Une paix mondiale ?

J’ai, dans l’article précédent (Armes nucléaires : non à la sécurité par la menace !), parlé d’armes nucléaires, car c’était le thème principal de la conférence mondiale contre les bombes atomiques et à hydrogène auxquelles j’ai participé lors de mon voyage au Japon. La question du désarmement nucléaire ne constitue pourtant qu’un enjeu parmi d’autres dans le processus menant à une paix mondiale.

Cet enjeu est néanmoins important et peut être pris comme point de départ par toute personne qui souhaite s’engager pour la paix, car je considère que si l’on pouvait pousser les différents gouvernements à entamer des négociations sur le thème du désarmement nucléaire, alors un pas important serait franchi dans la direction d’une meilleure entente entre les états. Une fois la communication et les bases pour une sécurité non nucléaire établies, il leur serait plus facile de poursuivre les discussions sur d’autres thèmes tout aussi importants.
Pourtant, il existe d’autres enjeux ainsi que différents niveaux d’engagements. Il est évident que nous avons tous nos priorités et que nous ne sommes pas forcément prêts à nous investir à plein temps pour la paix. Nous avons cependant tous la possibilité d’agir en sa faveur. Même si certaines contributions peuvent au premier abord paraître faibles, elles n’en sont pas moins d’une importance primordiale pour permettre aux plus grands changements d’avoir lieu. Je vais donc à présent donner quelques idées qui concernent la manière dont chacun de nous, en fonction du temps dont il dispose et de sa motivation, peut agir pour la paix en général.

CULTIVER LA PAIX AU QUOTIDIEN
Le premier conseil que je donnerai et qui est à la portée du plus occupé comme du moins actif est de réfléchir au quotidien à son comportement. Le monde est formé d’individus, et chacun de ces individus le modifie par ses actes, même si c’est de manière si infime que la plupart du temps, les autres ne s’en rendent pas compte. Pourtant, si chacun de nous nous donnons la peine à chaque instant de régler nos conflits de la manière la plus pacifique possible, de contrôler notre mauvaise humeur et de nous habituer à prendre du recul sur ce que nous vivons, alors nous contribuons déjà un peu à rendre le monde meilleur. Si en plus de cela nous savons faire preuve d’ouverture, de sympathie et de tolérance envers notre entourage, alors peut-être encouragerons-nous d’autres personnes à suivre notre exemple. La paix est une valeur qui se cultive au quotidien, et c’est du moment qu’une quantité suffisamment grande de personnes en sera convaincue qu’elle pourra se répandre à l’ensemble de la planète.
S’INFORMER
Mon deuxième conseil s’adresse aux personnes disposant d’un peu plus de temps et de motivation et consiste à s’informer autant que possible sur l’actualité au moyen de sources fiables et variées. Les différents partis politiques utilisent souvent l’ignorance du peuple et la désinformation pour faire passer des lois dangereuses, poursuivre des buts qui violent les intérêts du peuple, ou se lancer dans des conflits armés. Il est donc très important de pouvoir se forger son propre avis. On pourrait imaginer qu’en Suisse, nous disposons de médias de qualités. Pourtant une étude récente de la fondation « Öffentlichkeit und Gesellschaft », réalisée par l’institut de recherche fög de l’université de Zürich, a dressé un bilan plutôt négatif de la qualité de la presse suisse en 2010. Ainsi, la montée en force des médias gratuits mettrait de côté le journalisme d’investigation pour donner une plus grande place au sensationnalisme, à l’humain et au sport, que ce soit dans la presse, à la radio, à la télévision ou sur le net. Dans le cas de l’initiative sur les minarets par exemple, toujours selon cette étude, les médias auraient participé à mettre en avant l’image d’un Islam militant et auraient accordé une place plus importante aux arguments et à la propagande publicitaire des partis en faveur de l’interdiction qu’aux autres. Ainsi, ils auraient entre autre fortement participé à faire du débat non plus une simple affaire politique, mais une véritable bataille entre les partisans de l’interdiction et la minorité musulmane suisse 1*. Dans ce cas-là, ce sont des intérêts économiques qui ont poussé les médias vers le sensationnalisme, ce qui a pu influencer les résultats des votations. Si on prend le cas de l’atoll de Bikini dont j’ai parlé dans l’article précédent, ou par exemple celui de l’exportation d’armes par la Suisse, le problème vient justement du fait que la plupart des sources d’information mises à notre disposition n’en parlent pas, que ce soit à cause d’un effet de censure ou d’un désintérêt des médias et du grand public pour ce genre de questions. Toujours est-il qu’il en résulte que la majorité des gens ignore les abus commis et leur laisse le champ libre pour continuer. Nous voyons donc que pour éviter d’être manipulé et pour ne pas laisser des actes qu’on désapprouve se produire derrière son dos le premier pas est de s’informer. Ensuite, le second pas est bien plus facile à franchir puisqu’il consiste à faire profiter son entourage de tout ce que l’on a appris.

S’ENGAGER
Mon troisième conseil concerne les personnes souhaitant agir de manière concrète et active à plus grande échelle : si vous en faites partie, alors le mieux que vous puissiez faire est de rejoindre une organisation pour la paix. S’il n’en existe aucune près de chez vous cherchez dans votre entourage des personnes fiables, avec l’esprit ouvert et partageant vos convictions pour en fonder une. N’hésitez pas à vous inspirer de ce qui existe déjà et à demander conseil à d’autres activistes pour la paix, car la plupart du temps, imiter et adapter demande moins d’énergie que tout créer depuis le début. Le plus important est de ne pas avoir peur de partir sur de petites bases, même si les ambitions sont grandes. Si ces bases sont solides, alors la construction sera rapide. Tentez de rassembler autour de vous autant de gens de confiance que possible afin d’être plus efficace et de garder votre enthousiasme. En Suisse, nous ne possédons pas d’armes atomiques, mais plusieurs associations pacifistes y sont tout de même actives. Je donnerai comme exemple le « Groupe pour une Suisse Sans Armée » (www.gssa.ch), qui agit au niveau politique dans toute la Suisse et se focalise principalement sur le service militaire, l’armée et l’exportation d’armes, Graines de Paix (www.graines-de-paix.org), qui est une ONG d’éducation à la paix basée à Genève, ou encore le « International Peace Bureau » (www.ipb.org), également à Genève, qui lutte depuis maintenant plus d’un siècle pour un monde sans guerres et compte quelques 300 organisations membres dans plus de 70 pays différents. J’ajouterais à cela toutes les associations à but non lucratif qui agissent dans un esprit de compassion et d’entraide pour l’amélioration des conditions de vie des plus défavorisés, du bien-être général ou de l’entente entre les individus. L’action est possible sur de nombreux plans : certains s’occupent d’éducation et d’information, d’autres agissent au niveau politique, d’autres encore organisent des événements en tous genre pour attirer l’attention du public… Le plus important est de réfléchir à ce qui vous plaît et vous semble utile de faire dans votre région, puis de vous lancer. Parlez de votre projet autour de vous, rencontrez des gens qui connaissent le sujet, ouvrez des discussions, des débats, avec vos amis, vos voisins, vos familles, créez de nouveaux liens… Bref, soyez actifs tout en gardant un esprit ouvert et critique. Actuellement, la possibilité que des décisions importantes pour la paix soient prises au niveau international existe, mais pour cela, il faut qu’une partie suffisante de la population prenne conscience de l’importance de la situation et se mobilise. Dans les années 1980, les mouvements pour la paix étaient extrêmement populaires et actifs, et grâce à eux de nombreuses lois visant à limiter le champ d’action des puissances nucléaires ont été mises en place. Cela peut se reproduire aujourd’hui, mais pour cela, il faut que des gens comme vous servent d’élément déclencheur.

Je conclurais simplement en ajoutant que cette expérience de neuf jours au sein de cette immense rencontre pacifiste m’a beaucoup touché et s’est révélée pleine d’enseignements. L’enthousiasme de tous les gens présents, jeunes et vieux venus d’horizons divers, était contagieux. Ils m’ont faits pénétrer dans un monde dont je n’avais aucune idée, un monde remplis d’idéaux, de rêves et de fraternité, celui qu’ils veulent tous atteindre et pour lequel ils se battent. Leur objectif est-il réalisable ? Je n’en sais rien, j’aurais même parfois tendance à répondre que non lorsque je vois toutes les horreurs qui se commettent. Pourtant, je suis également persuadée que c’est grâce à tous ceux qui, comme eux, se battent depuis la nuit des temps pour que leurs idéaux deviennent réalité que le monde n’est pas pire que ce qu’il est aujourd’hui, et que ce n’est que par la volonté de l’ensemble des êtres humains de croire qu’un monde meilleur est possible qu’il se réalisera.
LS

1*  Rapport du fög sur la qualité des médias : http://jahrbuch.foeg.uzh.ch/Seiten/default.aspx

 

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