Analyse

Cho Seung-hui construit par les journaux

Lundi 16 avril, Université de Blacksburg en Virginie, un carnage, 32 morts. A peine a-t-il posé son arme que déjà les images circulent, les commentaires s’écrivent, les experts expliquent. « Le forcené avait une personnalité secrète et troublée. L’étudiant sud-coréen auteur du massacre avait été interné dans un hôpital psychiatrique en 2005 » (Le Matin) « Cho Seung-hui, 23 ans, était un jeune homme solitaire et grogneur » (Le Temps). « …un étudiant mutique et morbide, selon une camarade » (ATS), « il paraissait minutieux » (Le Monde). Très vite, un amoncellement d’informations vient étancher le soif de l’insatiable jeu de question-réponse de l’espace médiatique. C’est toute une multitude de narrations disparates qui déferle sur le globe ; que ce soit sous forme de « série télévisée », de roman psychologique ou d’intrigue sensationnaliste. Les médias se précipitent et les quelques 21 millions d’occurrences Cho Seung-hui sur Google en témoigne aujourd’hui. L’histoire s’est formée et propagée à une vitesse qui défie de loin toute représentation que l’on puisse se faire de la temporalité humaine.

L’auteur du massacre, un Coréen. Dans la précipitation, on ne s’est guère soucié d’orthographe. Son nom s’écrit sous des formes diverses, c’est à croire que cela importe peu. Le personnage est identifié, il n’est pas américain. Mais qui est-il ? Pourquoi ? Causes – conséquences ? Expliquez, s’il vous plaît. L’encre se met à couler et l’univers journalistique déploie son art.  Comme si des millions de détectives se devaient à présent de remplir leur contrat : soulager l’opinion publique par les résultats de leur filature éclair. Parmi les personnes interrogées, l’obscure poète Nikki Giovanni qui mérite d’être connue pour sa pensée fine et sa psychologie nuancée. Qu’on en juge: « j’étais prête à démissionner plutôt que de continuer à faire cours avec lui. Il y avait quelque chose de mauvais chez ce garçon. Il y avait vraiment un trait de méchanceté chez lui ». Ses collègues de classe, des étudiants comme il faut, confirment : Cho était «un solitaire obsédé par la violence qui avait beaucoup de problèmes personnels». Etrange que l’on connaisse ses problèmes alors que : «certains d’entre nous ont essayé de le faire sortir de sa coquille, mais il refusait de parler à qui que ce soit.» Les textes qu’écrivait Cho «nous semblaient sortir d’un cauchemar, et nous nous demandions tous si Cho n’allait pas venir un jour en classe avec une arme pour nous tirer dessus ». Il est vrai que c’est souvent plus facile après coup, toujours est-il qu’apparemment, le jeune homme n’avait pas sa place dans le « nous » de la petite communauté de Virginia Tech.

A défaut d’intégrer la sphère universitaire, Cho Seung-hui a su parfaitement user de nouvelles stratégies pour communiquer sa colère. Si ses écrits demeurent encore à ce jour incompris, l’auteur a su changer de médium le jour du massacre. Après la première fusillade, il envoie un colis à la NBC contenant, entre autres, des cassettes où on le voit s’exprimer armé de deux révolvers. Il veut se faire entendre. Il se montre souriant, assenant : « je l’ai fait ». La sentence est au passé. Le suicide est devenu spectacle, le silence est brisé. Avant même d’avoir parachevé sa série de meurtres, il en parle déjà comme quelque chose d’accompli, s’ajustant par là même à l’espace et au temps du spectateur. Sa téléréalité permettra-elle aux autres de mieux comprendre ?

Comprendre. Qui est-il ? Un fou, à présent nous savons. Au mépris du secret médical, son dossier psychiatrique est en ligne, le fou est fiché, catalogué. Reste à comprendre pourquoi ? Qu’est-ce qui peut expliquer un tel acte ? Aussi fou soit-il, notre appréhension du crime en demande le mobile. Le déclencheur de sa folie ? Pas nous, ce serait abominable ; pas lui, ce serait inexplicable. Quelque chose. Oldboy, un film coréen de Park Chan-Woo, pourquoi pas ? Associated Press communique l’information : une photo de Cho ressemble à l’affiche du film. Ils sont de même origine, le film est violent et étrange, faites entrer l’accusé. Non, réfute la défense, un grand réalisateur américain du nom de Bob Cesca, voilà une hypothèse qui ne tient pas la route. L’acteur du film tue un marteau à la main, l’auteur du massacre, lui, use d’une banale arme à feu. L’expert s’est prononcé, la piste est abandonnée. Les jeux vidéo alors ? Jack Thompson, un avocat militant contre les jeux violents évoque la thèse d’un lien avec le jeu « Counter-Strike». L’Inquirer Team réfute, Cho Seung-hui n’était même pas inscrit au fan club des passionnés du jeu que l’on trouve à Virginia Tech, une fausse piste est encore écartée.

Mais alors pourquoi ? Comment expliquer cela ? Deux semaines se sont écoulées, les enquêtes sont terminées à défaut d’être clauses. Le brouhaha médiatique s’estompe sans que personne ne remarque que l’on a fait que jacasser. Les analyses les plus farfelues ont vu le jour, le temps d’une impression sur les rotatives bien huilées des quotidiens du globe. Reste cependant que l’on peut se demander, ce qui dans le flot de paroles, n’a pas été dit. En fin de compte, pourquoi personne n’a-t-il osé mentionner la question de la pression sociale ? Les films et les jeux vidéo seraient-ils vraiment plus significatifs ? Les causes externes ont l’avantage de ne pas brusquer le citoyen dans sa tranquillité morale. Or personne ne s’est essayé à poser la question qui pourtant brûle aux lèvres de certains. La pression sociale particulière, vécue dans nos sociétés, dont les Universités américaines sont partie intégrante, ne pourrait-elle pas générer une telle violence ? Ultra-conformisme, profil-type, intolérance, discours axiologiques, compétition, méritocratie sont tant de termes absents de l’analyse faite de l’évènement et de son environnement. Tel un tabou.

Dans le fond, personne ne saura jamais vraiment pourquoi. Finalement, a-t-on jamais voulu vraiment savoir ? Cho Seung-hui ne disait mot, il écrivait ce que les gens ne pouvaient lire. Il a tué dans le silence. 32 êtres.

Suite à l’évènement, George Bush a prié, comme à son habitude. L’homme d’état a fait son devoir. Les journalistes eux, ont fait leur boulot, d’autres nouvelles cherchent à présent leur place au travers de l’interminable agenda médiatique.

Certains pensent que la mise en scène de la cruauté, de l’ambition ou de la colère libérerait les spectateurs de ces mêmes tendances présentes chez eux. C’est en cela que Racine a pu écrire que la tragédie, en « excitant la terreur et la pitié, purge et tempère ces sortes de passion ». En ce sens, le massacre de Virginia Tech a pu trouver sa place à défaut d’offrir la lumière sur son contenu même. Par cela, l’être humain, nous, spectateurs, à présent libérés, délivrés de nos pulsions, angoisses ou fantasmes, pouvons nous acquitter de l’évènement. Le héros de la tragédie, Cho Seung-hui, s’en est allé. Le spectacle de la violence, gardien des vertus civiques, s’est joué de nos nerfs, pour en exécuter la thérapie. Violence en direct, les images ont peut-être aidé quelques-uns à expurger. Une question cruciale demeure néanmoins latente. Le spectacle du meurtrier nous empêchera-il de le devenir ?

Tel est l’enjeu de la catharsis.
N.H.

Voyage

Grande-Bretagne

Londres s’est définitivement transformée en la capitale culturelle et économique du vieux continent. Elle est également le bassin des paradoxes les plus fous. L’esprit d’entreprise, les hauts salaires, la tolérance et l’excentricité de la capitale attirent les populations du monde entier.

La ville offre une ambiance incroyablement chaude et frénétique à la fois. La beauté de Londres est multiple. On la retrouve tout d’abord calme et paisible dans les nombreux parcs de la ville. Ses immenses terrains verts font la fierté des habitants qui soignent chaque parcelle de fleurs avec amour. Il faut dire que la propreté des parcs de la ville est inégalée. Saint James’s Park  est celui qui m’a le plus émerveillé. C’est le parc royal le plus ancien de la ville, situé juste à coté de Buckingham Palace. Même si le centre-ville n’est qu’à deux pas, on s’imagine en pleine campagne et les écureuils qui vous mangent dans la main accentuent l’impression.

Le charme de Londres se diffuse également et principalement dans la rue. Car c’est bien le cosmopolitisme qui règne sur les trottoirs de la ville. Londres n’est plus anglaise, mais internationale. On y parle plus de 300 langues. Et la multitude de restaurants aux saveurs les plus exotiques en sont la preuve. Que ce soit dans les quartiers les plus touristiques (comme Covent Garden) ou dans les banlieues populaires (comme Kilburn, où je logeais), on croit voyager en Inde ou en Colombie. On trouve des maisons d’étudiants à chaque coin de rue et les barbecues où l’on parle turc, italien ou allemand font partie du décor. Londres s’affirme dans son rôle de mégalopole multiculturelle. Il suffit de grimper sur le London Eye (la grande roue) pour s’apercevoir que l’architecture moderne emboîte le pas aux réalités sociales de la ville.

On rencontre principalement le charme de la capitale anglaise dans ses contradictions. On retrouve les entassements de maisons basses et les parcs gigantesques en plein centre-ville. A Londres, il n’existe presque pas d’immeubles, tout le monde habite dans sa petite maison en briques rouges. La conséquence en est que Londres est la ville la plus étendue du monde. L’énorme superficie de la ville contraint à diviser la capitale en une pléiade de quartiers bien distincts les uns des autres. On croise ainsi le BCBG à Chelsea, l’aristocrate à Westminster, le « bohème-chic » à South Kensington, le villageois tranquille à Notting Hill, le branché à Soho et la jeunesse délurée à Camden Town. Citez n’importe quel adjectif et il correspondra à un quartier de Londres.

Ce qui nous conduit à un second paradoxe. Effectivement, si les quartiers sont chacun bien particulier la journée, on croise le SDF et l’homme d’affaire coude à coude au bar du pub le soir. C’est cela qui est magique à Londres : peu import votre style vestimentaire et votre catégorie socio professionnelle, la tolérance et le bon esprit est partout (particulièrement dans les pubs, à vrai dire). L’expérience la plus « locale » à faire à Londres est de s’asseoir dans un pub pour regarder un match de football à la télévision (Chelsea-Arsenal de préférence). Le dépaysement et la bonne humeur sont assurés.
Vous l’aurez donc bien compris, ce qui fait la magie de Londres, ce sont ses contradictions et ses excentricités. Il n’y a qu’ici que l’on puisse trouver un magasin entièrement dédié aux gauchers et où l’on doit payer un pound pour photographier un punk ( !). Il y aurait encore beaucoup à dire sur Londres. On pourrait parler de Big Ben, des maisons du Parlement, de Greenwich, des groupes de rock, de quelques 10’000 pubs, etc. Mais ce que l’on retient d’un voyage à Londres, c’est encore une fois l’ambiance chaleureuse, métissée et grouillante de la ville anglaise. N’importe qui y serait immédiatement accepté.
M. K.