Bolivie

Poussière de pensées

Quelques traces des alentours de Sucre en Bolivie. Quelques extraits de vie comme pour tenter d’emmener le lecteur à l’autre bout du monde.  Quelques mots pour décrire le paysage sec de l’hiver bolivien. Sans conteste, les premiers pas d’un choc culturel de la plus grande importance qui s’écoule dans l’anonymat le plus complet. Le récit de quelques coups de pédales qui s’activent dans l’immense peinture andine.

Autre jour, autre vie, comme un renouveau qui s’annonce sans prévenir. À l’aube, quand les oiseaux conversent, quand les gens découvrent une nouvelle journée. Le patio de la maison est vide. Les murs jaunes  accueillent le jour dans un éclat de lumière.  Seule, au milieu, la table de fer noir parle déjà de tant de livres. Au dehors, la route s’active. Là où se dépêchent tant de mouvements, sans raisons, mécaniquement.

Un moment de découverte qui s’annonce puis sans hésiter, le couvercle du soleil qui se découvre complètement, là-bas, derrière cette vitre salie par l’hiver si sec. Sans paroles, l’envie de sauter hors de l’ombre au milieu d’un patio, sur cette table de fer, deux bancs et deux chaises, les premiers rayons boliviens chauffent les pierres de la cour encore endormies de la nuit.

Quelques pas curieux, le froid andin, le souvenir d’un cratère visité le weekend passé, l’abondance de vie qui souhaite envahir l’ensemble de la cité blanche. Sucre se réveille au rythme des battements d’ailes d’un colibri encore endolori par l’obscurité, rapidement, furtivement. Déjà les murs blancs de la “Ciudad Blanca” reflète de toute leur splendeur les rayons tellement agréables. Et déjà les premiers micros, petit bus typique de la ville, parfois bien usés, descendent la rue à toute vitesse. De nombreux écoliers en uniforme qui se réjouissent d’aller en classe pour ensuite pouvoir étudier à l’université. Ce rêve que beaucoup de parents souhaitent pour leurs enfants ici, cet objectif d’ascension sociale par l’intellect qui côtoie les rêves de devenir Messi.

Tout ceci se mélange dans cette matinée où je me souviens des alentours de la ville et de différentes excursions. Le bitume parfois cabossé par l’âge accueille dès lors mes pas rêveurs. Je me rappelle alors, passant à côté de l’une des nombreuses églises de la ville, de ces regards d’enfants à la fois curieux de voir un groupe de “gringos” venir se promener “en el campo”, dans la campagne, à bicyclette; mais aussi ces yeux dans lesquels je lis encore une mélancolie qui rappelle que la Bolivie est aussi le pays le plus pauvre d’Amérique latine.

Je m’enfuis dans ce souvenir au travers d’un nuage dans l’azur bleu. Je pédale alors avec une impression étrange. D’une part, l’envie de découvrir le lieu-dit des “Siete Cascadas” où s’abreuvent, selon les dires de mon frère d’accueil, les amoureux en quête de tranquillité, tout comme les amateurs de nature. Les maisons en briques rouges défilent mais se font de plus en plus rares. Ces constructions pauvres et sommaires peuplent la périphérie de Sucre dans un désordre qui ne cesse de s’accroître avec les années.

D’autre part, une désagréable sensation d’être le touriste qui au final retrouvera son confort dans un des pays les plus riches au monde et ne pouvant rien faire d’autre que de voir ces terres parfois désolées. Je ressens dès lors un certain malaise lorsqu’une “campesina” tente de rassembler ses chèvres à la force d’un fouet au milieu de nul part. Elle se trouve au sommet d’un rocher surplombant un paysage où l’aridité et la sècheresse s’imposent à l’œil comme une évidence de survie difficile. Peut-être est-t-elle tout à fait heureuse? Je l’ignore. Mais son corps est marqué par des années de lutte contre les éléments et l’espérance de récoltes riches.

Je pédale toujours alors que défile autour de moi l’immensité des Andes,  enfin une minime partie, mais déjà l’infini. Les terres sont sèches. L’hiver assèche le paysage. Malgré que je reste  partagé entre deux sentiments qui s’opposent , j’essaie de profiter pleinement de l’instant tout en encaissant le choc des cultures. Le guide nous indique alors l’objectif de la journée. Un coin de nature où brille, dans la chaleur assommante du milieu de journée, un filet d’eau coulant sur un rocher. “Las Siete Cascadas”, un lieu calme, où arrive parfois quelques locaux pour se baigner et s’amuser dans une eau “muy fría”, très froide. Un oasis où le temps s’arrête.

Un repos bien mérité s’impose ici dès lors tout naturellement. Juste le temps de reprendre ses esprits. Même si les pensées me démangent. Elles sont toujours tellement partagées. Je profite naturellement de cette pause auprès de l’eau. Cependant, ma tête est ailleurs, elle voit également la route parcourue. Elle voit aussi ce terrain de foot au sol de poussière et cette maison où un petit champ de patates semble le seul grenier à manger. Mais aussi cette école comme abandonnée dans un trou de verdure. Ou encore, cet enfant marchant seul sur une route infinie vers je ne sais quelle destination.

L’immensité côtoie donc ici la pauvreté, la richesse humaine rime là avec un petit lopin de terre. L’éclatante blancheur du centre-ville de Sucre contraste avec la rougeur des briques qui pullulent sur toutes les collines alentours. Le tout forme un paradoxe qui questionne intensivement mes pensées. Le bruit de “Las Siete Cascadas” n’est plus qu’une rumeur lointaine qui s’égoutte gentiment  dans ma tête comme un souvenir  en formation. Mes jambes pédalent alors que nous entamons une montée de une heure et le reste n’est plus que le vent soulevant la poussière. Un rafraîchissement sous les rayons brûlants.

A.W.

cuidad blanca = la cité blanche

el campo = le domaine

siete cascadas = sept cascades

campesina = paysanne

Actualité

Ile Maurice – Quand le paradis occulte la crise

 

L’Île Maurice est une petite merveille perdue dans l’océan indien, non loin de Madagascar. Connue pour ces plages magnifiques, ces décors somptueux et ses airs de paradis, la petite île connaît malgré tout une crise qui affecte beaucoup la vie des autochtones.

En effet, alors que la crise économique perd de sa vigueur en Europe et qu’elle est restée relativement clémente en Suisse, les effets continuent à se faire sentir au milieu de l’océan indien. Alors que jusqu’à présent tout se passait relativement bien, de plus en plus d’hôtels se voient dans l’obligation de fermer leurs portes durant la saison creuse. Ceci ne va pas sans conséquences pour les mauriciens qui voient leurs conditions de vie baisser.

Le problème est que la grande majorité du système économique de l’île repose sur le tourisme. Maurice regorge d’endroits magnifiques et d’activités toujours plus nombreuses permettant aux touristes de satisfaire toutes leurs fantaisies : plongée sous-marine, quad, visites culturelles ou encore «marche avec les lions» sont autant d’activités proposées. Malheureusement, il est difficile de faire marcher ces activités touristiques sans touristes.

En effet, même si la vie sur place n’est pas spécialement cher pour ces derniers, la baisse de fréquentation des européens a eu un impact non négligeable sur tout le système hôtelier. Perte, en partie compensée par l’augmentation du nombre de touristes asiatiques.

Bien évidemment, il serait tout à fait faux de dire que l’île n’attire plus les vacanciers, mais on note tout de même une baisse de fréquentation des hôtels. De plus, ceux qui ont tout de même fait le déplacement font peut-être un peu moins d’activités qu’avant. Une sorte de crise économique à retardement qui, sur le long terme, pourrait avoir des conséquences sur l’image de l’île, impliquant une nouvelle baisse de fréquentation.

Parallèlement à tout ceci, le coût de la vie augmente petit à petit, alors que les gens gagnent de moins en moins. Une situation qui, si elle ne change pas, mènera inéluctablement à une tension insoutenable, laissant craindre une explosion de la misère et sans doute de la violence.

Bien heureusement, ces considérations ne sont pour l’instant que de mauvais présages, qui devraient très vite s’avérer faux si la situation économique de l’Europe s’améliore et si l’économie mauricienne continue de se développer dans d’autres domaines, comme le textile et la canne à sucre. Effectivement, malgré ces problèmes passagers, Maurice continue d’avoir une des économie les plus forte de l’Afrique sub-saharienne. Une réalité qui on l’espère, durera et donnera encore envie aux touristes de venir admirer les magnifiques plages de sable blanc à l’eau incomparablement turquoise.

AST