Édito

Apprivoiser son stress : devise de l’homme moderne.

Par Zoé Decker

Il y a 50 ans, le mot « stress » commençait à peine à être connu. Maintenant, c’est une réalité que plusieurs considèrent comme un problème “normal“ de la vie moderne. Le stress est le lot quotidien d’une majorité de personnes dans leur travail, mais il atteint également les enfants, les adolescents et les personnes âgées.

Le stress est un état de tension chronique (à la fois physique et psychique) qui provient d’une façon inadéquate de gérer la pression (psychique) pendant une période prolongée. Accélération du rythme cardiaque, indigestion, maux de tête quotidiens, lassitude, anxiété, insomnie ou ulcères d’estomac, voilà autant de manifestations possibles de ce que nous nommons le stress, un phénomène généralement considéré comme négatif. Pourtant, le stress peut aussi être positif puisqu’il s’agit d’une réponse de notre corps pour résister ou s’adapter à une pression. C’est lorsque cet état de tension devient envahissant et qu’il dépasse les capacités de l’organisme à y faire face, qu’il risque de causer des dommages sur la santé.

Il est certain qu’un même événement ne provoque pas une réaction similaire de stress chez tous les individus. Les réponses de chacun dépendront d’un grand nombre de facteurs comme le tempérament, le vécu, l’expérience et la capacité d’adaptation. Cependant, un stress intense, subi de façon prolongée ou répétitive, causera un affaiblissement du système immunitaire et augmentera la vulnérabilité physique et psychologique.
Certains indicateurs de stress sont si familiers qu’ils deviennent difficiles à détecter : tensions musculaires, insomnie ou colères peuvent faire partie de la routine. En revanche, lorsque la situation se détériore, les signes paraissent plus clairs. On parle également de perturbations dans les habitudes de vie telles qu’une plus grande consommation de caféine et d’alcool ou la diminution de l’appétit.

À l’heure actuelle, chacun de nous a pu utiliser le mot «stress» pour définir ce qu’il ressentait à un moment ou un autre de son existence, il est très courant d’appliquer ce terme à toutes sortes de situations de la vie autant publiques que privées.
La définition du stress est souvent liée au concept de performance. Néanmoins, le lien entre ces deux notions n’est pas si évident et ne trouve pas de réel consensus. En effet, pour certains individus, le stress est essentiel à leur performance, il accroît leurs chances de mener à terme ce qu’ils ont entrepris. Selon ces derniers, cet état de tension serait la condition sine qua non de leur réussite socioprofessionnelle. Pour d’autres, le stress enraye leurs capacités et les empêche de mener à bien ce qu’ils ont entrepris.

Au cours de la vie, plusieurs événements peuvent contribuer au stress, l’arrivée de la retraite, les changements liés au rôle social et aux responsabilités familiales et les préoccupations financières… Parfois, même des petits tracas quotidiens comme les embouteillages créent à la longue des tensions importantes et donnent l’impression de perdre le contrôle sur son existence. De ce fait, des quantités de thérapies anti-stress ont vu le jour sur le marché des services de la santé. Le stress devient l’ennemi qu’il faut combattre à tout prix pour pouvoir accéder à une vie meilleure.

Pour améliorer notre bien-être quotidien, il s’avère bénéfique de prendre conscience de notre niveau de stress et d’apprendre à mieux y faire face.
On ne peut plus ignorer le stress ou simplement le tolérer en attendant que la situation devienne moins exigeante.

Eclairage

L’expression de la folie dans la littérature

La folie a de tout temps été un sujet abordé en littérature. Depuis l’Antiquité, puis au fil des siècles, ce thème a en effet été traité de diverses manières.
Sonia Bernauer

L’Institut de langue française de l’Université de Neuchâtel propose ce semestre un cours de littérature intitulé « Ecrire la folie », enseigné par N. Vuillemin.  En effet, le sujet est loin d’être dépourvu d’intérêt puisque dans l’Antiquité déjà, des textes, notamment mythologiques, traitaient de troubles que l’on peut associer à la folie. La folie d’Héraclès qui le pousse à tuer sa femme et ses enfants, de même que celle de Médée, d’Œdipe ou de Pasiphaé, pour ne citer que les plus célèbres, en sont des exemples. On peut remarquer que ces actes « fous » sont la plupart du temps provoqués par une situation extrême dans laquelle le personnage est retranché et qu’un motif particulier le pousse à agir de la sorte.

Selon les époques, la folie est considérée de manières diverses. Dès le XVIIe, on y rattache la notion de danger mais c’est seulement au XVIIIe que celle-ci est considérée comme une maladie. Avant cela, les personnes atteintes de démence étaient en effet traitées de la même manière que les repris de justice et mises en prison. Dès le XIXe s., on accorde des traitements médicaux aux patients présentant des symptômes de démence, les premiers asiles ayant vu le jour. Différents degrés sont distingués à l’intérieur même de la maladie, ce qui permet de prodiguer des soins plus efficaces. D’autre part, il est plus facile d’aborder le thème de la folie d’un point de vue artistique durant ce siècle, car celle-ci est associée à l’idée de génie. Un renversement important se produit donc dans la considération de ce trouble, qui autrefois était une réalité sociale que l’on essayait de masquer.

C’est la raison pour laquelle plusieurs auteurs se sont illustrés dans l’expression de la folie à travers l’écriture à cette époque. Certains étaient véritablement fous, d’autres provoquaient de manière volontaire par la prise de drogues un dérèglement de leurs sens, dans le but d’émettre une analyse de ce qu’ils ressentaient et de faire part de leurs impressions par écrit. Notamment deux auteurs s’illustrent dans ce domaine au XIXe s. Il s’agit de Gérard de Nerval et de Guy de Maupassant.

Gérard de Nerval était lui-même atteint de troubles mentaux. Son état lui aurait permis d’accéder à la source même de la poésie, d’atteindre une dimension nouvelle, un monde invisible qui se détache de la réalité. Cette notion apparaît largement dans son texte « Aurélia », dans lequel il exprime de manière symbolique par une quête orphique, la descente aux Enfers de l’âme, de la folie. Le narrateur est en effet en quête d’une femme perdue, Aurélia, causant le dérèglement de son esprit qui se dédouble. Après un long cheminement, le narrateur retrouvera une forme d’unification de son esprit, ce qui le conduit à un état de guérison sur laquelle s’achève le récit mais qui n’est que relative, puisque Nerval connaîtra d’autres crises de démence par la suite.

Ce récit est particulièrement intéressant du fait qu’il présente habilement les aspects liés à l’écriture du texte « fou », au point de perdre le lecteur. L’hermétisme lié à une expérience non-partagée par ce dernier mais aussi l’abondance de discours qui s’emportent et le manque de repères spatio-temporels en sont représentatifs. Le manque d’indications dans l’alternance des passages dans lesquels le narrateur analyse de manière lucide son état, vit une crise de folie ou a conscience d’en vivre une rend également la lecture assez complexe. Cependant, l’intérêt principal repose justement sur ces expériences fascinantes que vit le narrateur, qui tente de les transmettre à travers de riches images, donnant finalement à la déraison un aspect séduisant regretté quelque peu une fois la guérison atteinte.

Le texte de Maupassant « Le Horla » exprime d’une manière un peu différente le sentiment de folie, bien que l’on retrouve, comme chez Nerval, un discours démantelé et pléthorique dans les moments qui relatent les crises. Le récit se présente sous la forme d’un journal intime dans lequel le narrateur fait part de ses angoisses. En effet, celui-ci ressent la présence d’un être invisible à ses côtés ayant un pouvoir grandissant sur lui et dont il cherche à se libérer. « Le Horla » offre deux niveaux de lectures possibles : un premier degré fantastique qui accepte la présence d’esprits ; un deuxième degré qui se rattache à l’idée que le narrateur est fou et est victime d’hallucinations qu’il tente d’expliquer de manière rationnelle sur la base de visions, d’expériences concrètes et d’une argumentation logique.

Ce type de texte présente une réflexion très enrichissante sur une réalité parfois peu considérée dans notre société et permet au lecteur de comprendre un peu mieux l’état de trouble dans lequel se trouve une personne atteinte de démence, ce qui constitue en soi une expérience fascinante.