Édito

Longue vie pour l’interdiction de fumer

Viviana von Allmen
Un peu partout dans le monde, les autorités ont imposé la prohibition de fumer dans les lieux publics. Certains sont allés plus loin question de ne pas fumer dans les logements d’habitation, voir des compagnies qui interdisent la consommation du tabac à leurs employés. En principe la mesure de l’interdiction est bonne mais, qu’en est-il du droit des fumeurs de se foutre la vie en l’air ?  Quel est le but de cette démarche ? Serait-elle éthiquement correcte ? Et quelles seront les conséquences ?
Les restaurants, les bars les EMS (établissements médico-social) les hôpitaux ne sont de loin pas les premiers à interdire la fumée dans leurs murs, y compris en Suisse. L’applicabilité pratique de la mesure est donc démontrée par l’acte. Une certaine controverse existe par contre quant à la possibilité de remplacer l’interdiction complète de fumer par une interdiction ne frappant que la plupart des espaces d’un bâtiment, certains espaces ventilés étant réservés comme espaces fumeurs.
C’est la solution adoptée dans certains lieux publics clos, tels les aéroports, les restaurants ou certains autres systèmes sanitaires. Le Portugal, par exemple, a complètement interdit le tabac dans les hôpitaux, entre autres. La Hollande, par contre, permet des lieux réservés aux fumeurs dans certains types d’établissements publics. Pour sa part en Italie, le législateur oblige les restaurateurs et les patrons de bar à dénoncer à la police les clients qui refusent d’éteindre leur cigarette. On pourrait dire que dans la péninsule la loi appelle à la délation.
A noter que les directives américaines pour l’interdiction de fumer dans les hôpitaux prévoient que des exceptions seraient possibles. Mais la plupart de ceux-ci ne font pas usage de cette possibilité. Admettons que le tabagisme direct soit nocif pour la santé, et qu’il réduise l’espérance de vie de beaucoup de fumeurs. Admettons que le fait qu’une personne fume soit une décision personnelle qui relève de son autonomie et que celle-ci est du ressort de la sphère de sa vie intime et donc respectable. En imposant l’interdiction totale de fumer dans les lieux publics, on obliger les fumeurs à sortir dans la rue (par n’importe quel type de temps) pour fumer leur clope, les exposant à un grand risque de  tomber malade voir de mourir. Avant d’interdire, le législateur aurait du prévoir une solution pour cette population déjà fragilisée !
La justification de l’interdit de fumer en tant que mesure de protection est basée sur l’un des devoirs fondamentaux des états qui est la prévention des maladies.
Ce devoir est issu d’un souci de bienfaisance vis-à-vis de personnes vulnérables. Y a t-il une contradiction ou un choix délibéré de qui a le droit de vivre ?
Concernant cet aspect de l’interdiction de fumer, une certaine tension existe car la mesure d’interdiction n’est pas dénuée de risques pour les fumeurs. Outre l’investissement qui leur est demandé en terme d’effort, on les contraint à une certaine a-socialisation.
A propos : si mon équation est juste – moins on fume plus on vi… et l’AVS auras son mot à dire !

France

Piratage : couper le robinet aux criminels ?

La France d’Internet est la scène d’une véritable révolte envers le tout nouveau projet de loi Hadopi, ou loi «Création et Internet». Mais qu’est-ce que cette loi et pourquoi a-t-elle été si décriée ? Doit-on s’attendre à son équivalent hélvétique ? Un rapide survol est nécessaire pour saisir ses enjeux.

La loi Création et Internet prévoit de mettre en place une Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur l’Internet, d’où l’acronyme «Hadopi». Nous sommes donc ici dans le domaine de la communication sur Internet, et plus spécifiquement dans le partage de données et d’œuvres, partage souvent jugé illégal. L’idée est d’instaurer un système de répression massive sans passer par la justice. Ainsi, une fois repéré en train de télécharger illégalement une oeuvre, l’internaute est averti. Premièrement par courrier électronique, puis par lettre recommandée. S’il persiste, sa connexion à Internet est coupée automatiquement, tout simplement et ce pour une durée pouvant aller jusqu’à un an.
Dans la méthode, les fournisseurs d’accès à Internet identifient les trafics illégaux et dénoncent les responsables à une autorité administrative qui ne dépend pas de la justice. L’identification est effectuée par l’adresse IP de l’utilisateur, numéro propre à chaque ordinateur connecté à Internet, qui permet ensuite d’accéder aux données personnelles. C’est justement à ce moment que survient le premier problème. Cet accès est contraire à la protection de la personnalité, du fait que seule une autorité judiciaire en a le pouvoir. Autre hic, dans ce processus, le «coupable» n’a à aucun moment l’occasion de se défendre et la coupure de sa connexion est faite avant même qu’il soit jugé. Ce sont deux droits fondamentaux (droit à la défense et présomption d’innoncence) qui sont violés. Jusqu’ici, en France, seule la police anti-terroriste jouit de telles prérogatives.
A cela vient s’ajouter le fait que les vrais pirates ne seront pas réellement inquiétés. En effet, il leur serait aisé d’utiliser un réseau public ou de s’infiltrer sur un réseau sans-fil privé. Pire, un bon moteur de recherche et quelques clics suffisent à trouver des logiciels permettant de changer d’adresse IP. Cerise sur le gâteau, ce projet nécessiterait un investissement de l’ordre de 70 millions d’euros pour voir le jour.

Il doit quand même exister des raisons pour que le ministère de la Culture français propose une telle loi. Il y en a, en effet, dont la volonté de contrer la chute de l’industrie du divertissement. La cause de cet effondrement ? Le Web 2.0, ou Internet participatif.
En d’autres mots, la révolution a commencé lorsque le consommateur est devenu acteur. En partageant ses photos, ses vidéos, sa musique ainsi que ses opinions, c’est un nouveau système de communication qui est né. Le lecteur est passé commentateur, voire auteur ; les morceaux que l’on jouait dans son garage se sont retrouvés sur une plate-forme d’échange de musique. Cette interactivité extrême coûte cher à l’industrie du disque comme à d’autres, telles que le cinéma et la presse écrite. Artistes, producteurs et auteurs ne voient pas tous du même œil la libéralisation de leurs œuvres sur le Web. En effet, si certains en profitent pour se faire connaître, d’autres voient beaucoup d’argent partir en fumée, ou plutôt en octets.
Les téléchargements illégaux de musique et de films sont les premiers visés par la loi Hadopi. Des systèmes de répression comme celui que propose la France sont déjà en fonction aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, à cela près que les pirates s’acquittent d’une compensation financière mais conservent leur accès à Internet. Ce point de la version française aurait pour but principal de faire cesser les comportements de piratage occasionnel. De plus, une fois privé d’accès à Internet, le pirate conserverait toutefois son accès aux services de messagerie. Chose dont on peine à voir la concrétisation dans un pays où le téléphone et la télévision numérique sont le plus souvent inclus dans l’abonnement Internet.

Est-ce que la Suisse a intérêt à s’inspirer de son hexagonal voisin ? Le temps nous le dira. Le projet sera voté le 9 avril par les députés français, puis sera soumise au Sénat. A l’heure actuelle, même si l’on rélféchit sérieusement à ce type de répression, la législation suisse se concentre surtout sur les personnes qui mettent à disposition des œuvres numériques, sur la base de la loi sur le droit d’auteur. En effet, la procédure actuelle est longue et coûteuse, et l’on juge plus pertinent de traquer le «gros gibier», à savoir les sites et les plate-formes qui publient des liens donnant accès à des films, principalement, et à de la musique. Ainsi, les particuliers, «pirates occasionnels» qui profitent sans partager réellement, ne sont vraisemblablement pas inquiétés. Pour l’instant.
T.Z.