Don du sang et homosexualité en Suisse, où en est-on ?

En 2015, 310’000 personnes ont donné leur sang en Suisse. Aucun don ne provenait d’un homosexuel. Ils sont exclus du don du sang, parce qu’ils ont tendance à être plus touchés par le VIH (Virus Immunodéficience Humaine) que les hétérosexuels, donc à le transmettre si un don du sang a lieu. Mais la communauté homosexuelle compte se battre pour pouvoir donner son sang, et avoir le droit de sauver des vies.  Pour en savoir plus, L’Article.ch a contacté l’association faîtière Transfusion de la Croix-Rouge Suisse (CRS) et l’association des hommes homosexuels en Suisse, Pink Cross.

Le VIH a été reconnu pour la première fois en 1980. Depuis, beaucoup de choses ont changés, les homosexuels n’étaient alors pas acceptés au sein de la société, ils n’avaient pas encore de droits. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué dans nombreux pays occidentaux. Au fil du temps, les homosexuels ont pu accéder au mariage dans certains pays, ou au droit de donner leur sang. Dans quelques pays européens, tels l’Italie ou la Pologne, l’orientation sexuelle ne joue plus un rôle. Cela signifie qu’aucun délai d’attente n’est exigé, comme par exemple en Espagne ou en France. Transfusion CRS explique que ce délai s’appelle la « fenêtre sérologique ». Lors d’une infection immédiate, le test (contre le VIH) ne peut pas encore reconnaître les anticorps du virus. Le sang est strictement contrôlé, mais le test ne détecte une infection qu’après un certain temps. Le délai s’applique également aux hétérosexuels. Après avoir eu un comportement à risque ou lors d’un changement de partenaire, il faut attendre 4 mois.

Transfusion CRS indique que « 10% des hommes homosexuels sont touchés par le VIH, c’est 30 fois plus que la moyenne. En 2014, 50% des personnes infectées étaient des hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes, alors qu’ils représentent seulement 3% de la population active. » Les risques de transmission sont effectivement plus élevés. Pour Pink Cross il s’agit là de discrimination. Si l’association est consciente du risque, elle estime que c’est le comportement d’une personne qui doit déterminer si elle peut donner son sang, et non son orientation sexuelle. Au moment de donner leur sang, les candidats doivent remplir un questionnaire. Parmi les questions posées: « Avez-vous eu des rapports sexuels entre hommes depuis 1977 ? ». Les personnes hétérosexuelles présentent aussi un risque, même s’il est plus bas, c’est ce qui cause le mécontentement des homosexuels et des associations. D’autant plus que dans certains pays le don du sang est accessible à tous. Ces milieux ne comprennent donc pas la rigidité de Swissmedic, l’organisation chargée de donner l’accès ou non au don du sang.

Pink Cross continue son combat pour l’égalité. Quelles solutions pour un changement ? L’association ne croit pas à une loi suisse basée sur le modèle français, à savoir où seuls les homosexuels abstinents pendant une année peuvent donner leur sang. La discrimination sera réellement abolie à partir du moment où l’orientation sexuelle ne jouera plus de rôle, et qu’on ne colle pas « d’étiquette » sur les homosexuels, explique l’association.

Au Conseil fédéral ce sujet a également été mentionné. En 2012 une interpellation de Luc Recordon, ancien membre du Conseil des Etats, évoquait pour la première fois le côté discriminatoire de cette exclusion. Le Conseil fédéral s’était alors disposé à une révision de cette restriction. Trois ans plus tard, au printemps 2015, le conseiller national Daniel Stolz et le groupe BD (parti bourgeois-démocratique) du Conseil national ont déposé deux motions ayant pour but l’accès au don du sang aux homosexuels. Le Conseil fédéral soutient ces motions, et rajoute qu’il « est d’avis que le questionnaire doit être adapté et souhaiterait donc que cette modification intervienne dans les meilleurs délais ».

L’association Transfusion CRS souhaite une règlementation moins stricte, pour que les homosexuels puissent donner leur sang. En janvier 2016, l’organisation a affirmé vouloir trouver une solution qui serait «le plus juste possible entre les deux partis » (Pink Cross, et Swissmedic) d’ici la fin de l’année. Provisoirement, une loi s’apparentant au modèle français serait envisageable. Mais à long terme, Transfusion CRS souhaiterait, comme Pink Cross et le gouvernement, des critères se basant davantage sur le comportement d’une personne.

C.Matter

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