Eclairage

Licenciement du recteur de l’université de Neuchâtel Alfred Strohmeier

Le 5 février, Alfred Strohmeier était suspendu de ses fonctions de recteur sur une décision du Conseil d’Etat qui n’a pas manqué de susciter de nombreuses réactions.

La nouvelle du licenciement du recteur de l’université de Neuchâtel Alfred Strohmeier a provoqué une multitude de réactions provenant à la foi du milieu universitaire et des médias par le biais de commentaires plus ou moins positionnés. Il est vrai que la décision du Conseil d’Etat, unique en son genre, mérite de susciter de vifs débats.

Le principal concerné Alfred Strohmeier a considéré son propre licenciement comme une « une décision profondément injuste ». Selon lui, cette mise à l’écart est due au différent qui l’opposait au Conseil d’Etat au sujet d’un possible déplacement de l’Institut de microtechnique de l’Université de Neuchâtel (IMT) à l’EPFL. Plus tempéré dans son communiqué à la communauté universitaire, A. Strohmeier a exprimé ses regrets face à une telle décision et évoque « la réforme sans précédent » qui a été menée avec l’appui du rectorat et des doyens des différentes facultés, liste dans laquelle le doyen de la faculté des Sciences ne figure pas. Quant à lui, le Conseil d’Etat justifie sa décision par le refus d’A. Strohmeier  de rencontrer et de discuter avec les membres du gouvernement concernant le projet en cours.

La réaction de la FEN (Fédération des étudiants neuchâtelois) est sans équivoque. Dans son communiqué, le ton employé est à l’enthousiasme, à l’exaltation même. Pour elle, la cause du licenciement ne se limite pas seulement au différend concernant l’IMT mais au caractère du recteur qui, tout au long de son mandat, n’a pas su instaurer le dialogue et qui a suscité l’indignation en de nombreuses occasions. Son refus de répondre aux protestations des étudiants et des professeurs concernant le démantèlement de la chaire de grec et d’italien en est un exemple. La FEN condamne également la « collaboration aveugle » des vices-recteurs au sein du rectorat. La vigueur de cette réaction a toutefois été tempérée par les comités des différentes facultés qui, tout en approuvant le fond du communiqué, regrettent le ton subjectif employé par la FEN et « la manière excessive avec laquelle M. Alfred Strohmeier a été licencié ». De telles réactions reflètent l’opinion de la majorité du corps  professoral et du milieu estudiantin, qui considèrent A. Strohmeier comme un personnage aux idées arrêtées et fermé à toute discussion. C’est donc un sentiment de soulagement qui règne au cœur de l’Université depuis l’annonce de son licenciement.

Les différents milieux médiatiques ont bien évidemment largement relaté l’événement en prenant de manière générale parti pour la décision du Conseil d’Etat, tout en condamnant la manière drastique employée pour suspendre le recteur de ses fonctions. Le commentaire de Pierre-Emmanuel Buss dans l’édition du Temps du 06.01.07 refuse de poser le désormais ex-recteur en victime. Pour le journaliste, A.Strohmeier doit son licenciement à sa seule manière d’agir. Cependant, il considère très justement que si l’ancien recteur « n’était pas l’homme de la situation » et que « l’Université de Neuchâtel doit retrouver les vertus du dialogue, elle a aussi besoin d’un rectorat fort capable de la projeter dans l’avenir ».

Il ne reste plus qu’à espérer que le recteur ad intérim Jean-Pierre Derendinger saura défendre les intérêts de l’Université de manière plus judicieuse.
S.B.

Analyse

Sarkozy, l’homme qui murmurait à l’oreille des médias

« Les amitiés du principal actionnaire de TF1 avec Nicolas Sarkozy que je respecte, ne me regardent pas. Elles ne jouent en rien sur l’information », a déclaré Robert Namias, directeur de l’information de la chaîne du groupe Bouygues sur  RMC (le 19.02.07).

On est tout de même en droit de se poser quelques interrogations sur la liberté journalistique des médias tels que TF1. Le 5 février sur TF1, lors de l’émission « J’ai une question à vous poser », la prestation de Sarkozy a choqué. En effet, il peut sembler quelque peu sournois que la production du programme ait été assurée par Dominique Ambiel, ancien conseiller pour la communication de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, devenu allier de Sarkozy lors de la campagne référendaire sur la constitution européenne. Qui plus est, le propriétaire de la chaîne TF1, Martin Bouygues, n’est autre qu’un ami de trente ans de Nicolas Sarkozy.

Il est légitime de s’interroger sur l’impartialité des médias. En France, il y a tout de même une institution qui veille au pluralisme. Il s’agit du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel). Cependant, si l’on regarde de plus prêt, on s’aperçoit que son nouveau président Michel Boyon, est, comme M. Ambiel, un ancien du cabinet Raffarin. Ces liens ne doivent pourtant pas aboutir sur des conclusions hâtives, mais on doit s’interroger sur l’indépendance revendiquée des journalistes comme par les membres du CSA.

Sarkozy, Royal, et qui d’autre ?
Ceci n’est pas un secret, les médias français font de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal les uniques candidats aux élections présidentielles. Tous deux, ils bénéficient d’une personnification inouïe des enjeux. Par exemple, lors de la venue de Nicolas Sarkozy à l’émission « Inter-Active » de Nicolas Demorand sur France Inter, seulement trois auditeurs avaient pu s’exprimer. Alors qu’à la venue de José Bové, invité a priori moins éminent, il y avait énormément de questions. L’émission fut expéditive. Cet exemple montre bien que Sarkozy est bel et bien favorisé en temps de parole. A croire que José Bové avait moins de choses intéressantes à nous dire. Le CSA l’a reconnu et a déploré le 4 janvier 2007 « la bipolarisation excessive au profit de deux candidats » et « l’insuffisance du temps de parole » accordée aux autres, sur France Télévisions, TF1, M6 et Canal+.
En ce qui concerne la radio de service public, elle a divisé les candidats en quatre catégories (source : www.acrimed.org):

– la première qui disposera de 40 % du temps d’antenne regroupe l’UMP et le PS
– la seconde qui disposera de 30 %, l’UDF et le FN
– la troisième qui disposera de 25 % regroupera ceux appelés « petits candidats », PCF, LCR et Nicolas Hulot
– les autres candidats se répartiront les 5 % restants.

Le contrôle des médias est-il un gage de réussite ? Pas forcément

On se rappelle de l’échec politique de Silvio Berlusconi qui pourtant contrôlait de nombreux médias en Italie. Ceci illustre bien que contrôler n’est pas s’imposer. En d’autres termes plus épicés, on pourrait dire que trop de propagande tue la propagande. Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ne sont pas à l’abri d’un ras-le-bol populaire.
Selon Raphaëlle Bacqué, chef du service politique au journal Le Monde, « il faut tous les jours frapper les esprits afin d’être à nouveau remarqué. (…) On risque vite à ce jeu-là de susciter une forme d’anxiété dans l’opinion, forcée de suivre le rythme chaque jour plus rapide du maelström dans lequel chacun, à la fin, se trouve englouti ».
Certes il y a un risque, mais la population française façonnée dans le moule Royal-Sarkozy ne verra pas, pour une majorité d’entre elle, d’autres alternatives que ces deux candidats sur médiatisés. Si ce n’est Jean-Marie Le Pen, lui aussi souvent présent sur les plateaux mais bénéficiant d’un temps accordé plus court.

La question est moins de savoir qui va gagner ces présidentielles que de savoir si la démocratie et la république sont en danger. Vouloir maîtriser l’information n’est-il pas un terrain glissant vers le totalitarisme ? Bien sûr, la comparaison est un peu forte, mais le procédé de contrôle des médias, même sporadiquement lors d’élections, me rappelle un certain Adolf Hitler dont la propagande se résumait surtout en des messages courts et répétitifs. Comparaison brutale et anachronique me direz-vous, mais propagande politique il y a bien.
M. M.