Du 17 juin au 16 juillet 2016, l’espace d’art contemporain Smallville à Neuchâtel expose les toiles de l’artiste neuchâtelois Kester Güdel. Découverte d’une peinture évanescente qui suggère plus qu’elle n’impose.
Les six œuvres exposées à l’espace Smallville sont à l’image de leur créateur : insaisissables, intuitives et troublantes. Dès le premier coup d’œil, il est visible que la peinture de Kester Güdel ne s’explique pas à coups d’adjectifs et de concepts propres à l’art contemporain. Ses toiles, toutes réalisées à la peinture à l’huile, sont un enchevêtrement de formes dont les couleurs contrastées invitent le spectateur à voir au-delà de la matière : « J’aime jouer avec ce qui est reconnaissable et ce qui ne l’est pas. J’essaie de faire ressortir certaines formes de manière indirecte afin de créer un nouvel élément visuel » explique le peintre.
Le mystère de ses tableaux demeurant entier, le regard du visiteur se pose bientôt sur le site qui les hébergent. Créée en 2015 par les artistes neuchâtelois Fabian Boschung, Renaud Loda, Camille Pellaux et Sébastien Verdon, l’espace d’art contemporain Smallville comporte deux espaces distincts ouverts au public : le lieu d’exposition et les ateliers en open space. Cette mise en avant du processus créatif se retrouve dans l’œuvre de Kester Güdel dont la peinture est intrinsèquement liée à des questionnements méthodologiques. En effet, si ce dernier ne détaille pas volontiers ses œuvres, il parle en revanche avec enthousiasme des personnalités qui l’ont inspiré dans son processus de création.
La littérature comme principale source d’inspiration
Les ouvrages de Samuel Beckett, Les Notes sur le cinématographe de Robert Bresson, les écrits de John Cage ou encore la nouvelle vision du jazz incarnée par Charlie Parker dans les années 1940 (le bebop) constituent ses principales références. « Ces gens-là ne m’influencent pas directement par le biais de leurs œuvres mais par leur méthode de travail. C’est ce qui m’intéresse le plus en peinture : la méthode, le processus de création. La question pour moi est de savoir d’où part l’élan créatif et non pas où il nous emporte, car ça on ne le sait pas ! » affirme l’artiste. En touchant à d’autres domaines que la peinture, Kester Güdel cherche ainsi un moyen de dépasser les problématiques que pose toute activité artistique, qu’elle soit musicale, cinématographique, littéraire ou picturale.
La sensation comme guide suprême
L’artiste semble avoir trouvé un début de réponse en écoutant ses sensations physiques qui, comme la peinture, ne mentent jamais et guident ses gestes. Charlie Parker le disait déjà au début du 20e siècle : « Si on ne sent pas la note, le saxophone ne va jamais la jouer ». Kester Güdel a fait sienne cette maxime et c’est en allant à la rencontre de ses émotions qu’il a trouvé sa propre liberté artistique. En n’oubliant pas d’écorcher au passage le prestige des écoles d’art qui, selon lui, « perturbent les jeunes artistes en leurs imposant des règles qui bloquent leurs élans créatifs naturels. Personnellement, ça m’a bloqué lorsque j’étais étudiant [École d’art appliqués de la Chaux-de-Fonds puis ECAL à Lausanne] et j’ai remarqué qu’il n’y avait finalement aucune règle. On n’échappe pas à sa nature ».
L’un des voiles du mystère de la peinture de Kester Güdel se lève déjà un peu plus : partisan d’un art libre, sans concepts et qui reflèterait la nature véritable de l’artiste, ses œuvres constituent les porte-parole de sa vérité. Une vérité personnelle qui s’éloigne des règles de l’art contemporain actuel et qui transparaît dans ses toiles, symbolisée par les taches blanches recouvrant l’œuvre figurative initiale ou le long lacet noir soulignant ce qui a besoin d’être vu. Autant de motifs que l’on retrouve dans toutes ses toiles et qui caractérisent son coup de pinceau. Bien qu’insaisissable, l’art de Güdel se ressemble dans les thèmes qu’il propose et si le processus de création évolue au fil de ses inspirations, le résultat final reste à l’image de la nature de l’artiste. Art Güdel Miami est une exposition touchante, fruit du travail passionné d’un artiste qui n’hésite pas à se dévoiler en s’exclamant « Je peins car c’est la seule chose dans la vie qui me fasse me sentir à ma place ! ».
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