Théâtre

Les Aveux

Viviana von Allmen
En proposant Phèdre, de Racine, la Fondation du théâtre français au Théâtre Palace à Bienne a offert un délice aux amateurs de théâtre.
Considérée comme un chef-d’oeuvre du théâtre classique, Phèdre raconte sans aucun doute la plus déchirante histoire d’amour écrite au théâtre. Un amour interdit et impossible entre une femme, Phèdre, et son beau -fils, Hippolyte.

Lorsque la Grèce florissait sous des lois égalitaires, une liberté effrénée mit le trouble dans Trézène.
La mise en scène signée Gino Zampieri est fastueuse.
Elle montre la misère de l’homme, son impuissance, ses lâchetés et ses cruautés, révélant le bouleversement des codes et des destinées.
Dans un palais sans âge du Péloponnèse, un combat féroce entre générations s’accomplit. Nous sommes aux temps mythiques où le divin et l’humain rodent encore dans les parages. Les Dieux, que les personnages ne cessent d’invoquer de leurs puissances, jouent avec les émotions des mortels.
Dans ce spectacle en quatre actes, à la suite de l’annonce de la mort de Thésée, on voit la reine, vêtue en noir, descendre majestueusement des escaliers impériaux. Affaiblie, elle promulgue « Soleil, je te veux voir pour la dernière fois » elle désire mourir. Phèdre se sent coupable des sentiments incestueux qui l’habitent même s’ils n’ont pas été exposés à la clarté du jour. Cependant, elle finit par confesser à Oenone ses sentiments incestueux pour le prince, qui l’incite à se dévoiler. « Je reconnais, ô fidèle nourrice, la sagesse de tes conseils »
Proie des dieux attachés à sa perte, Phèdre peut engendrer la pitié et pourtant elle n’hésite pas à appeler la vengeance de cette même Vénus qui la torture pour forcer le cœur rebelle d’Hippolyte.
Suite à la disparition du roi, Aricie et le jeune prince, se déclarent leurs sentiments d’amour. Toutefois une vérité tragique va frapper Hippolyte.  Phèdre l’affronte et avoue la passion qu’elle éprouve pour lui. L’un et l’autre, en gardant le silence sur leur face-à-face, se feront complices d’un même secret fatal.
Contemporanéité, les Dieux veulent le retour de Thésée, que l’on croyait mort.
Hippolyte est accusé par Phèdre de cet amour incestueux. Malgré ses explications, il ne parvient pas à convaincre son père de son innocence. Thésée, alors, appelle sur sa tête la malédiction de Neptune. Théramène, relate la mort d’ Hippolyte.
A la mort du jeune prince, le remord de Phèdre la conduit à s’empoisonner. Toute vêtue de blanc, elle rentre sur scène et meure pour laver son péché.
La pièce s’achève sur des images sanglantes…
C’est ce que l’on attend d’une tragédie.

Musées

Coup de gueule au musée d’ethno !

On commence à en avoir par-dessus la tête de la manière dont l’ethnologie se présente au grand nombre. Elle ressemble de plus en plus à un gros foutoir ! Cette fois-ci je ne peux retenir mon indignation. Je me suis rendu à l’exposition figures de l’artifice au musée d’ethnographie de Neuchâtel. Je vous livre mes impressions…

Figures de l’artifice, à nouveau un des ces éternels titres accrocheurs ; dont la moitié des gens ne comprendront pas le sens. On a pu le lire partout à Neuchâtel, sur des affiches représentant un bel homme, presque nu, doté d’ailes d’ange, sur un fond rose bonbon. C’est désolant, ça dégouline de guimauve. L’argument esthétique de cette affiche réside dans le fait qu’il suscite l’interrogation du public : « Mais que sont donc que ces figures de l’artifice ? »

Pour comprendre, on se rend alors bêtement au MEN, dans les hauteurs de la ville. On arrive dans une ancienne maison de maître, aménagée en musée et parallèlement en faculté universitaire. Un lieu avec beaucoup de cachet. Puis, on va au bureau d’accueil du musée, on paie son entrée et on pousse une porte à double-battants ; la visite commence…

D’entrée je me suis dit : « Me voilà à nouveau dans une des ces expositions où le visiteur passe pour un imbécile ! ». On traverse des salles toutes plus absurdes les unes que les autres, dans lesquelles sont répartis des objets inhabituels et à priori sans grand rapport : Chucky la poupée tueuse, une reproduction du Minotaure, un morceau de gazon synthétique, des photos d’opérations chirurgicales, des imitations de peaux d’hommes en plastique accrochées sur des cintres, des bandes dessinées imprimées au format « microscopique », etc.

Bref, le MEN a réussi son coup ; le visiteur est paumé, choqué, surpris et perdu. On se sent vraiment idiot et inculte. La mode d’aujourd’hui pousse à se démarquer, à surprendre et à impressionner ; on peut donc concéder au musée d’ethnographie, que pour cette exposition, il s’est parfaitement illustré.

Le vrai reproche qui je lui adresse, c’est la manière laxiste qu’il a de présenter les choses. En effet, il n’y a aucune description, aucune légende ; si ce n’est quelques écritures murales qui nous expliquent grossièrement que l’exposition retrace le périple du mythologique Dédale, en associant des figures choisies tant dans le domaine des pratiques sociales et des recherches scientifiques, que dans celui des récits mythiques et populaires.

J’ai à peine terminé d’écrire le paragraphe précédent que je me représente déjà la scène de mes professeurs d’ethnologie et des conservateurs du musée qui accourent vers moi en scandant : « Cette exposition à pour but de faire l’objet d’une réflexion, c’est pour cette raison qu’elle n’est pas clairement  détaillée ! ».

L’objet d’une réflexion ? Parlons-en ! Cette exposition tient plus, selon moi, d’un simple cabinet de curiosités, dans lequel on déambule tranquillement sans chercher à comprendre. Dans les premières salles, on a parfois l’impression que la sélection des objets exposés, s’est fait aléatoirement, dans un hasard total.

Pourtant, Marc Olivier Gonseth – conservateur du MEN et pour l’occasion auteur de figures de l’artifice – voit comme objet de son exposition, une réflexion sur le rapport que les sociétés du 21ème siècle entretiennent avec les technologies de pointe, susceptibles de modifier la carte et les frontières de l’humain. Cette exposition est censée nous informée et nous sensibiliser sur le mélange du social et du scientifique ; en montrant le comportement humain face aux Dieux, aux animaux et aux machines.

La confusion qui règne dans figures de l’artifice, ne permet pas, selon moi, de saisir la vraie visée de l’exposition. Heureusement l’aspect ludique sauve la mise ; on retiendra notamment la manière dont le concepteur à réussi à créer une salle où l’on peut vivre l’expérience d’une illusion d’optique, autrement qu’en l’observant sur papier. On notera aussi la très bonne idée de fond ; celle du personnage de Dédale qui se ressent tant dans la disposition des salles (à la manière labyrinthe), que dans le l’ambiance générale du musée.

Ce que je reproche concrètement au musée d’ethnographie de Neuchâtel et cela n’engage que moi, c’est d’avoir échoué sa prestation ; l’exposition avait pour but de mettre en rapport la technologie et le comportement humain. Le pari n’est pas gagné.

Notons encore que c’est la personne de Kevin Warwick qui a inspirée l’exposition : un professeur de cybernétique anglais qui s’est fait implanter dans le bras une puce électronique connectée directement à son système nerveux, et permettant ainsi d’actionner par la pensée un membre artificiel. De surcroît, je salue l’initiative qu’avait prise le MEN en l’invitant pour une conférence au mois de mars de cette année.

Au final, ma balance penche tout de même dangereusement du côté négatif pour figures de l’artifice. Allez y faire un tour, faites-vous une idée par vous-même, de préférence avant la fin de l’exposition qui s’achèvera le dernier jour de 2007.
Tristan  Barrabas