Interview

Affronter la peur

La peur est un moyen de défense et de protection naturel dont chaque humain est pourvu. En situation dangereuse, le corps réagit, notamment en libérant rapidement de l’adrénaline dans le sang. Cependant, certaines personnes connaissent des peurs irraisonnées, face à des situations ou des objets anodins pour le reste du commun des mortels.
Ces peurs, dénommées phobies, peuvent détruire l’existence des personnes atteintes. Ressentiment parfois continu, ou alors annoncé par des crises d’angoisse, Nathalie et Théo tentent de nous expliquer leur vécu.

Interview de Céline Rochat

De quoi souffrez-vous, ou avez-vous souffert?
Nathalie: Je souffre de plusieurs phobies, ainsi que de crises d’angoisse.
Théo: De crises d’angoisses  » sociales « , lorsque je me trouvais en société.

Quand avez-vous ressenti ces angoisses pour la première fois?
Théo: Vers l’âge de 15 ans.
Nathalie: Originaire de la campagne, chaque sortie en ville avec ma maman me stressait. Un jour, je suis allée au festival d’Avignon avec mes grands-parents. J’étais mal, mais je ne savais pas pourquoi. J’avais la nausée, je tremblais. Je ne pensais qu’à une seule chose: rentrer à la maison. J’ai mis plusieurs années à comprendre ce qui m’était arrivé ce jour-là.

Comment avez-vous découvert ces peurs?
Nathalie: En prenant un cours d’anglais! J’expliquais à mon enseignante que je mettais toujours de la musique pour m’endormir afin de ne pas entendre les bruits extérieurs. Elle-même agoraphobe, elle m’a posé plusieurs questions, puis m’a demandé si je connaissais l’agoraphobie. Elle m’a expliqué ce que c’était et m’a donné un bouquin qu’elle avait utilisé. J’avais à peu près seize ans.
Théo: Mes premières crises d’angoisse sont arrivées lorsque je me trouvais en soirée. Je me suis senti soudain jugé, dévisagé, décrypté par les gens qui m’entouraient.

Quels étaient les symptômes?
Nathalie: J’étais terrorisée à l’idée de devoir sortir de chez moi. Je n’osais pas me promener seule en ville, même la journée. Une amie, qui habitait à Lausanne, devait venir me chercher à la gare et me tenir par la main pour aller chez elle. Un soir où je dormais chez elle, sa maman a voulu aller au cinéma. J’ai vécu un véritable calvaire, j’ai cru que j’allais m’effondrer à chaque pas. Tout ce monde autour de moi, et la nuit en plus, je ne supportais pas.
Théo: Au début d’une crise, mon pouls s’accélérait rapidement, je salivais beaucoup plus qu’en temps normal, et j’avais vraiment l’impression de me voir depuis l’extérieur de moi-même. J’avais l’impression de n’avoir aucun moyen de stopper ce processus. Mes crises d’angoisse se soldaient généralement par des vomissements. C’était le seul moyen de retrouver mon calme, même si c’était contre ma volonté. Je ne faisait pas exprès de vomir! Je crois que c’est mon corps qui avait trouvé le moyen d’évacuer le stress.

Comment le viviez-vous?
Nathalie: Mal, très mal au début! Je n’osais rien faire, je ne comprenais pas pourquoi tous les gens sortaient, vivaient normalement et que moi je vivais cette horreur. J’étais perdue, je voulais tellement être comme tout le monde. Ne plus devoir inventer des mensonges pour refuser des invitations ou des sorties. Ce n’est pas facile à accepter, et encore moins à expliquer aux autres. On a honte, on se sent bête.
C’est une faiblesse, personne n’aime avouer ses faiblesses! Et puis, petit à petit, je me suis habituée.
Théo: Je le vivais mal car je suis quelqu’un de très sociable. Ce qui était pour moi un plaisir (soirées, sorties, tête à tête au restaurant) devenait un calvaire. Dans ma vie professionnelle, j’étais incapable d’avoir un entretien en face à face, je ne supportais pas la pression.

Comment réagissaient les personnes à qui vous en parliez?
Nathalie: Il y a beaucoup de réactions différentes. En ce qui me concerne, la majorité des personnes était très surprise. On me disait:
Toi?!? Mais tu souris tout le temps, tu es toujours de bonne humeur!
Comment ça se fait? D’ailleurs la plupart des gens réagit de la même façon à l’heure actuelle, quand j’explique ces peurs. En effet, comment cela se fait-il?
Je ne voulais pas le montrer, je ne voulais pas que les gens le sachent, alors je le cachais. Et puis, même s’il m’arrivait d’en avoir marre, je m’étais habituée à la situation et j’étais heureuse dans ma vie.

Et vous Théo, quelles réactions avez-vous enregistrées lorsque vous parliez de ces angoisses?
Au début je n’en parlais pas, mais petit à petit je me suis documenté sur les angoisses. J’ai réalisé qu’environ 10% de la population en souffrait, d’une manière ou d’une autre. Cela m’a rassuré de savoir que je n’étais de loin pas le seul à souffrir de ce mal psychique, et c’est ainsi que j’ai trouvé la confiance pour en parler avec ma soeur et mes amis proches. Ma soeur, vivant plus ou moins la même chose que moi, fut très compréhensive et l’on s’est beaucoup soutenu mutuellement. En revanche certains de mes amis furent surpris car ils ne s’attendaient pas à ce que je vive ce genre de situations. Ils ne me connaissaient que sous mon côté jovial, bon vivant et très sociable.
A partir du moment où je les ai mis au courant, mes crises d’angoisse ont nettement diminué car je savais qu’ils comprendraient ce qui m’arrivait. Je n’avais plus peur d’être avec eux.

Avez-vous essayé d’entreprendre quelque chose de médical contre ces phobies?
Nathalie: Oui, brièvement, et longtemps après le début des symptômes.
Mais je n’ai pas été satisfaite alors j’ai arrêté. J’avais l’impression d’avancer plus vite toute seule.
Théo: Oui. Suite à des vomissements accompagnés de saignements, j’ai pris contact avec un médecin. Par fierté, j’ai refusé sa proposition de thérapie ainsi que ses médicaments  » anti-dépresseurs « .

Aujourd’hui, qu’en est-il? Qu’avez-vous fait pour améliorer la situation?
Nathalie: J’ai encore des crises d’angoisse, et j’ai toujours peur dans certaines situations. Mais cela va de mieux en mieux et j’ai l’impression de gagner chaque jour un petit bout de terrain. Ce n’est pas facile car il y parfois des rechutes qui sont difficiles à accepter.
Je connais mon corps et ai appris à sentir venir les crises et à les gérer, mais parfois la peur est plus forte et je suis dépassée.
Aujourd’hui, ce qui m’effraie surtout, c’est tout ce que je ne peux pas gérer moi-même: les anesthésies, la foule dans un endroit fermé. Mais j’ai fait beaucoup de progrès, et  depuis trois ans je vais même au Paléo! Mon ami a été d’une grande aide dans cette guérison. Il a été très gentil et très patient. Il m’a aidée à accepter ces peurs et à travailler sur elles. Sans lui, je ne serai certainement pas aussi bien aujourd’hui. Il m’a poussé à en parler autour de moi, pour expliquer ce que je vivais et ce que je ressentais.

Théo, vous vous dites plus ou moins guéri. Les crises d’angoisse ne sont donc plus qu’un mauvais souvenir?
Oui, aujourd’hui je suis pratiquement guéri.

Comment avez-vous fait?
J’en ai beaucoup parlé avec mon entourage, mais surtout avec Jessica, ma compagne. J’ai beaucoup écrit et je relisais mes textes pour essayer de prendre du recul et comprendre ces sentiments. Je n’ai surtout pas fui les situations critiques, au contraire. Je me suis fixé de nouveaux défis que j’affrontais progressivement. Il y a eu des hauts et des bas au niveau de la confiance, mais aujourd’hui tout va bien… (Grand sourire).

C.R.

Actualité

Un coup de pouce pour décrocher un emploi à Neuch ?

Connectez vous sur la toile, inscrivez-y « job ». Vous verrez,  une multitude de pages s’ouvrent. Des pages s’ouvrent  et créent  ainsi, chez  certains, le soubresaut d’une illusion de commodité. Un emploi est à portée de moi, se dit-on, la réalité économique ne compte plus. Pourtant, nombreux sont les jeunes pour qui le voile de cette apparente opulence de choix professionnels s’estompe assez vite. Il vous faut un coup de main. Un soutien, une personne pour vous aguiller dans le magma de cet austère marché du travail. Vous êtes toujours sur la toile ? Alors ajoutez à votre requête « service ». « Job service, un service différent pour les jeunes et les entreprises » figure en tête de liste. Vous n’êtes pas sur le site d’une agence de recrutement, il s’agit d’un service public et gratuit créé depuis 1988. Il est destiné aux jeunes entre 15 et 25 ans en recherche d’insertion professionnelle. Deux bureaux, l’un à Neuchâtel et l’autre à La Chaux-de-Fonds se donnent pour mission de construire une passerelle entre le marché de l’emploi et les jeunes. Voilà qui peut-être utile. Décidés à comprendre la motivation qui anime une telle entreprise, nous nous sommes rendus pour vous sur place afin de rencontrer l’une des responsables. Dominique Wohlhauser, psychologue FSP, nous explique.

« Job Service est donc un service public et gratuit, spécialisé dans l’insertion professionnelle. Il s’adresse à tous les jeunes qui ont des questions liées à leur intégration sur le marché de l’emploi »

Qu’y a-t-il de différent par rapport à une agence de recrutement ?
« Nous faisons du placement, mais celui-ci est gratuit. C’est à dire que nous ne prenons pas de commission ni auprès de l’entreprise, des jeunes, bien évidemment. L’entreprise a un lien direct avec le candidat. On ne démarche pas, on s’occupe plutôt de favoriser le réseau. Un autre aspect qui nous différencie, c’est que nous visons exclusivement un public jeune. Nous ne proposons donc pas des personnes à hauts profils et vraiment expérimentés. »

Qu’apportez-vous aux jeunes ?
« Concrètement, nous proposons tout d’abord une inscription au service de placement. Ensuite, nous sommes là pour donner du soutien, des conseils dans la recherche. Nous proposons un accompagnement pour aborder le marché du travail. Nous sommes en quelque sorte des facilitateurs de ces mesures devenues désormais extrêmement difficiles. Nous proposons également un accès au réseau professionnel, parce que nous sommes conscients que l’aspect relationnel est un point qui peut être déterminant dans une recherche d’emploi. Quatrième aspect de nos services, nous proposons des programmes spécifiques pour les jeunes en rupture de formation. Un des aboutissements de notre engagement chez Job Service est que nous avons réussi à lancer un programme appelé « projet village d’artisans ». Sur un même lieu, vous retrouvez des micros entreprises où nous pouvons intégrer les jeunes dans le monde du travail. Notre bureau se trouve sur le site et nous sommes là pour encadrer. C’est ce que nous appelons notre tremplin vers le premier marché du travail. On y fait prendre conscience des règles que sous-tendent l’activité professionnelle. Nous essayons également d’aborder d’autres aspects de la vie du jeune, plutôt d’ordre psychologique et, si besoin étant, nous orientons la personne en difficulté vers les services adéquats. »

Quelle est la philosophie de Job service ?
« Proximité, soutien dans le parcours du jeune demandeur d’emploi. Nous sommes à l’écoute. Mais il faut garder à l’esprit que nous devons travailler avec le monde économique. C’est important. »

Comment arrivez-vous à gérer ce double rôle qui est la fois celui de conseillère socioprofessionnelle et en même temps de personne mandatée par les entreprises pour trouver de nouveaux collaborateurs ? N’y voyez vous pas deux logiques contradictoires ?
« C’est effectivement un aspect de notre travail qui peut sembler contradictoire. On est même amené à expliquer dans les Hautes Ecoles les enjeux de cette double logique. 13

En tant qu’expert travaillant au coeur du tissu professionnel neuchâtelois, que pensez-vous de celui-ci ?
« Le canton a une particularité qui est son lien avec l’activité économique horlogère. Neuchâtel a été malmené par les crises horlogères, de telle sorte que nous pouvons dire que lorsque l’horlogerie va bien, l’économie va bien. Ça va de paire ! Il est indéniable qu’actuellement et en comparaison avec le reste du pays, le canton a des difficultés d’emploi, surtout dans le haut. Le haut du Canton a aussi sa particularité; il s’agit de son passage brusque de l’industrie vers le tertiaire. Les personnes n’ont pas toutes les qualifications requises pour assumer une telle transition et ça peut poser problème. Cela dit, un point plus que positif à soulever est qu’au vu de la petite taille de la région, nous avons un bon partenariat entre les écoles, les employeurs et les pouvoirs publics. C’est bien la taille de notre canton qui permet un tel partenariat. »  

Pourquoi avoir choisi ce poste au sein de Job Service plutôt qu’une place dans un département de ressources humaines d’une compagnie « ordinaire » ?
« Tout d’abord parce qu’en fin de formation en psychologie du travail, j’étais spécialement intéressée par les aspects de la formation et de l’éducation. Je suis d’ailleurs allée suivre des cours à Genève en Science de l’Education. Le second élément qui a déterminé cette ambition est qu’un tel poste offre la possibilité d’accompagner les personnes dans leurs phases de transition. Ce qui est à mon sens un moment crucial. D’ailleurs, j’organise, à titre privé, des séminaires de préparation à la retraite dans les entreprises. Les phases de transition m’intéressent énormément. »

Selon vous, les entreprises coopèrent-elles suffisamment ?
Dans le cas contraire, qu’attendriez-vous d’elles ?
« Nous travaillons avec plus d’une centaine d’entreprises. Non, celles-ci collaborent bien. On peut dire qu’il s’agit d’un bon partenariat. Mais, je pense qu’il faut encore les sensibiliser aux aspects sociaux. Souvent, lors d’entretiens, des jeunes me font part du fait qu’ils ne se sentent pas respectés dans leurs démarches. Que ce soit au niveau du délai d’attente de réponse de courrier, ou parce que l’on ne leur répond carrément pas. Selon moi, il faut instaurer une procédure respectueuse de la personne, ce qui n’est encore pas assez souvent le cas. »

Le marché de l’emploi s’est endurci s’est dernières années. Les moyens entrepris pour recruter de nouveaux collaborateurs ont fortement changés également. Que pensez-vous des techniques de sélection et de recrutement élaborées par les psychologues pour les départements RH des compagnies actuelles?
« Il y a dix ans, les démarches pour le demandeur d’emploi étaient bien plus aisées. On commençait par chercher un endroit où effectuer un stage et ensuite, on cherchait un poste fixe. Les curriculum vitae avaient, en somme, moins d’importance. Aujourd’hui, lorsque nous devons orienter un jeune dans ses démarches, les choses sont bien plus compliquées. Tout d’abord, le marché exige un dossier de candidature en « béton ». Il faut ensuite se préparer à des examens d’entrée, qui peut-être mèneront à un entretien. Entretien qui, toujours dans la même incertitude, pourra vous mener à un éventuel poste de stage. Notons ceci dit en passant que de moins en moins de stages sont rémunérés. Finalement, peut-être, aurez-vous l’opportunité d’accéder à un emploi stable. Ce n’est pas toujours facile d’expliquer cela. Vous savez, je n’ai que trente-cinq ans, mais même à mon époque je n’ai pas été confronté à de telles difficultés. »
N.H.