Théâtre

Empreintes à la british

Viviana von Allmen
La réalité est subjective et Laura Benson nous le dit sous une forme de récit controversé.
Au théâtre Municipale, la salle était complète. Le public a éclaté de rire, pendant une heure. Les acteurs ont formidablement réussi à faire passer le message dans un cadre de pure ironie et d’humour anglais.
«George -une vie de chat-» pièce de Laura Benson -nomination au Molières 2004 : Révélation théâtrale féminine- et Nathalie Bensard –metteur en scène-. La comédienne a travaillé avec de très grands metteurs en scène tels que Patrick Chéreau, Didier Goldschmidt ou Irina Brook. Loin des théâtres, sur grand écran, elle a été la partenaire de John Malkovich dans «Les liaisons dangereuses» de Stephan Frears. Elle a aussi obtenu le prix de la meilleure actrice pour le rôle de la nourrice dans «Juliette et Roméo», mise en scène par Irina Brook.
Dans le spectacle, ils sont trois: George (prononcez Djordje!) le chat, sa maîtresse Peggy –anglaise, qui se surnommée Mummy-, et puis sa fille Isabelle.
Démiurge de cette trinité mère-fille-chat, Laura Benson en endosse toutes les défroques sans jamais recourir au travestissement. De ces trois personnages, nous tisserons les rencontres, car ces trois voix n’ont qu’un seul minois, celui de Laura Benson.
Rejetée par sa fille, Peggy noie sa frustration dans la boisson et se confie à son chat, doux et rassurant, qu’elle chérit par-dessus tout.
Mummy est British, aristocrate, excentrique qui cherche à dominer le monde sans pouvoir y parvenir. Tout au long de la pièce bien rythmée, l’actrice parle et maîtrise une savoureuse langue franco-oxfordienne. Elle achète le saumon de George chez Marks & Spencer, insulte sa fille en français, son chat en anglais et donne quelques coups de griffes entre deux gorgées de vodka matinale.
Isabelle, dépendante de son psy et de son prof de yoga, fuit les conflits en se réfugiant dans la musique indienne. Elle pense être sauvée à la mort de sa mère et avoir enfin le droit d’exister.
Quant à George, il évolue en félin indépendant, bien que la bête ne s’empêche pas de jeter sur l’une et l’autre son regard impitoyable. Mais sa vie bascule, quand Peggy meurt. Seul, il reste dans la maison, miaule à l’abandon en demandant «Help», alors survient Isabelle qui essaie de s’en débarrasser.
L’histoire et son dialogue anecdotiques servent d’irrésistibles situations de jeu.
Fantaisie tragique ou tragédie burlesque, on mesure l’ampleur du drame a la crudité du rire. Il s’agit ici  d’une comédie mordante où l’on s’attend à reconnaître sa mère, sa sœur, sa fille et ou l’on se retrouve soi-même à travers les égoïsmes des autres.
Un humour cru qu’on accueille d’un regard tendre.

Films

Un petit tour en enfer avec Georges Romero…

LE TERRITOIRE DES MORTS (LAND OF THE DEAD) – Georges A. Romero, l’un des maîtres du film d’horreur, revient au genre qu’il a créé : le film de zombies. Film d’horreur efficace, son dernier né se fait également l’écho de la situation politique actuelle.

L’HISTOIRE : Quelques temps après la propagation inexpliquée d’un virus transformant les hommes en morts-vivants, les humains sont contraints de s’habituer à une réalité différente de celle qu’ils connaissaient. Désormais, ils doivent partager leur Terre avec les zombies. Si ces derniers semblent évoluer avec le temps (ils comprennent, apprennent,…), les humains sont retournés à un état de féodalité. Réfugiés dans des villes-bunker, ils sont organisés en une société de castes, les zombies occupant bien évidemment la dernière marche ; ce qu’ils semblent ne plus vouloir accepter…

En 1968, Georges A. Romero réalisait La Nuit des morts-vivants et inventait du coup un genre cinématographique nouveau: le film de zombies. Généralement flanqué de l’étiquette série B (voire Z), ce dernier possède néanmoins un fan club considérable. En 2004, le succès public et critique de L’Armée des morts de Zack Snyder (remake de Zombie, suite de La Nuit des morts-vivants réalisée en 1978 par… Romero) prouve bien l’engouement que suscite auprès du public un genre longtemps tombé en désuétude. Et c’est probablement à ce même succès que l’on doit aujourd’hui ce Territoire des morts.

A priori, la thématique des zombies n’offre pas une multitude de traitements possibles. On a donc souvent affaire à des films d’horreur sans véritable intérêt (comme ce fut le cas pour Resident Evil de Paul W.S Anderson). En parfait connaisseur de son sujet, Romero savait que la question des zombies avait déjà été traitée de long en large. Le réalisateur italien se devait donc de proposer quelque chose de nouveau. C’est ainsi que les occupants du Territoire des morts sont des êtres dotés d’une conscience (très limitée certes…) et d’une capacité de jugement et d’apprentissage. Grâce à ce bagage intellectuel, les zombies réalisent qu’ils se trouvent au dernier échelon de la hiérarchie sociale, situation injuste qu’ils décident de changer en attaquant les humains. A travers les yeux de Romero, l’opposition entre les morts-vivants et les hommes devient donc une véritable lutte des classes. A cela s’ajoute une dénonciation virulente de certains humains qui, tirant profit d’une situation chaotique, exploitent les peurs du peuple. Sous sa couverture de film d’horreur, le Territoire des morts offre donc un point de vue politique fort intéressant, car très actuel, qui fait que les véritables méchants du film ne sont pas forcément ceux que l’on croit.

S’il n’hésite pas à prendre position, Romero n’oublie cependant pas que son film est avant tout un film d’horreur et que sa qualité dépend donc en grande partie de la quantité d’hémoglobine déversée à l’écran. Et dans ce domaine, il n’est pas à son coup d’essai : gorges tranchées, têtes arrachées, corps dévorés,… Rien ne manque ! Les amateurs du genre seront comblés, les autres sûrement un peu moins…
Didier Nieto

De Georges A. Romero. USA. 1h36. Avec Simon Baker (Riley), Asia Argento (Slack), John Leguizamo (Cholo), Dennis Hopper (Kaufman),…