Val-de-Travers ou la réussite d’une fusion

Il y a plus de trois ans, les habitants de neufs communes du district du Val-de-Travers acceptaient un projet de fusion. La nouvelle commune de Val-de-Travers était née. Retour sur le parcours d’une commune unique, en compagnie  de son premier président, M.Yves Fatton.
Interview par Muriel Chiffeler

La commune de Val-de-Travers : une fusion réussieLorsque l’on regarde dans le passé du Val-de-Travers, on remarque une identité communautaire déjà très présente. Une vie en communauté
qui ne va cesser de se développer au fil des siècles, sans pour autant mener à la fusion des onze communes du district. Ce n’est que vers la fin des années 1990 que débute un long processus de fusion. La population sera finalement  amenée à se prononcer en votation populaire le 17 juin 2007. Neuf des onze communes accepteront le projet, mais du fait du refus de deux communes(Les Verrières et la Côte-aux-Fées), elles devront se prononcer une nouvelle fois. Le 24 février 2008, les communes de Noiraigue, Travers, Couvet, Boveresse, Môtiers, Fleurier, Buttes, Saint-Sulpice et les Bayards approuvent le projet, la fusion peut commencer.Afin d’en savoir plus sur ce projet, nous sommes allés à la rencontre de M. Yves Fatton, premier président de la nouvelle commune et actuel responsable des Travaux Public et Bâtiments au sein de cette même commune.

M. Fatton, quel était le besoin de la création de la commune de Val-de-Travers ?
M.F.: Je crois qu’il y avait d’abord une
volonté politique de l’ensemble des communes d’augmenter un peu son poids politique au niveau de la région, vis-à-vis du canton, vis-à-vis des instances politiques cantonales et puis de prendre un petit peu de hauteur pour nous permettre d’avoir une vision beaucoup plus générale des besoins de notre nouvelle commune, de notre région. L’idée, c’était vraiment d’avoir les  onze communes au départ, malheureusement ça n’a pas pu se faire, deux communes n’ayant pas accepté le projet (ndlr. Les Verrières et la Côte-aux-Fées). Je crois également que nous nous sommes tous rendus compte du fait que nous arrivions au bout de nos capacités dans nos petites communes, nous arrivions au bout de ce qu’il était possible de faire et qu’il fallait absolument que nous trouvions une solution commune pour pouvoir continuer de vivre normalement. Les budgets diminuaient, nous arrivions au bout de nos fortunes, il fallait trouver une solution ensemble. Unis nous sommes plus forts, ainsi que plus écoutés et normalement plus intelligents (rire) ! Nous avons une meilleure vision des économies d’échelle, ainsi qu’une structure à la dimension de notre nouvelle commune. C’est un processus qui a duré de nombreuses années, et je crois qu’il était inéluctable.

Avez-vous eu des difficultés particulières durant ce processus de fusion ?
M.F.: Cela n’a pas été un
long fleuve tranquille. Bien sûr, il y avait  les sensibilités de chaque
village, les gens disaient « en cas de fusion on va perdre ceci, on va perdre cela ». Ils avaient également peur que les deux grandes communes (ndlr Fleurier et Couvet) bénéficient de tout, qu’elles soient représentées en majorité au niveau politique, ce qui n’a pas été le cas étant donné que trois des conseillers communaux nommés, dont je faisais partie, venaient de petites communes (Môtiers, Boveresse et Buttes). La  répartition s’est donc fait plutôt naturellement. Il y a un siège garanti par commune jusqu’en 2016, ce qui constitue une certaine garantie donnée aux concitoyens. Et puis, bien évidemment, il y a eu la première votation qui a échoué parce que Les Verrières et la Côte-aux-Fées n’ont pas été favorables à cette adhésion, mais il n’empêche
que nous avons repris le processus et avons proposé une nouvelle votation à neuf communes.

Vous parlez des identités des communes, cela  a-t-il été facile de les mettre en commun ?
M.F.: Ah non, cela
était difficile bien sûr. Les gens avaient la crainte de perdre leur identité. Et puis je crois qu’avec le temps, avec la mise en place de cette nouvelle commune, personne n’a perdu son identité. Moi j’habite au Val-de-Travers, dans le Vallon, qui fait partie du canton de Neuchâtel, et je suis domicilié à Buttes. Je crois que ça  c’est quelque chose qui reste. Il y a une sensibilité communale qui reste, au niveau des sociétés, au niveau des gens, ils sont fiers d’habiter dans leurs villages et ils sont tout aussi fiers de faire partie d’une commune unie où on essaye de tous tirer à la même corde. Il y encore énormément de travail sur la planche. Le processus que nous sommes en train de mettre en place, c’est pour les trente ou cinquante prochaines années. Il y a eu une restructuration forte dans le cadre de cette mise en place. Nous étions par exemple tenus par  la convention de fusion de l’époque de s’engager à respecter le taux d’impôt. Nous avons essayé de faire au mieux pour que l’ensemble des obligations qu’a un exécutif dans une commune fonctionne.

Pensez-vous que la nouvelle commune a  clairement un poids plus important en politique ?
M.F.: Nous avons un peu
plus de poids au niveau politique. Nous sommes fréquemment en contact avec le Conseil d’Etat avec lequel nous avons des rencontres deux fois par année. Ce que
nous n’avions pas avant avec nos petites communes. Quand un exécutif de  600 habitants demande audience au Conseil d’Etat, il n’est quasiment jamais reçu. Tandis que maintenant, il y a clairement un lien qui est fait. Nous sommes considérés comme une ville avec plus de 10’800 habitants, même si c’est quand même une ville qui est relativement étendue et pas homogène ou urbaine comme on peut l’entendre avec Neuchâtel, la Chaux-de-Fonds ou même le Locle. Pourtant, nous avons consolidé nos relations avec ces trois autres villes et nous nous rencontrons pour discuter des différents  objets qui peuvent nous relier. Je crois que cela est important. Nous sommes souvent interpelés par le conseil d’Etat lors de prises de décisions. Avant, nous étions plutôt mis devant le pied du mur. Maintenant, nous avons quand même un meilleur partenariat, nous sommes écoutés, parce que nous essayons de montrer que nous avons une vision globale pour cette nouvelle commune, et que nous travaillons dans l’intérêt général de notre commune, mais aussi du canton. Nous essayons d’être plus efficients dans la politique générale de notre commune, afin de permettre  de la pérenniser.

Y a-t-il des avantages dans cette nouvelle commune et quels sont-ils ?
M.F.: Alors oui, il y a énormément
d’avantages dans ce processus. Nous avons tout d’abord diminué pour l’ensemble des neuf communes le taux d’imposition, qui est passé de 86 à 72 points dans l’ensemble de ces communes. Cela vaut aussi la peine de faire des économies d’échelle dans le cadre des assurances. Avant, chaque commune avait une vision de son portefeuille d’assurance et il n’y avait pas une vision globale. Dorénavant,  avec la quantité d’objets que nous avons à disposition, nous arrivons aussi à avoir des avantages et des contrats plus favorables. C’est la même chose pour les prêts et emprunts de la commune, eux aussi mis en communs. Le fait de regrouper, d’avoir une vision plus globale des choses permet ce genre d’économies. Nous avons également une vision globale au niveau de l’eau. C’est vraiment cette prise de hauteur qui nous permet de voir l’ensemble des différents processus que nous avions dans les anciennes communes et puis d’ avoir une seule ou quelques personnes qui ont cette vision-là, donc un législatif et un exécutif. Le fait de regrouper les collaborateurs(voirie, conciergerie) sur un ou deux sites a permis d’avoir des énergies nouvelles  et des économies d’échelle.

Avez-vous l’impression qu’il reste des défis à relever ?
M.F.: Oui, il y a encore énormément de
défis, que ce soit dans l’urbanisation, dans le développement économique, touristique, dans l’amélioration énergétique de nos bâtiments ainsi que du réseau routier de notre commune. Le défi le plus important c’est vraiment de pouvoir arriver à s’autofinancer, et plus forcément dépendre de la péréquation verticale et transversale qui nous vient du canton, l’idée étant de devenir de plus en plus autonome par rapport à cela. Mais cela ne va pas se faire en une année ou deux.  Il faut redimensionner, restructurer, adapter en fonction de nos besoins, être humbles et intelligents dans le développement de notre commune et de notre région.

Que pensez-vous de la vie participative des citoyens de la commune ?
M.F.: Je crois qu’au niveau des
sociétés, au niveau des gens, nous avons un tissu de personnes formidables, malgré les quelques craintes liées à la fusion. Il y a d’ailleurs encore des craintes par rapport à l’avenir de certaines sociétés ou la façon dont tout cela  va être géré dans les années à venir. Je crois que les gens sont participatifs. De plus en plus ils se rendent compte que nous vivons dans une belle région, que nous devons continuer à la développer. Nos sociétés sportives
et amicales sont importantes et apportent un plus énorme à notre région, car elles offrent des activités qui permettent de développer une vie sociale dans notre nouvelle commune.

Quelle est l’évolution financière de la nouvelle commune par rapport à l’ensemble des neuf anciennes communes?
M.F.: Nous avons essayé de stabiliser la
situation financière. Le premier budget 2009 était la compilation des anciens budgets des neufs communes. Pour les comptes 2010, nous avons de bons espoirs qu’ils soient également favorables, comme l’étaient les comptes de 2009. Une
restructuration importante a été faite, ainsi qu’une réflexion concernant la manière de gérer le domaine financier. Les effectifs de personnel ont diminué, sous l’effet d’une restructuration des domaines  administratif, technique et de l’enseignement. Au niveau des budgets et des comptes, nous essayons chaque année de restructurer, diminuer, adapter, tout en étant économes. L’amélioration s’en ressent chaque année, même si on ne pourra  pas continuer à restructurer encore de nombreuses années. Il faut que nous trouvions un bon équilibre qui permet de mener des prestations correctes pour la population, ce qui a été promis, tout en ayant un taux d’imposition qui soit raisonnable. Il ne faut pas oublier que dans notre région, si nous avons un taux d’imposition raisonnable, cela nous amène aussi de nouveaux contribuables dans la commune. De plus, le Val-de-Travers est un peu la  région verte du canton de Neuchâtel, ce qui est non négligeable.

Vous avez occupé la fonction de président au sein de cette commune, quel souvenir en gardez-vous ?
M.F.: Ah un
excellent souvenir (rire) ! Moi j’ai débarqué comme président suite à mon élection au conseil communal. Et c’est avec plaisir que j’ai pris ce poste de président la première année. Je ne vous cache pas que c’était quelque chose de prenant, parce qu’il a fallu se mettre dans lemanteau du personnage et qu’on n’y arrive pas toujours. Il y a beaucoup de demandes, on est sollicité, que ce soit le soir, le week-end. Au niveau du conseil général, nous nous rendions compte qu’avec l’avènement de cette nouvelle commune, certaines  sociétés du canton venaient voir  un peu ce qui se passait dans notre région. C’était toujours un plaisir  pour nous de les recevoir. Tout cela a été pour moi une magnifique expérience et demeure un plus dans la fonction de conseiller communal.
M.Ch

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