Commentaire

Les cadeaux de Noël : plaisir et galère à la fois

Noël approche à grands pas. Les rues ont vêtu leur habit de lumière et l’heure est à l’achat des cadeaux. Et une chose est sûre, si recevoir est (presque toujours) agréable, devoir offrir quand on n’a pas d’idées, c’est plus compliqué ! Certains magazines l’ont compris et les couvertures regorgent de « 839 idées cadeaux», « cadeaux de 1 à 1000 francs pour un Noël extraordinaire » ou encore « le cadeau qui fera plaisir à tous les coups ». Mais même avec de l’aide, ça n’est pas gagné ! En général, on offre à ceux qu’on aime et le but est avant tout de leur faire plaisir. Or faire plaisir, même quand on connaît bien la personne, ce n’est pas toujours facile.
Il y a d’abord ces gens « qui ont tout », comme nos parents. Quelques semaines avant Noël on essaie de savoir s’ils n’ont pas, par un heureux hasard, cassé ou perdu un objet indispensable. Si c’est le cas, on saute sur l’occasion et on le leur achète pour Noël dans l’espoir qu’ils ne l’aient pas fait d’ici là. Ou on leur demande s’ils n’ont pas besoin ou envie de quelque chose en particulier mais dans ce cas ils n’auront plus la surprise. Et l’effet de surprise est une des plus grandes joies de Noël. Quand arrive l’heure des cadeaux, après les interminables et trop copieux repas de famille, on retrouve tous notre âme d’enfant. On soupèse, on tâte, on secoue délicatement pour essayer de deviner ce qu’il y a à l’intérieur et pour repousser le moment de l’ouverture de quelques secondes. On met un certain suspense dans cette entreprise toujours très attendue quel que soit notre âge et quoiqu’on en dise. Mais parfois, une fois le cadeau ouvert, c’est la déception. Et là on doit faire semblant d’aimer ce qu’on a reçu. Surtout quand on sait que la personne à l’origine du présent s’est donné du mal et pense avoir choisi ce qui nous plaisait… Qui n’a jamais reçu cet horrible pull rouge et violet tricoté par tante Simone? Et quand on sait les heures qu’elle a passé dessus, on fait un grand sourire en la remerciant et on ne porte sa « création » que les dimanches où on va manger chez elle.
Contrairement à notre tante, il y a ceux qui préfèrent ne pas prendre de risques et nous offre, inlassablement, Noël après Noël, l’enveloppe contenant un billet de banque en nous disant : «comme ça tu achèteras ce que tu veux ». Pour les plus courageux d’entre eux, il y a les spécialistes de bons-cadeaux mais encore faut-il faire le bon dans un magasin qui convient… Si on offre un bon ou de l’argent, ça veut bien dire que l’on n’a pas d’idées, non ? Sans quoi on offrirait un objet, un habit, un petit voyage, … Bref, quelque chose de personnalisé. Ceci ne veut pas dire que l’on n’a jamais d’idées mais elles n’arrivent pas toujours au bon moment ainsi que les objets « parfaits ». En effet, il nous arrive de tomber, entre deux rayons, sur « le collier fait pour Lucie », par exemple. Or on est en août, son anniversaire était en mars et Noël n’est que dans quatre mois… Alors que fait-on ? Étant donné son prix, on ne peut pas le lui offrir « juste comme ça » et à Noël elle ne pourra plus le porter car il ne se verra pas avec ses gros pulls d’hiver. Ce collier est fait pour cette période et cette année ! C’est pourquoi il  faudrait que Noël soit tous les jours de l’année et pas seulement le 25 décembre. Non  pas pour que l’on s’offre des cadeaux tous les jours mais plutôt pour qu’on puisse en offrir à chaque fois qu’on en a l’occasion, sans raison particulière, surtout s’il s’agit d’un présent onéreux. Ainsi on offrirait toujours ce qui fait plaisir (du moins on le souhaite) et non pas des choses qu’on s’est forcé à acheter pour Noël car il fallait mettre des paquets sous le sapin. Alors, prêts à faire Noël dès qu’on en a l’opportunité ? Pourquoi pas ? À méditer !
Virginie Burion

Eclairage

Comment nous réinventons Noël, fidèles à la tradition…

Avons-nous changé notre façon de fêter Noël? La question est mal posée. Au-delà d’une critique (justifiée) des excès que notre société de consommation nous pousse à commettre par de nombreux stratagèmes plus ou moins raffinés, interrogeons les nombreux symboles que notre imaginaire collectif associe à ces fêtes mais aussi à la nuit des temps.
Deborah Sohlbank

« Noël n’est plus ce que c’était avant! Nous perdons toutes nos valeurs! Cette fête sacrée est réduite à un échange d’objets généralisé, où est son sens aujourd’hui? Tout était différent au temps de… » De qui? De quoi? Qu’est-ce qui a changé et par rapport à quoi? Notre enfance, celle de nos parents, ou plus loin encore, celle de nos grands-parents? Qu’entend-on par « changer »? Ne puisons-nous pas dans un imaginaire collectif lié à Noël et ses symboles pour regretter un temps que nous n’avons jamais connu et dont ne sait même pas dans quelle mesure il a réellement existé?

Peut-être serait-il plus juste de considérer Noël (mais ceci est valable pour toutes les fêtes que nous célébrons régulièrement) et son lot de traditions qui va avec, comme une recette qui contiendrait quelques ingrédients de base acceptés depuis longtemps et considérés comme intouchables, et d’autres ingrédients dont l’emploi est beaucoup plus flexible selon les individus mais aussi les modes et les époques. Ne touchez pas à la base de la recette, elle pourrait tourner au vinaigre, mais n’hésitez pas à jouer avec ce qui l’entoure, le résultat final en sera d’autant plus savoureux! Prenons un exemple: les emballages cadeaux. Je me souviens vaguement des papiers que j’arrachais impatiemment dans mon enfance pour découvrir ce qu’ils cachaient. Ils étaient très colorés et décorés de divers motifs: étoiles, pères noël, bougies ou personnages de dessins animés. Je constate aujourd’hui une profusion de matières employées pour non seulement emballer mais aussi valoriser le cadeau: cela va du papier cartonné sobre et élégant à la boîte dorée parée d’un splendide noeud en tissu en passant par la petite corbeille en osier. Il est également intéressant comme, une fois agrémenté d’un emballage soigné et original, n’importe quel objet du quotidien peut se transformer en cadeau digne de ce nom. Ainsi lit-on par exemple sur un site Internet qui promeut des confitures artisanales: « Accompagnées de paniers décoratifs, en coffret de bois ou présentées dans un pochon, les confitures de Bribou deviendront une idée cadeau originale à offrir quelle que soit l’occasion. Oubliez le bouquet de fleurs, offrez un panier gourmand! ». Ce n’est pas tant le contenu en soi qui est original mais il le devient par la manière dont il est présenté. J’ai été stupéfaite cette année en me baladant dans un grand magasin de voir le nombre d’aliments finement emballés et proposés comme « idée cadeau »: « Lemon&lime », « Panier de la nonna »(contenant entre autres les inévitables huile d’olives et pâtes fraîches), « Taste of Morocco », « Olives and more », etc. Si l’on ne peut dater exactement la mode de ce genre d’emballages, une chose est sûre: ce ne sont pas des produits d’inspiration moderne, et s’ils sont si attirants c’est plutôt grâce à leur aspect « rétro ». Qui ne revoit pas des illustrations de contes pour enfants dans un décor fin 19ème ? Un promeneur solitaire sous la neige le soir de Noël observe à travers une fenêtre une famille réunie autour d’un magnifique sapin entouré de grandes boîtes colorées et enrubannées. Même chose pour les cadeaux: ne retrouve-t-on pas derrière le set « Lemon & lime » la fameuse orange que les enfants recevaient alors; fruit savoureux et exotique, denrée rare? Ces images qui représentaient déjà une époque lointaine et qui nous ont séduites durant notre enfance, nous avons la possibilité de les recréer et de les ancrer dans une « tradition » qui n’est pourtant pas aussi immuable que nous voudrions bien le croire.

Il faut d’ailleurs rappeler ici que la plupart des pratiques sociales que nous connaissons et perpétuons ne remontent pas à une époque obscure et lointaine. En effet, c’est au 19ème siècle, dans le double contexte de la révolution industrielle et d’émergence d’états nations en Europe que se sont créées nos « traditions » les plus communes. D’une part pour gérer les nombreux et rapides bouleversements sociaux de cette époque charnière, d’autre part pour créer une cohésion et un sentiment d’appartenance très fort. Ainsi sont apparus quantités de mythes fondateurs, de traditions spécifiques à un peuple, d’hymnes et autres drapeaux. Ainsi avons-nous puisé dans différents mythes et coutumes pour en institutionnaliser d’autres. Si certains symboles de Noël sont à rechercher très loin dans l’histoire, d’autres comme le sapin décoré, la bûche et bien sûr l’incontournable Père Noël sont le résultat de plusieurs figures provenant d’époques et d’endroits divers, remodelés plus d’une fois.

Si dans une vie nous notons des changements dans notre façon de célébrer Noël, cela ne signifie pas pour autant que nos fêtes perdent de leur sens. Au contraire, il est intéressant de chercher comment la signification et la symbolique que nous associons à Noël se perpétuent sous une forme plus ou moins différente. Il importe également de s’interroger sur les besoins « retourner aux traditions » que nous exprimons à travers la revalorisation de certains objets.
D.S.