Evénements

10ÈME JOURNÉE INTERNATIONALE DU MARKETING HORLOGER

Jeudi 30 novembre, ce sont les plus grands spécialistes de la question horlogère qui se sont réunis au théâtre de La Chaux-de-Fonds pour une table ronde pas comme les autres.
Nicolas Hanssens

Au menu : art, industrie et marketing. C’est au travers de ces trois notions que les différents intervenants nous ferons voyager. Les apports sont différents et proviennent de tous les horizons. Historiens, designers, chercheurs, jeunes créateurs et dirigeants d’entreprises horlogères sont au rendez-vous. A l’image des réflexions plébéienne d’en temps, les orateurs ont les pieds sur la planche et s’expriment devant le public qu’ils intègrent volontiers dans le débat. Les sujets sont houleux et les visions s’entrechoquent tout au long de la journée. On parle de la puissance d’une marque, les tensions montent, des scientifiques aux managers, personne ne tombera d’accord. Qui donc de la marque ou du produit attire en premier le client dans sa réflexion d’achat ? On demande l’avis du public comme si nous étions sur le plateau d’une de ces émissions connues de la télévision. Ici par contre, le public ne tranche que trop rarement le débat et c’est au tour de tout un chacun de donner son avis sans que pour cela, une solution n’émerge. Comme pour nous rappeler que le marketing n’est encore qu’une discipline en construction et encore plus en ce qui concerne la communication du produit horloger.

Pourtant, une chose semble claire lors de cette journée, Nadia Yersin nous confirme : « Que l’on pense montre ou que l’on pense Suisse, les deux notions sont intimement liées dans l’esprit des gens ». En voilà quelque chose de concret! Il y aurait, d’après les études effectuées par la chercheuse : « une forte ethnicité de la branche horlogère ». Se basant sur une étude effectuée sur une partie de la population chinoise, Nadia Yersin nous affirme que 50% des sondés pensent avant tout à l’horlogerie lorsqu’on leur parle de la Suisse. De telles  constations ont de quoi conforter les géants de l’horlogerie suisse quant à leur soif de conquête du marché chinois.

Lors de cette journée de débat, de jeunes créateurs en profitent pour s’exprimer entre les interventions des spécialistes du marchéage : « le jour où l’on me dira comment produire mes montres, je changerai de métier ». Ces propos semblent souligner le déni des outils de l’analyse de marché par une bonne franche d’artisans horlogers. La montre de luxe, que l’on nomme ici « gardien du temps », n’a pas besoin d’être définie par le marché à entendre ces derniers. Affichant une attitude économique que l’on pourrait qualifier de « pastorale », de nombreux « praticiens » de l’entreprise horlogère préfèrent afficher la stratégie du « suivez nous, on sait où vous voulez aller ». Une manière détournée de proclamer que les artisans de la haute horlogerie helvétique n’ont pas besoin de connaître les aspirations de leurs clients parce qu’ils ne s’y rabaisseront pas. Les propos tenus par les horlogers semblent en décalage avec les concepts usuels du Marketing. Pour appuyer cette vision, un des intervenants ira même jusqu’à proclamer son désir d’ériger l’horlogerie en douzième art, faisant allusion au chiffre douze si bien connu de notre rapport au temps.

La dixième journée du marketing horloger, comme toutes les journées de débats, n’aboutira que sur des pistes de réflexions. Cette étrange mixture d’interventions farfelues d’économistes, de philosophes, et de gardiens du savoir-faire horloger nous aura peut-être fait don d’une leçon : un phénomène tel que l’achat de la montre de luxe ne peut s’appréhender d’un seul regard.  Seul une approche pluridisciplinaire permet d’aborder le thème dans sa complexité et d’éviter les analyses réductionnistes que l’on projette sagement sous le couvert de la science. Une telle journée de débat ne permettra sans doute pas à notre marché horloger de développer de merveilleuses stratégies communes et cohérentes, mais elle a le mérite de confronter les points de vue et de partager les expériences.

De cette agréable journée au théâtre de La Chaux-de-Fonds, il en ressortira qu’il est grand temps que les sciences s’intéressent d’un peu plus près à l’horlogerie. Il est en effet étonnant qu’à l’heure actuelle, si peu de littérature sur le sujet n’émerge de nos universités suisses. Un partenariat Universités – Entreprises horlogères ? La question mérite d’être posée. L’univers de la montre de luxe a semble-il un bel avenir avec le développement des nouveaux marchés asiatiques. Cela dit, nous sommes en droit de nous interroger quant à savoir si nos entreprises, douées de tradition, auront suffisamment de cartes en main pour affronter les dures lois du marché international ?

Théâtre

Le retour de la famille Schaudi

La famille de Cadolzburg, rendue célèbre grâce à la méthode d’allemand Worwärtz, est actuellement au centre de la pièce de théâtre « Guten Tag, ich heisse Hans », qui détruit avec un plaisir non dissimulé le mythe de cette famille apparemment parfaite.

Les écoliers, les vaudois et les genevois en particulier, qui ont appris l’allemand entre la fin des années 70 et le début des années 90, connaissent certainement Hans Schaudi, son père Heinrich, sa mère Liesl, sa cousine Lieselotte et, bien sûr, son chien Lumpi. Les histoires de la famille Schaudi étaient en effet au cœur de la méthode pour apprendre l’allemand Worwärtz. Les Schaudi étaient les héros de petites scénettes – les Vorstellung – qui illustraient des moments ordinaires de la vie courante avec un souci du cliché permanent. Ainsi, Hans était un petit blondinet de 13 ans, au sourire éternel et à la bonne humeur inébranlable. Heinrich, son Vater, était le directeur de la caisse d’épargne de Cadolzburg, et était représenté assis dans un fauteuil, fumant une pipe et lisant un journal. Liesl, la Muter, était quant à elle représentée avec un foulard sur la tête et une brosse à récurer (eh oui…), sa seule fonction étant de faire le ménage et de préparer des schnitzel. Quant à Lieselotte, une jeune brunette bien sage mais quelque peu écervelée, elle était assez maladroite pour se casser la jambe en cueillant des champignons (rassurez-vous, elle a été sur pied très rapidement pour aller danser au bal costumé avec un inoubliable déguisement de léopard. Prima !). La famille Schaudi est donc une famille irréprochable, en apparence.

Les apparences, justement, Camille Rebetez, l’auteur de « Guten Tag, ich heisse Hans », va s’amuser à les briser. Dans son spectacle, la famille Schaudi a été choisie pour représenter l’Allemagne au travers des Vorstellung. Mais dans la réalité, Hans n’est pas le gentil blondinet qui obéit bien à ses parents. Non, c’est un adolescent au bord de la crise qui n’a plus envie de faire ce que lui dit son Vati. Alors lorsqu’il annonce qu’il ne veut plus jouer avec Klaus (son copain de toujours, le fils du droguiste), mais préfère faire du foot avec Zlotan, un garçon immigré et pauvre (donc forcément communiste pour Heinrich), la vie des Schaudi, si parfaite, va s’effondrer. A partir de ce petit incident en effet, toutes les valeurs prônées dans les Vorstellung s’ébranlent. Heinrich devient paranoïaque, Liesl en a marre de frotter, Hans veut faire des Vorstellung avec son copain Zlotan et tous les pauvres afin de refléter la réalité telle qu’elle est, et Lieselotte, qui ne sait pas trop ce qui se passe, avoue que sa prof de gym aime bien prendre des douches avec elle.

Au final, si l’on éprouve un grand plaisir à retrouver des personnages qui ont accompagné notre scolarité – pour le meilleur et pour le pire –, voir la famille Schaudi se décomposer en même temps que ses croyances laisse une impression mitigée. La faute peut-être à une envie d’aller trop loin dans le côté trash. Regarder Liselotte décrire ses douches avec sa prof de gym devant un Heinrich en rut pendant cinq bonnes minutes, c’était peut-être un peu trop.
Reste les dix premières minutes de la pièce, où les Schaudi rejouent la toute première Vorstellung, celle où Hanz nous présente sa famille. Voir en vrai ce qui n’était jusqu’alors que des images sur papier, qui plus est interprété par des acteurs convaincants, c’est à mourir de rire !
Didier Nieto