Cinéma

Crise de la trentaine et mondialisation…

LES POUPÈES RUSSES – : Cinq ans après son retour de son auberge espagnole de Barcelone et son adieu à une carrière de comptable, Xavier galère. Un boulot d’écrivain qui peine à décoller, des filles qui passent, un mariage d’un ancien copain à Saint-Pétersbourg et surtout une crise de la trentaine qui menace au loin. La vie, l’amour, le travail, les gens,… Xavier a de quoi se poser beaucoup de  questions.

Il y a trois ans, Cédric Klapisch signait avec L’Auberge espagnol au film sympa qui mettait en scène Xavier, un étudiant de vingt-cinq ans parti chercher un sens à sa vie et à sa carrière à Barcelone. Il en revenait un an après avec plein de nouvelles certitudes à mettre en application.  Suite de L’Auberge espagnole donc, Les Poupées russes reprend la même idée de départ : Xavier est toujours un peu paumé et cherche encore désespérément un sens à son existence. La comparaison entre les deux films s’arrête ici. Car si L’Auberge espagnole était une succession de petites (més)aventures plutôt amusantes, l’ensemble n’en oubliait pas de poursuivre une direction et n’y dérogeait pas. Sa suite ne fait qu’accumuler des scènes qui ne se répondent pas et qui empêchent l’ensemble d’être cohérent. Même si certaines séquences sont réussies, celles qui montrent Xavier jouer du pipo à ses employeurs par exemple, il n’en reste pas moins que Les Poupées russes forme un tout inférieur à la somme des parties qui le composent.

Ceux qui s’attendaient à retrouver le charme de L’Auberge espagnole seront donc déçus. Le problème vient probablement du fait que cette fois-ci Xavier se retrouve seul face à son destin. A Barcelone, il était entouré de colocataires qui venaient des quatre coins de l’Europe. Le sympathique désordre qui régnait à l’intérieur de leur appartement illustrait à merveille celui qui régnait dans la tête de Xavier. Cette situation permettait de surcroît à Klapisch de mettre en scène la confusion qui gouvernait la construction de l’Union européenne. De retour à Paris, Xavier n’a plus de répondant. Et il se retrouve cette fois face à un autre problème de société, responsable aux yeux de Klapisch du manque de repères de son héros : la mondialisation. Sans élément réellement stable auxquels il puisse se raccrocher, si ce n’est Martine, une ex-copine un peu pénible et  Isabelle, une amie lesbienne, Xavier se perd, à l’image du scénario, dans des situations qui ne le font pas avancer. Le plus bel exemple qui illustre ce problème est la scène où Xavier présente Isabelle à son grand-père en lui faisant croire qu’il s’agit de sa fiancée. Encore maintenant, les raisons de la présence de cette scène restent obscures.

Les Poupées russes, qui se veut une comédie avant tout, souffre également d’un manque de rythme flagrant, particulièrement à partir de la seconde moitié du film. 2h05 pour une comédie, c’est long. D’autant plus si Klapisch la plombe de scènes pas vraiment utiles (cf. exemple paragraphe ci-dessus). Le réalisateur aurait pu (dû ?) couper certaines séquences. Le film s’en serait immédiatement ressenti. Et si toutefois il n’est pas garanti qu’il ait gagné en qualité, il aurait assurément perdu en superficialité.
Didier Nieto

LES POUPÈES RUSSES – de Cédric Klapisch. France. 2h05. Avec Romain Duris (Xavier), Kelly Reilly (Wendy), Cécile de France (Isabelle), Audrey Tautou (Martine),…

Films

Bienvenue dans la ville du vice et du pêché..

Nombreux sont les réalisateurs qui se sont cassés les dents en essayant de transposer une bande dessinée sur grand écran. En s’attaquant à l’adaptation de l’œuvre de Frank Miller, Robert Rodriguez se lançait un sacré défi. Beaucoup sont ceux qui lui prédisaient l’échec. Mais c’était mal connaître le réalisateur mexicain. A la tête d’une filmographie qui va du western musclé (Desperado I et II) au film d’aventure pour enfant (la trilogie Spy Kids) en passant par le film d’horreur (Une nuit en enfer, The Faculty), Rodriguez a prouvé qu’il était passé maître dans l’art de créer des atmosphères. Ce qu’il confirme avec ce Sin City. A grand renfort d’images de synthèse (le film a été entièrement tourné devant des fonds verts, les décors étant ensuite rajoutés par ordinateur) et avec l’aide d’un co-réalisateur en la personne de Frank Miller, Rodriguez retransmet avec un talent certain toute l’ambiance sombre, sexy et ultraviolente si particulière de la bande dessinée d’origine.

Si la réussite technique du film devrait être unanimement reconnue, le film en lui-même devrait quant à lui rapidement faire le tri entre les adorateurs et les détracteurs. Racontant trois histoires quasi indépendantes les unes des autres, Sin City est, bien que restant fidèle à la bande dessinée, un film dans la droite lignée de ceux de Quentin Tarantino. Avec ses répliques qui claquent comme des coups de revolver, son humour noir décalé et sa violence hyperbolique, le film de Rodriguez ravira les fans de Pulp Fiction ou de Kill Bill. Une des autres qualités principales du film se trouve dans le traitement des personnages. Là encore, Rodriguez s’inspire directement de l’œuvre de Frank Miller. La performance des acteurs, Mickey Rourke en tête, est en ce point admirable. En s’identifiant pleinement aux personnages de la BD et en reprenant leur gestuelle et leur manière de parler, le casting de choc de Sin City s’intègre parfaitement à l’univers de la bande dessinée, réduisant ainsi au maximum le fossé qui sépare le 9ème art du 7ème.

Si le film possède une faiblesse, celle-ci réside dans le fait que les trois histoires du film ont trop de points communs pour pleinement se différencier les unes des autres. La dernière séquence, celle qui met en scène Bruce Willis et Jessica Alba, souffre à quelques reprises d’une impression de déjà-vu car elle obéit au même schéma narratif que les deux précédentes. Mais ce point faible n’érode en rien la formidable impression qui se dégage du film de Rodriguez. Et quel que soit le camp dans lequel vous vous rangerez, celui des adorateurs ou celui des détracteurs, Sin City restera sans doute comme le film le plus singulier que vous verrez cette année.
Didier Nieto

SIN CITY – de Robert Rodriguez et Franck Miller. USA. 2h03. Avec Mickey Rourke (Marv), Bruce Willis (Hartigan), Clive Owen (Dwight), Jessica Alba (Nancy), Rosario Dawson (Gail), Benicio Del Toro (Jackie Boy), Carla Gugino (Lucille), Elijah Wood (Kevin),…