Édito

La réalité médiatique de la société

A en croire les journaux, notre société va mal. Selon certains quotidiens, elle irait même très mal ! Vraiment ? Il n’y a en tout cas pas beaucoup de bonnes nouvelles dans les journaux. Et quand il y en a, elles ne prennent pas beaucoup de place. Remarquez, il n’y a rien de bien surprenant là-dedans. Quel lecteur voudrait que son quotidien regorge de jolies petites histoires mêlant bonheur et amour ? Aimer lire des affaires sordides, si possible très violentes, ça fait malheureusement partie de la nature humaine. On ne peut donc pas reprocher aux médias de relater les faits divers macabres avec une touche de voyeurisme malsain, car en fin de compte, ils ne font que répondre à la demande de leurs consommateurs. Et puis de toute façon, ce n’est pas en jouant les voyeurs que les journaux nous donnent l’impression que notre société va mal. Non, il y a quelque chose de plus dérangeant selon moi : à l’heure actuelle, il existe une tendance qui veut que la plupart des événements sinistres soient inscrits dans une conception alarmiste de notre société. Ainsi, chaque acte de violence ou de vandalisme est aussitôt interprété comme une nouvelle étape dans l’irréversible décadence sociale. La responsabilité de ces actes n’est d’ailleurs plus vraiment attribuée aux coupables, mais plutôt au Malaise Social, que personne n’a encore vraiment réussi à identifier, mais que les médias ne cessent d’amplifier et dont ils se servent abondamment pour justifier tous les maux. Cette manière de traiter l’information tend forcément à une dévalorisation de notre société et engendre un climat d’angoisse, voire de paranoïa, au sein de la population. Le phénomène touche même les catastrophes naturelles : prenez le terrible tsunami qui a ravagé une partie de l’Asie en décembre 2004 ; et bien certaines personnes n’ont pas hésité à faire de la société moderne la responsable de cette tragédie, mettant en cause le mauvais traitement qu’elle inflige quotidiennement à la planète. Les conséquences de tels procédés sont multiples, bien que rien ne prouve concrètement le lien de cause à effet : peur, xénophobie, victoires politiques de l’extrême droite,…
Oui, il y a beaucoup de choses horribles qui se passent dans le monde et c’est le devoir des journalistes d’en rendre compte. Mais dans la recherche de la vérité, il devrait y avoir un souci permanent de ne pas embraser l’opinion publique avec des étincelles, dont l’impact médiatique n’est pas toujours proportionnel à la réalité.
Didier Nieto

Films

Le joli coup de George Clooney

Avec son deuxième film en tant que réalisateur après « Confessions d’un homme dangereux », George Clooney confirme un talent indéniable de metteur en scène. Passionnant et précis comme un documentaire, « Good Night and Good Luck » propose en plus une réflexion intéressante sur le rôle des médias.

L’HISTOIRE : Pendant les années 50 aux Etats-Unis, le sénateur Joseph McCarthy sème la terreur avec son impitoyable chasse aux communistes. Journaliste vedette de la chaîne CBS, Ed Murrow est indigné par les méthodes déloyales du sénateur. Il lui déclare la guerre à travers son émission phare.

Épisode noir de l’histoire des Etats-Unis, la chasse aux communistes (aussi appelée chasse aux sorcières !) entreprise par McCarthy pendant les années les plus sombres de la Guerre froide n’a jamais été le sujet favori des réalisateurs américains. George Clooney aborde ici le sujet en le confrontant au pouvoir des médias.

Dans son premier film, Clooney ressuscitait Chuck Barris, l’inventeur de la télé à grand spectacle. Il fait renaître ici une autre ancienne gloire cathodique, mais d’un genre plutôt différent. Le personnage principal de « Good Night, and Good Luck », Ed Murrow,  était un journaliste vedette des années 50, considéré comme un modèle de vertu et de probité. Mais à la différence de « Confessions d’un homme dangereux », où Clooney retraçait la vie de son héros, son nouveau film a pour cadre un épisode de l’histoire dans laquelle Murrow joue un rôle. Cette approche différente permet à Clooney de se concentrer uniquement sur les faits,  à savoir le conflit que se livrent par écrans interposés le journaliste et le politicien, sans se soucier des destins de ceux qui y participent. Et même si on peut regretter de ne pas en savoir un peu plus sur Ed Murrow, personnage énigmatique et fascinant s’il en est, on félicite Clooney de ne pas avoir plombé la trame déjà ultra dense de son film avec des détails biographiques.

Outre la limpidité de sa mise en scène, Clooney a aussi le mérite de poser des questions intéressantes sur le rôle des médias, particulièrement lorsque ceux-ci sont confrontés au pouvoir politique. Les médias ont plus que la simple responsabilité de dénoncer l’injustice. Ils en ont le devoir. Plus qu’un pamphlet contre les méthodes de McCarthy (pour lesquelles Clooney ne cache d’ailleurs pas son mépris), « Good Night, and Good Luck » se veut un plaidoyer pour la liberté et les droits de la presse. Et même si les événements du film se déroulent dans les années 50, les problèmes que rencontrent Murrow pour monter son sujet (il doit faire face à la crainte des propriétaires de la chaîne de froisser les sponsors et les instances politiques), sont malheureusement encore et toujours plus d’actualité.

Film intelligent, passionnant et très bien documenté, « Good Night, and Good Luck » prouve qu’il faudra désormais compter non seulement sur le talentueux acteur qu’est  déjà George Clooney, mais également sur le brillant réalisateur qu’il est en train de devenir.

De Georges Clooney. USA. 1h33. Avec David Strathaim (Eward Murrow), George Clonney (Fred Friendly), Robert Downey Jr. (Joe Wershbla), Jeff Daniels (Sig Mickelson),…