Nous vous en parlions il n’y a pas si longtemps, la politique énergétique suisse défraie la chronique avec l’annonce tonitruante de Doris Leuthard. C’est officiel! La Suisse abandonne le nucléaire. Changement dans l’air du temps? Bilan et analyse.
Alors que l’atome fournit pas moins de 40% de l’électricité, en bonne deuxième place après l’hydroélectrique, c’est par la voix de la conseillère fédérale Doris Leuthard que le gouvernement a fait connaître ses intentions d’abandonner le nucléaire d’ici 2034. Choix ambitieux pour le successeur de Moritz Leuenberger, les événements tragiques survenus à Fukushima ont, semble-t-il, fait murir une réflexion sur l’énergie nucléaire. Expliquant cette décision par une réévaluation des coûts inhérents au nucléaire, dont ceux qui surviennent lors de catastrophes naturelles,
la PDC tente de rassurer sur les conséquences d’un tel changement de paradigme énergétique.
Cette annonce est encore plus surprenante quand on sait que Mme Leuthard est originaire d’Argovie, le canton de l’atome, et qu’on l’avait toujours su proche des lobbys nucléaires. Alors que ceux-ci devaient se frotter les mains lors de la nomination de la conseillère fédérale au Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) , fief historique des socialistes, ce sont les mêmes qui doivent, aujourd’hui, rire jaune.
Sortir du nucléaire d’ici 2034 est une ambition importante. Certainement, car une fois passé l’effet d’annonce, arrivent les premières interrogations. Convertir 40% de notre production énergétique en 23 ans est un défi pour notre pays. En effet, c’est bien là que va se déterminer la réussite du projet du DETEC. Car abandonner le nucléaire pour acheter notre électricité en France, produisant plus des trois quarts de son énergie au moyen de ses centrales, ne changerait pas la donne. Par ailleurs, le remplacement de ces centrales de fission nucléaire par des centrales à gaz ou à charbon viendrait empêcher la tenue des objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre selon le Protocole de Kyoto. Sachant que la Suisse est déjà en difficulté sur ces objectifs et qu’elle compensera probablement la majeure partie du « déficit » de CO2 par une participation financière, on ne saurait que se montrer critiques vis-à-vis de l’installation de ces centrales d’un autre temps.
Doris Leuthard l’exprime volontiers: la compensation devra se faire par une politique d’économie énergétique et par la promotion des énergies renouvelables. Alors que sur le front des ménages, on voit des initiatives intéressantes se lancer dans la manière de construire les logements ou dans le choix des appareils électriques, la consommation de l’industrie reste le problème majeur.
En ce qui concerne l’utilisation d’énergies « vertes », un gros travail reste à faire dans la promotion des projets qui, eux, ne manquent pas. L’éolien se voit bourgeonner çà et là, mais se heurte à de vives oppositions quant à son implémentation. Critiques peut-être fondées, car l’idée de voir une Suisse parsemée de grande hélice paraît relativement peu logique. Il manque, dans ce cas, une coordination des projets locaux et les différentes instances politiques pour d’une part faciliter certaines procédures redondantes entre communes, cantons et confédération et d’autre part avoir un plan global de fermes d’éolienne, réduisant significativement l’impact sur les paysages et la faune.
Sur un autre pan, la conseillère fédérale axe son argumentation sur les progrès technologiques qui seront opérés d’ici 2034. Cela paraît déjà plus bancal et bien que la Suisse regorge d’institutions réputées pour leur dynamisme comme l’EPFL ou l’EPFZ, on se demande si ce n’est pas un choix à défaut de mieux. Espérons que les moyens seront offerts à nos centres de compétence en la matière pour qu’ils fassent briller leur inventivité.
Finalement, cette décision du conseil fédéral paraît ouvrir une nouvelle ère de la production énergétique européenne. On a vu Angela Merkel souffler le même vent de changement sur l’Allemagne du charbon et du gaz. D’autres suivront-ils? Alors que très improbable pour la France, dont l’un des fleurons technologiques reste ses compétences dans l’énergie atomique, nous verrons peut-être cette année d’autres gouvernements emboiter le pas vers une réflexion énergétique différente. 2011 est décidément une année pleine de surprises.
MAG