Portraît

La technologie ne remplace pas le savoir faire des mécaniciens

La haute précision, un pari relevé

Il y a dix ans, trois collègues d’une usine mécanique décidaient de créer leur propre entreprise pendant la pause café. Peu après,  LKS voyait le jour dans une cantine d’une grande société située entre le pont de  l’A5 et les Champs de Boujean.

Viviana Von Allmen

1993. C’est l’heure de la pause dans la firme biennoise Hauser-Tripet, spécialisée dans les machines outils. Beat Leisi sirote un café en compagnie de son collègue, Philippe Kilcher, mécanicien électricien. Les deux hommes discutent de leur employeur qui abandonne la fabrication des planeuses conventionnelles. Ces machines ont fait la renommée internationale, depuis 1917,  de la PME familiale. C’est le moment que choisi Beat Leisi de lancer son idée de créer une entreprise qui reprendrait la fabrication de ces planeuses. Il en parle à Philippe Kilcher et au jeune employé de commerce Pascal Serez.

Sans expérience particulière dans la conduite d’un commerce, les trois copains ne reculent devant aucun obstacle et avec toute leur fougue, ils se lancent dans l’aventure en se formant sur le tas. « Il y a dix ans, nous ne savions pas au devant de quoi nous allions. En janvier 1994, nous avons racheté les droits de fabrication et commencer timidement en raison de notre inexpérience. Aujourd’hui, nous avons gagné la confiance de nos clients », explique avec fierté Pascal Serez.

Machines plus fiables
LKS voit le jour. Elle s’implante dans l’ancienne cantine d’une grande entreprise non loin de l’ancien lieu de travail, facilitant grandement le déménagement des grosses machines vers les nouveaux locaux. Le souci de LKS a toujours été d’assurer la continuité de feu Hauser-Tripet, pour la fabrication, le service après-ventes et les pièces de rechange. « Nos produits spécifiques de haute précision permettent à nos clients de se ravitailler chez nous, sans devoir chercher ailleurs », raconte Pascal Serez. Les exportations représentent 50% de la production.

Malgré les difficultés d’un marché capricieux, les trois hommes ont appris à s’adapter. LKS et ses cinq employés, n’ont aucun souci à se faire pour leurs avenir car ses machines conventionnelles sont à la base de toute entreprise mécanique. « Les avantages qu’offrent nos machines se trouve dans la fabrication de prototypes, elles sont plus fiables. Il n’y a pas de technologie qui puisse remplacer la maîtrise et le savoir faire des mécaniciens. » précise Beat Leisi. Ce qui se confirme dans la répartition de leurs clients qui se trouvent dans le secteur de l’outillage médical, l’horlogerie, l’industrie automobile et les écoles. D’ailleurs leur première machine a été vendue à l’école d’horlogerie de Genève, et plus tard aussi d’autres on trouvé preneur au sein de la HES de Bienne. Après dix ans d’existence, LKS analyse, la tête froide, les résultats obtenus et peut compter sur une base d’une entreprise solide.

 

4 questions
« Un contrat prometteur »

Pascal Serez, votre entreprise se porte bien. Quelle est la force de LKS?
Le rapport entre le travail et la force humaine est équilibré. Nous avons su bien coordonner l’espace, le temps de travail, la production de manière austère et rassurante pour tout le personnel. Nous ne sommes pas partisans de nous agrandir dans les périodes de hautes conjonctures et de restructurer après.

Est-il vrai que vous êtes, Beat Leisi, à la base de l’idée de création de LKS?
Les profonds changements et notamment la décision de Hauser-Tripet de recentrer les activités sur les commandes numériques m’ont fait passer des nuits blanches. Arrêter un produit, c’est une chose, mais abandonner la clientèle, ne pas assurer le service après-vente, autant de questions qui se bousculaient dans ma tête de professionnel. Il m’a semblé que la solution était de reprendre ces produits.

Vous réalisez plus de 50% à l’exportation, Philippe Kilcher. Pourquoi vos clients étrangers achètent encore en Suisse ?
Notre qualité et le bon fonctionnement de nos machines ainsi que le service après-vente efficace nous ont fait une réputation qui nous permet d’assurer des commandes répétitives. De plus le bouche-à-oreille fonctionne très bien dans notre industrie ce qui nous apporte de nouveaux clients.

Qu’est-ce qui a changé dans vos vies depuis que vous êtes chefs d’entreprise ?
Nous vivons mieux financièrement. Nous apprécions le fait de pouvoir nous gérer nous-mêmes et d’avoir notre liberté.

V.v A

Reportage

Où est le hic du chômage ?

La précarité du métier de journaliste ne laisse indifférent à aucun de ses acteurs. Après avoir quitté son ancien poste de travail Richard Gafner constate la difficulté de la réinsertion dans le monde des médias. Il nous concède un interview à ce sujet.

Propos recueillis par Viviana von Allmen

– M. Gafner, que pensez-vous de la situation du chômage en Suisse ?
– Avec un taux qui a passé sous la barre des 4% en mars dernier (sauf erreur), la Suisse reste dans une situation relativement privilégiée, sur ce plan-là, par rapport à ses voisins. Ce qui me préoccupe davantage pour notre profession, c’est que la Suisse commence à ressentir sérieusement, et pour longtemps, les méfaits de quinze ans de croissance apathique. Le petit marché de la presse romande, via la morosité des annonceurs, n’a pas fini d’en souffrir. Les rapprochements divers entre titres, les fusions et les disparitions vont se poursuivre.

– Pourquoi continuer à former des journalistes, aussi dans les universités, si le chômage dans cette branche va crescendo ?
– Pour répondre précisément, il faudrait connaître la proportion de journalistes au chômage. Concernant la formation universitaire, il me semble qu’on peut s’intéresser aux médias sans vouloir forcément en faire son métier. A l’époque où je suivais les cours de journalisme à l’Université de Neuchâtel, j’ai connu pas mal d’étudiants dans ce cas-là. Pour moi, l’existence de cette filière académique ne se discute pas. Quant à la formation sur le terrain, on peut comprendre qu’une rédaction préfère engager un stagiaire plutôt qu’un journaliste chevronné au chômage, dont le salaire coûterait deux ou trois mille francs de plus par mois, selon les tarifs RP. Les temps sont aujourd’hui aux économies, surtout dans la presse écrite, qui reste, malgré tout, un marché très concurrentiel, avec beaucoup de titres dans un petit pays.

– Y a-t-il des mesures spécifiques pour les journalistes au chômage ?
– Non, rien de sérieux à ma connaissance.

– Alors que suggérez-vous ?
– Le marché de la profession pourrait se dérouler avec plus de transparence. Les offres d’emploi, y compris sur Internet, sont rares. Naturellement, les rédactions privilégient les solutions internes, ou le débauchage, quand un poste est à repourvoir.

– Pensez-vous que les médias, en général, font des économies sur le dos de leurs journalistes ?
– C’est un peu juste comme analyse. Il y a des contraintes conjoncturelles auxquelles les éditeurs n’échappent pas, ainsi que pour tout patron d’entreprise. Quand un média se porte mal, c’est toute la chaîne de production de l’information qui souffre, pas seulement les journalistes. Et si la survie d’un titre dépend de mesures d’économies, quelles qu’elles soient, peut-on légitimement les condamner ?

– Y a-t-il de la part des syndicats de journalistes un véritable engagement pour la défense des postes de travail ?
– Non, mais ce n’est que mon opinion personnelle.

– En quoi les journalistes pourraient-ils aider à endiguer les licenciements de collègues ?
– L’influence d’une société de rédacteurs peut ne pas être inutile. Mais je n’y crois guère. C’est à voir selon le média, sa structure, ses rapports de forces internes, etc. Cela dit, le journalisme est un milieu très
individualiste, où l’ambition personnelle passe avant toute forme de solidarité.

– Pensez-vous que les médias audiovisuels ont pris le dessus sur la presse écrite ?
– On sait qu’à côté de la TV et de la radio, la presse écrite a toujours eu sa place de complémentarité, avec ses propres atouts. Celui par exemple de pouvoir développer l’actualité plus en détails, avec plus de recul. Quant à Internet, je ne le crois pas plus dangereux pour la presse écrite que la TV ou la radio. Il leur manquera toujours, entre autres choses, l’attrait convivial et intime dans le simple fait de tourner des pages, de palper et de sentir du papier imprimé… Il me semble que le consommateur de nouvelles tiendra toujours à cette espèce de rapport physique au journal.