Marc-Antoine Grognuz
Voilà plus de vingt ans qu’il a tissé sa toile le réseau mondial informatique mondial. Le World Wide Web, à savoir l’application d’internet telle qu’on la connaît en navigant sur le réseau grâce à nos navigateurs, a connu une démocratisation récente. En effet, l’humanité a connu deux révolutions majeures dans la diffusion des savoirs et la transmission des informations. La première, nous la devons à Johannes Gensfleisch, plus connu sous le nom de Gutenberg. Son imprimerie aux caractères mobiles en plomb a rendu le livre accessible à tous. Il fallut tout de même quelques siècles pour trouver des livres dans toutes les chaumières. La révolution numérique, elle, a connu un essor fulgurant aboutissant à cette révolution des usages. Perspectives et développements de nos réseaux.
Difficile d’imaginer nos vies sans internet. Depuis l’avènement du web 2.0, le web est passé du statut de gigantesque base de données à une véritable plateforme d’échange et de communication, révolutionnant les usages et les pratiques. Que l’on soit étudiant, que l’on travaille dans l’administration ou dans la recherche, il est impossible de se passer des courriels, des agendas partagés pour organiser la prochaine réunion et des possibilités phénoménales de diffusions offertes par cet outil. Plus fort encore, internet colonise aussi nos vies privées, modifiant radicalement la manière dont s’expriment nos relations sociales. Les personnes faisant de la résistance aux réseaux sociaux vous le diront: il faut s’accrocher pour être tenu au courant d’événements organisés par des amis qui passeront évidemment par la toile.
Cette place tentaculaire que prend internet dans nos vies ne semble qu’un début. En effet, le web est arrivé sur de monstrueuses machines informatiques. Il a ensuite fait son nid dans les ordinateurs portables devenant sans cesse plus performants. Maintenant, on commence à le trouver dans la poche de tout un chacun au travers de son téléphone. Alors qu’internet n’était qu’un champ particulier, il s’inscrit dans une dynamique d’intégration à tous les autres champs de la vie humaine. Pour preuve, les technologies dites de «réalité augmentée» voient des développements massifs depuis ces dernières années. Elles ont le projet ambitieux d’ajouter une couche de données issue du web à notre quotidien dans une interaction entre le réel et le virtuel. Des projets divers apparaissent avec des buts et des portées bien différentes. Un réalisateur genevois est en train de concevoir une application pour téléphones intelligents qui pourrait plonger le promeneur, au gré de sa balade, dans des événements ayant ponctués la vie d’un certain quartier Genève. Les applications dans les domaines de la géolocalisation ou du marketing semblent prometteuses.
L’évolution de nos technologies entrant en interaction avec le web est en marche. Les prochains défis de nos réseaux se trouveront donc dans la dématérialisation de nos supports de stockage. On parle ici du «Cloud». Sous cette métaphore du nuage se cache probablement une transition majeure dans la manière de gérer nos données informatiques, qu’elles soient sous forme de documents, de musique ou de liste de contacts par exemple. Alors que les points d’accès à internet ne cessent de se multiplier, le problème principal réside en un point: comment puis-je avoir mes documents importants toujours avec moi sans être dépendant d’un ordinateur en particulier? L’idée est simple: stocker nos données sur internet directement. On sent l’intérêt de l’industrie des hautes technologies pour ce secteur au vu des chantiers pharaoniques pour construire des fermes de serveurs pouvant contenir toutes ces données et supporter un trafic massif. Que cela soit Google, Microsoft ou encore Apple, tous ont bâti récemment des infrastructures dépassant l’entendement. On parle de 65 000 mètres carrés pour le géant de Redmond, Microsoft, qui a construit deux édifices du genre cet été.
Derrière ces nouvelles technologies qui vont alimenter la perpétuelle révolution des usages, certains utilisateurs avertis commencent tout de même à se poser quelques questions. La masse d’informations que peuvent détenir les grands acteurs de l’informatique ne cesse de croître. Aujourd’hui, nos données personnelles récoltées au travers de nos investigations sur le moteur de recherche Google ou offertes gracieusement par l’utilisateur de Facebook servent essentiellement à proposer des services gratuits et de la publicité ciblée aux internautes. Vous venez de changer votre statut Facebook pour informer que vous êtes célibataire? Vous n’attendrez pas longtemps avant de voir des encarts faisant la promotion de Meetic, l’emblématique réseau de rencontres entre célibataires. Aujourd’hui, vous trouverez peut-être «l’âme sœur» grâce à cela. Mais demain? Sans tomber dans des thèses conspirationnistes ou prédire l’arrivée de «1984» de George Orwell, nous n’avons aucune garantie quant aux utilisations futures de nos données personnelles. C’est peut-être là l’enjeu futur d’internet, mais cette fois un enjeu plus politique. Comment adapter nos législations qui semblent avoir du mal à saisir le train en marche de la révolution numérique aux défis de la protection des données ? Par ailleurs, on voit poindre ça et là des projets pour réguler les usages d’internet. Ne serait-ce que l’incarnation de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), organisme étatique français souhaitant défendre les droits d’auteurs sur le web. Outre cette noble mission, on constate donc un premier pas intrusif d’un état européen sur le net. La double contrainte est donc de pouvoir préserver la neutralité d’internet d’un côté et protéger les données des utilisateurs de l’autre. Mission compliquée certes, mais pas impossible… du moment que les politiciens du monde entier cesseront de trembler devant les révélations de Wikileaks.