Spectacles

Le «Soleil» de Marie-Thérèse Porchet illumine Neuchâtel

Du 10 au 14 janvier Marie-Thérèse Porchet s’était installée au Théâtre du Passage à Neuchâtel pour la représentation de son nouveau spectacle, sobrement intitulé « Soleil ». Après « La truie est en moi », et « Marie-Thérèse amoureuse », revoici donc Joseph Gorgoni, l’interprète de la célèbre habitante de Gland.
Julienne Farine

Marie-Thérèse va mal. Son chien Bijou est mort électrocuté par le fils de la Lopez. Comme si cela n’était pas suffisant pour les nerfs de cette pauvre madame Porchet, son amoureux suisse allemand, Rüdi, l’a abandonnée, finis donc les laeckerli dans les environs de Zurich. L’homosexualité de son fils Christian-Christophe (« parce qu’un Christ c’est bien, mais deux c’est encore mieux ») ajoutée à ses autres malheurs et Marie-Thérèse plonge. Elle se retrouve chez les Amis du soleil, une secte devant lui permettre de sortir de son désarroi et dans laquelle se trouve le fils de la Lopez qui, paraît-il, va beaucoup mieux. Personne ne connaît son prénom mais les fans de la première heure se souviennent de son fameux « soleil !» (prononcé avec le ton inimitable de Marie-Thérèse). D’où le nom de la secte et du spectacle ? Personne ne le saura.

Le spectacle se construit à partir de flash-back. Marie-Thérèse chez les Amis du soleil, Marie-Thérèse rencontre Rüdi, Marie-Thérèse apprend que son fils est homosexuel, Marie-Thérèse en parle à Jacqueline (sa meilleure amie) et Marie-Thérèse mène l’enquête. Pour un peu on retomberait en enfance lorsqu’on lisait Martine. Avoir imaginé un spectacle en souvenirs permet à Joseph Gorgoni et à son personnage de ravir aussi bien les fans que celles et ceux qui découvrent la mère de Choupette pour la première fois. Toutes les personnes qui suivent Marie-Thérèse depuis ses débuts se remémorent avec bonheur ses deux premiers spectacles. Sans jamais s’ennuyer pourtant : les gags font toujours mouche et les sketches ont été améliorés sans être dénaturés. Ce spectacle permet à ceux qui ne connaissaient pas la demoiselle – mais est-ce encore possible ? – de la découvrir dans toute sa splendeur et de remonter le temps afin de mieux situer le personnage dans son contexte.

Le spectacle n’est pas uniquement composé de flash-back, Marie-Thérèse est sur scène pour les faire vivre. Le moment le plus drôle de la soirée est sans doute le cours de la citoyenne d’honneur de Gland sur nos amis habitant de l’autre côté de la Sarine. Présentée d’abord à Paris et modifiée quelque peu pour l’occasion, cette leçon de géographie, de langue et d’ethnographie restera dans les mémoires. D’un comique mordant mais jamais méchant, Joseph Gorgoni caricature l’attitude qu’ont certains Romands vis-à-vis de leurs voisins. Les Suisses allemands présents dans la salle ont en pris pour leur grade mais ne s’en sont pas offusqués pour autant. Là est toute la force des auteurs de ce spectacle, Joseph Gorgoni et Pierre Naftule, ils attaquent les Suisses allemands, La Lopez du cinquième, les homosexuels et bien d’autres, tout en étant si décalés qu’il est impossible de prendre les paroles de leur personnage au premier degré.

Aujourd’hui Marie-Thérèse va mieux, elle a un nouveau chien, « le même que Bijou mais femelle, c’est Bijou sans les bijoux ! » baptisé Gourmette (ça ne s’invente pas). Il se murmure même qu’elle préparerait un spectacle pour 2009 destiné uniquement à la Suisse alémanique. Mais ceci est de la musique d’avenir. Le succès de « Soleil » contraint son personnage à revenir à Neuchâtel les 17 et 18 février pour deux représentations supplémentaires.

Théâtre

Une princesse des tôlards et l’imaginaire

Viviana von Allmen
Au théâtre Palace, lundi 23 janvier, Nathalie Saugeon nous a offert avec « Histoire de vivre » un spectacle tout en rêveries.
Il s’agit de sa première pièce, qu’elle a écrite à l’âge de19 ans.
Le texte est poétique mais incisif,
La mise en scène de Catherine Hauseux se concentre sur les 4 comédiens qui maîtrisent à la perfection différents registres de langages autant que les silences. La lumière et le son, gérés par Jean-Luc Chanonat, scandent la transformation des esprits, et le retour a une force de vivre.
Dans une cellule d’une prison quelconque, deux prisonniers purgent leur condamnation à vie. Ce sont Simon et Yvan qui partagent le même espace sans fenêtre. Pourtant dans leur cachot il y a trois cochettes. Ce dernier matelas sera occupé encore une fois. L’arrivé d’un nouveau, jeune, du genre discret, suscite des regards de malveillance entre les deux anciens résidents. Manifestement, les choses risquent de très mal se passer pour lui. Mais Germain se met à raconter des histoires qui vont, peu à peu, bouleverser totalement les rapports entre les trois hommes. Sa première action est celle d’ouvrir la fenêtre de l’imaginaire qui se loge dans tout un chacun. 
Des jours d’une insupportable monotonie s’écoulent pour Yvan et Simon dans ce sordide milieu carcéral. Mais un jour, la porte de leur univers s’ouvre et emporte un nouveau détenu. Tout de suite ils le narguent et la violence s’installe… Mais au cri de « Gardien Gardien ! » tout rentre dans l’ordre. Quand la geôlier paraît, Germain cherche à justifier son appel en disant :  «Une cartouche pour les messieurs et des aquarelles, s’il vous plaît »
Le « petit » dessine une fenêtre qui sera l’issue de leurs imaginaires. Germain nous emporte avec maîtrise dans ses métaphores, grace aux talents multiples de Stéphane Durant. Il commence à se transfigurer en Enna la Princesse, en géant des ténèbres et en milliers de «Torrides». Les personnages sortent  de son cahier vert, qu’il garde jalousement. Ses deux compagnons sont à l’hauteur. Charles Meurisse dans le personnage de Simon, qui est resté gamin, réussit magnifiquement à nous transporter dans sa cruelle enfance, et avoue l’incompressibilité de son crime dans un récit plus qu’émouvant. Quant à Arnaud Perrel incarnant Yvan, il joue son rôle à la perfection, en maintenant une distance virtuelle à travers son monde irréel entre le public et son personnage.
Les jours se succèdent et une étincelle de rêverie s’installe dans l’esprit des trois prisonniers. Leur univers n’est plus le même dans la cellule règne une complicité de l’imaginaire.
Une pièce forte, qui ouvre à la réflexion sur les événements qui ont bouleversé nos vies.