoire, si on observe la régularité d’initiatives xénophobes et la redondante polémique autour de la loi sur l’asile. De Schwarzenbach à Blocher, le pas est vite fait. Ce que la Suisse tente d’oublier, c’est qu’il y a cent ans, à l’aube du XXe siècle, plus de 3 millions de Suisses ont quitté un pays pauvre afin de trouver fortune ailleurs dans le monde et que même aujourd’hui 10 % des Suisses vivent à l’étranger. On pourrait ainsi parler légitimement d’un pays d’émigration avant qu’il ait acquis une économie forte et stable après la deuxième guerre mondiale. Celle-ci n’aurait certainement pas été possible sans le dévouement et la sueur de travailleurs immigrés d’origine italienne, espagnole, portugaise, yougoslave, turque?
Les Suisses semblent avoir du mal à admettre ces faits et l’attitude helvétique vis-à-vis des immigrés et surtout des demandeurs d’asile risque d’atténuer l’image de la Suisse comme pays aux traditions profondément humanitaires. Ainsi, le Haut Commissariat des Réfugiés de l’O.N.U. qui est bien placé à Genève pour observer la vie politique helvétique, se montrait « sérieusement préoccupé» par les «propositions de restriction d’accès à une procédure d’asile normale pour les personnes qui ne pourraient pas présenter des documents de voyage ou d’identité valables dans les 48 heures». Ces dispositions prendraient en compte que nombre de requérants d’asile, fuyant des persécutions et arrive en Suisse sans les documents nécessaires, soient sacrifiés pour ne donner aucune possibilité d’établissement aux «faux demandeurs d’asile».
Ce n’est pas la première fois que le HCR pointe la Suisse du doigt et s’inquiète des agissements d’un certain milliardaire zurichois Christophe Blocher.
Lors de la dernière campagne électorale, les déclarations de ce dernier ont été jugées « parmi les plus ouvertement hostiles au droit d’asile jamais publiées par un parti politique de premier plan en Europe». Le HCR condamnait «les associations systématiques entre demandeurs d’asile et criminalité ou autres images négatives». Pourtant, l’an dernier, le nombre de candidats à l’asile a chuté de plus de 30% par rapport à 2003, et il n’a jamais été aussi faible depuis 1987. La tendance est la même partout. Mais elle est plus marquée en Suisse. La diminution des conflits et les mesures coercitives y sont pour quelque chose. L’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés (OSAR) met en cause l’interprétation de l’UDC, que le durcissement des pratiques aurait permis une forte réduction du nombre de requêtes. L’OSAR rappelle que les demandes avaient déjà reculé de 20% en 2003, sans durcissement de la loi.
Les actes de violence et dérapages racistes sont par contre en augmentation dans notre pays. 111 événements de ce triste genre en 2004, ce qui en fait un tous les trois jours.