Édito

“Qu’est-ce qu’on mange ?“

Par Zoé Decker
De la restriction alimentaire aux risques d’obésité, l’alimentation n’a jamais posé autant de problèmes à l’être humain dans une société où règne pourtant l’abondance de nourriture.
Autrefois, l’obésité était la « maladie » des riches, elle était fortement représentée dans la haute classe sociale bourgeoise et était synonyme de bien-être et de bonne santé. Actuellement, ceux qui profitent pourtant le plus des programmes nutritionnels amaigrissants sont les mieux nantis. Les dérives alimentaires ont-elles donc tendance à s’inverser ?
De nos jours, en parallèle à la déstructuration de la famille, les traditions alimentaires sont de plus en plus bafouées : le comportement à table, le temps que l’on y consacre, la rythmicité des repas, la variété de l’alimentation, le partage du repas de manière collective souffrent des nouveaux modes de vie.
L’alimentation des êtres humains n’a jamais été purement individuelle. Bien au contraire, dans l’histoire de l’humanité, manger est non seulement une question collective régie par la culture et la société, mais elle se trouve au centre de l’organisation sociale. Elle est une affaire de partage, de répartition, de distribution, d’échange. Le lien social passe, notamment, par la nourriture et il la régule. En désocialisant l’alimentation, loin de résoudre le problème, nous l’aggravons, en faisant peser sur l’individu une culpabilité trop lourde, en le transformant en une sorte “d’atome social glouton“.
Pourtant, l’acte de manger reste éminemment complexe. La connaissance que l’on a des aliments et de leurs rôles dans la gestion de notre capital santé représente un des déterminants essentiels des choix alimentaires. Mais ceux-ci se complexifient par la situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons : d’un côté la médecine, les autorités, l’industrie, les médias nous accablent de mise en garde, d’avertissements, de “bonnes recettes“ qu’il s’agisse de recettes de cuisine ou d’amaigrissement. De l’autre côté, nous observons l’explosion – soutenue par des campagnes de publicité massive – des fast-foods (la “malbouffe“) et un développement de cette alimentation rapide, grasse, consommée à tout moment et ne répondant pas à nos besoins physiologiques. On connaît les effets de ce manque d’hygiène culinaire : les crises cardiaques et l’obésité.
Surpris par l’abondance, la multiplicité, parfois le caractère contradictoire de ces recommandations et mises en garde de la société, nous nous tourmentons de plus en plus à propos de la manière dont nous gérons notre “univers alimentaire“. Aujourd’hui, par l’intermédiaire des médias de masse, la société demande à l’individu de répondre à des critères de plus en plus sévères pour être bien dans sa peau et vivre heureux. Au royaume des “ventres pleins“, on ne mange plus pour survivre ou pour vivre tout simplement, mais pour vivre mieux et plus longtemps.
Mais ces impératifs ont pour toile de fond le fait que la majorité de la planète a le ventre vide et ne trouve pas de quoi se nourrir.
Comment mieux manger ? N’est-ce pas là une question, un luxe, que seuls les individus riches peuvent se poser ? La principale interrogation ne serait-elle pas « comment résoudre cette inégalité nord-sud ? »

 

Football

La recette du sport

L’esquisse d’une définition sur ce qu’est le sport semble relever de l’utopie. La palette s’est particulièrement élargie ces dernières années, au point d’englober une multitude d’activités qui divergent les unes des autres. Pourtant, elles se rejoignent en un point central : sport rime souvent avec argent.

Pierre de Coubertin, le père des Jeux Olympiques modernes,  voyait le sport comme un moyen d’éduquer la jeunesse. De nos jours, bien que l’activité physique joue un rôle très important à l’école, nous nous sommes éloignés de cet idéal. Les compétitions engrangent des sommes colossales. Selon le dernier rapport financier de la FIFA,  leur chiffre d’affaires compterait plusieurs centaines de millions de francs, une grande partie venant des droits de diffusion et des sponsors. Certes, il faut trouver de quoi rémunérer ces professionnels du spectacle. Mais quand une chaîne de Fast Food pose son empreinte sur un maillot, on note une certaine forme de contradiction avec les valeurs que nous inculque le sport. Parfois l’on viendrait même à se demander, si les sportifs jouent pour divertir le peuple ou pour lui vendre quelque objet. D’ailleurs, ne soyons pas surpris de retrouver ces derniers dans le rôle de mannequins ou encore d’ambassadeurs pour de grandes marques de montres, de parfums ou encore de vêtements ; la publicité constitue un revenu secondaire important pour certains athlètes.

Avec la soif de records qui s’est intensifiée ces dernières années, les chiffres qui tombent ne cessent d’impressionner. En parallèle, les grands tournois sont dotés de prix faramineux qui augmentent fortement l’enjeu et par la même l’attractivité pour tout le monde. À titre d’exemple, Roger Federer a gagné un chèque de 1.2 millions pour sa première place à l’Open d’Australie en 2007. Ces frais sont pris en charge par les sponsors, que nous alimentons à notre tour en tant que consommateurs. Ces trois groupes (consommateurs – sponsors – sportifs), sont donc dangereusement dépendants les uns des autres. L’affaire Parmalat (géant alimentaire italien) a ébranlé le monde du football en 2003. L’une des plus prestigieuses équipes d’Europe empêtrée dans un scandale causé par son sponsor principal qui entraîna finalement sa perte. Les fidèles supporters qui désiraient simplement voir leurs idoles jouer et les milliers d’épargnants qui ont perdu leurs économies, ont été relégués au rang de spectateurs du désespoir.
S’en est suivi une sombre histoire de matchs « arrangés », truqués par des arbitres peu scrupuleux, qui visaient à s’enrichir personnellement. Les fans déçus et en quête de justice ne pourront jamais effacer les résultats probablement erronés des parties jouées. Mieux vaut oublier.
La beauté du football est donc ternie par d’autres phénomènes que le dopage ; ce divertissement populaire est gouverné par l’argent. Les clubs les plus riches s’offrent les meilleurs joueurs issus des quatre coins de la planète ; ils n’ont plus de lien direct avec les villes qu’ils représentent ; leur talent quant à lui, se mesure par le montant de leur transfert. Cerise sur le gâteau, une partie des stars du ballon rond choisissent de s’exiler au Quatar, où les magnats du pétrole les paient grassement pour frapper leurs dernières balles.

Envahis par les exploits et dérapages des acteurs du monde sportif, les médias ont très vite compris, que ces héros des temps modernes faisaient vendre et suscitaient l’intérêt de l’individu lambda. La presse et les chaînes télévisées consacrent une grande place au sport et aux athlètes, mais pas seulement pour leurs exploits. Comme toutes les célébrités, leur vie privée est étalée en long et en large. Se considérant comme importants, certains en viennent alors à écrire des autobiographies, à faire de la politique ou encore apparaissent au cinéma.

Chacun y trouve donc son compte, mais l’hypocrisie qui se cache derrière tout cet engouement massif ne semble déranger personne. Nous achetons les produits que les grandes entreprises nous exposent à travers les icônes sportives qu’elles se procurent pour de l’or. Une recette douteuse au niveau éthique, néanmoins efficace en termes économiques.
J. Weber