Musées

Evocations

Le Musée d’Histoire de la Chaux-de-Fonds propose depuis le 21 mars dernier une exposition quelque peu particulière. En effet, « Objets-Passage» est le fruit d’une collaboration étroite entre le musée et l’Institut d’art et de muséologie de l’université de Neuchâtel.

Le défi a été lancé à une équipe de 12 étudiants en octobre dernier, dans le cadre d’un séminaire. L’idée ? Monter une exposition pour le Musée d’histoire de la Chaux-de-Fonds à partir des réserves du musée afin d’expérimenter dans la pratique tous les enjeux et les réflexions existant autour de la mise en exposition d’objets venus d’un autre temps. Ceci dans un contexte où le Musée d’histoire vit une mutation en s’unissant aux Musées d’horlogerie et des beaux arts. Les trois institutions considéreront ensemble la riche thématique de l’homme et du temps.  Si les étudiants enthousiastes ont amené foule d’idées et de propositions- leur professeur les compare à des « jeunes chiens fous dans un jeu de quille »- le personnel du musée ont été d’une aide précieuse pour leur savoir-faire acquis au fil de nombreuses années d’expérience. Et Mme Musy, conservatrice, d’écrire à propos de cette collaboration : « Elle a constitué une occasion de réfléchir sur le rôle d’un musée d’histoire aujourd’hui et de porter un regard neuf sur la collection »

L’exposition « Objets Passage » propose une réflexion autour des objets, leur statut au moment de leur conception, son évolution vingt, cinquante ou cent ans plus tard. Cette réflexion s’ouvre d’ailleurs par une série de portraits de figures historiques : parmi tous ces tableaux, un miroir. Le visiteur se retrouve pris à parti, en interaction avec l’Histoire dont il est, lui aussi, acteur. La visite continue sur la base d’une spirale temporelle invitant au travers de différents thèmes à une découverte par bribes d’une réalité chaux-de-fonnière d’un autre temps.

Les étudiants ont donc commencé par une « fouille » dans la cave et le grenier du musée, afin de déterrer des objets qui n’avaient plus vu la lumière du jour depuis belle lurette. Si leur sélection a été faite en commun, elle n’en était pas moins volontairement subjective, le but étant de choisir des objets évocateurs ou devenus totalement mystérieux avec l’âge. Il y a de tout dans cette foire au passé : cela va de la lanterne magique au landau, en passant par les cuvettes WC, le globier ou encore l’aspirateur à bras Atom. Ces objets anciens ayant un jour appartenu à un quotidien, inscrits dans des pratiques et des mœurs, devenus des inconnus pour nous sont appréhendés aujourd’hui d’une manière totalement différente. Quelle est donc la signification de cette mise en scène ? Que suscitent ces objets chez le visiteur ? Ils semblent appartenir à une imagerie plus ou moins commune et floue à partir de laquelle chacun est libre de construire quelque chose, de digresser vers une époque qu’il a connue ou non. Une visiteuse s’exclame devant un moule à beurre : « Vous auriez dû appeler votre exposition « Nostalgie » ! Ils me parlent ces objets, c’est bien. Après on les oublie. ». Une subjectivité parmi d’autres, permettant de parler du temps autrement. A noter que les enfants n’ont pas été oubliés dans ce ressassement du passé : différentes activités ludiques leurs sont proposées tout au long de la visite.
D.S.

Arts plastiques

La collection Rosengart ou quelques heures d’évasion au fil des œuvres

Etablie à Lucerne, la Collection Rosengart offre à ses visiteurs la possibilité de contempler des tableaux de grand prestige dans un cadre chaleureux et agréable.

A quelques pas de la gare de Lucerne, le long de la large rue commerciale de la « Pilatusstrasse », se dresse sobrement l’édifice dont se détachent les grands noms du monde de la peinture et qui abrite la partie la plus récente de la Collection Rosengart. Cette exposition offre une multitude de toiles dans lesquelles les yeux s’égarent avec délectation. Des œuvres de Monnet, Cézanne, Renoir, Miro, Kandinsky, Picasso et d’autres encore défilent dans un tourbillon de formes et de couleurs, surprenant le visiteur à chacun de ses pas. 125 tableaux et croquis de Paul Klee occupent à eux seuls l’un des trois étages de l’exposition et constituent ainsi l’élément principal de cette partie de la collection.

La partie la plus anciennement établie et consacrée uniquement à Picasso se trouve, quant à elle, au détour des ruelles pavées de la vieille ville. Ce « Musée Picasso » contient des œuvres assez tardives du peintre, de même qu’une sculpture, « La Femme au chapeau ». Une longue série de photographies noir-blanc, prises par le photographe américain David Douglas Duncan, dévoile le peintre dans sa vie quotidienne : dans sa maison, dans son atelier, en compagnie de sa femme Jacqueline, de ses enfants, de même qu’aux côtés des Rosengart, ses amis intimes, mais également dans des postures plus originales : prenant un cours de danse classique avec sa femme ou chassant un scorpion de sa baignoire, ce qui offre une touche d’originalité surprenante à des images déjà riches de vie artistique.

Cette collection résulte d’une passion commune d’un père et de sa fille pour le monde de la peinture. Siegfried Rosengart, marchand d’art et collectionneur, né à Munich en 1894, se voit confier par son cousin Heinrich Thannhauser, en 1919, la responsabilité de s’occuper d’une succursale des Galeries Thannhauser nouvellement ouverte à Lucerne. En 1937, S. Rosengart en devient propriétaire et celle-ci prend le nom de « Galerie Rosengart ». Très vite, Rosengart initie sa fille, Angela Rosengart, au métier qu’il pratique. Dès 1948, celle-ci s’implique de plus en plus dans la galerie et devient propriétaire de la galerie au même titre que son père. L’amitié qui les lie à plusieurs peintres tels que Picasso, Matisse ou Braque leur permet de poursuivre leurs activités, malgré les périodes de crise ou de guerre.

En remerciement de sa collaboration, Rosengart reçoit de son cousin une nature morte de Cézanne, tableau qui constitue la première pièce d’une collection pas même encore imaginée et auquel de nombreux autres viendront s’ajouter. Dès les années 50, les Rosengart décident de porter leur attention sur les œuvres de Picasso. Le peintre étant un de leur ami intime, il leur est possible de suivre les tableaux à travers leur élaboration. Leur choix s’arrête également sur Paul Klee, qu’Angela affectionne tout particulièrement. Comme ces artistes étaient encore peu appréciés du public, leurs toiles s’avéraient difficiles à vendre. En tel cas, elles étaient soigneusement conservées par les Rosengart, qui ne pouvaient se résoudre à s’en séparer. Il en fut ainsi pour une série de toiles de Picasso, ce qui aboutit, en 1978, à la création du « Musée Picasso », date à laquelle les tableaux furent offerts à la ville de Lucerne à l’occasion des 800 ans de la cité. Tout ceci contribua à maintenir vivace le nom de Rosengart aux côtés de celui de Picasso. En effet, la Collection Rosengart, dont la deuxième partie fut à nouveau le résultat d’une donation d’Angela en 1990 à la ville de Lucerne, n’offre pas uniquement des tableaux de prestige mais manifeste également la relation des Rosengart avec les peintres qu’ils exposent et leur engagement envers leur œuvre.
S. B.