Les escape games: élémentaire, mon cher Watson?

Les escape games connaissent une popularité grandissante en Suisse romande. Leur côté ludique et psychologiquement stimulant en fait un divertissement prisé par une clientèle variée. Reportage au cœur de “The Door”, à Lausanne.

Photo: www.tripadvisor.ch

En ce jeudi après-midi, le soleil brille sur Lausanne ; le temps est idéal pour aller manger une glace au bord du Léman. Mais pour notre groupe de cinq amis, pas question : nous allons tester un escape game. Ce jeu né en Hongrie en 2014 consiste à récolter des indices pendant 60 minutes pour tenter de sortir d’une pièce à thème. Pour nous, ça sera la salle « Save Mr. Holmes », à « The Door », le premier escape game de Romandie.

Nous arrivons donc devant un immeuble résidentiel, dans un quartier paisible de Lausanne. Difficile d’imaginer ce qui nous attend, alors qu’on descend les escaliers jusqu’au deuxième sous-sol. Nous frappons à la porte estampillée « The Door », au bout d’un couloir obscur. Le ton est tout de suite donné. Le maître des lieux vient nous ouvrir, et nous explique en quoi consiste notre mission avec un réalisme déstabilisant : nous sommes pris au piège dans une pièce par le machiavélique Dr. Moriarty. Ce dernier a capturé Sherlock Holmes et met au défi ses fidèles acolytes de résoudre des énigmes corsées afin de sortir de la pièce avant qu’il ne libère un gaz létal. Une fois dans la pièce, le maître du jeu s’apprête à fermer la porte : « sur ce, je vous souhaite bonne chance. A tout à l’heure… peut-être », glisse-t-il malicieusement avant de verrouiller la porte.

Plongée donc dans l’univers de Sherlock Holmes. Tout y est : les objets d’époque, le gramophone qui joue en boucle un air d’opéra sinistre, en passant par une vieille mallette mystérieuse. Difficile de savoir par où commencer, tout semble digne d’intérêt. Heureusement, en cas de panne, le maître du jeu envoie des indices sur un écran (d’époque, évidemment) lorsque nous sommes bloqués, car tous nos faits et gestes sont observés attentivement grâce à une caméra. Une fois la première énigme résolue, tout s’enchaîne très vite. On se prend au jeu, chacun y va de son commentaire pour tenter de faire avancer notre enquête avant la fin du temps imparti, qui défile dangereusement sur l’écran. Les énigmes sont bien ficelées, chaque découverte ouvre la voie à de nouvelles questions. Sans esprit d’équipe, aucune chance de s’en sortir. La clé était à portée de main, mais une poignée de secondes nous aura finalement été fatale. « Je suis navré, c’est terminé » vient nous annoncer le maître du jeu qui nous libère malgré tout. Pas de gaz létal, donc, mais pas de victoire pour autant.

En sortant de la pièce, nous voyons les statistiques du jeu qui nous réconfortent quelque peu. En effet, plus de 50% des participants ne parviennent pas à surmonter le défi. Nous avons échoué, certes, sans amertume : ce fut un moment convivial entre amis qui nous a permis de mettre à l’épreuve notre collaboration. « J’avais peur que ça parte dans tous les sens, mais c’était assez équilibré, tout le monde a apporté son aide » confie Mélanie en sortant. Un équilibre crucial, confirme Alexei Konovalov, directeur et fondateur de « The Door » : « Ce jeu, en fait, c’est un ultime test pour la cohésion du groupe. Je me suis rendu compte qu’il y a des groupes qui sous-estimaient un peu cet aspect-là […], où le dynamisme ne prend pas vraiment et chacun reste de son côté, ça ne communique pas ». Une attitude égocentrique que regrette vivement notre interlocuteur : « Il y a des gens qui essaient de se la jouer un peu solo, au lieu d’en faire un vrai moment de partage ». Un manque d’altruisme qui peut s’avérer fatal, tant il semble nécessaire de profiter des compétences des autres pour pallier ses propres faiblesses.

Qu’elle soit consciente ou non, cette cohésion défaillante se remarque d’autant plus dans un cadre institutionnel. En effet, les escape games sont de plus en plus prisés par les milieux professionnels. Il est toutefois difficile de se désinhiber en présence de collègues ou de supérieurs, mais les sorties d’entreprises dans le but de renforcer l’esprit d’équipe ne permettent-elles pas justement d’apporter plus d’horizontalité dans les relations entre collaborateurs? Ce n’est pas ce que constate Alexei Konovalov: « un grand manager qui a l’habitude de donner des ordres va conserver son rôle de donneur d’ordres ». Il estime même que « dans certains groupes où la hiérarchie est très claire, on voit que les gens osent beaucoup moins s’imposer ». Et de mentionner un cas où une équipe de collègues était « en train de perdre d’une façon catastrophique », mais dont le patron avait refusé les indices; finalement, « quelqu’un a doucement amené le chef à appuyer sur le bouton [pour réclamer un indice, ndlr] mais c’est quand même lui qui était derrière la décision au final ». La fierté de certains chefs soucieux de respecter la hiérarchie peut donc freiner la progression de l’équipe dans son ensemble. Ce n’est pas le cas des familles, où les participants s’expriment plus librement, n’hésitant pas à dire ouvertement ce qu’ils pensent, à l’image d’une fille qui s’emporte pour remettre sa mère sur la bonne piste, raconte Alexei Konovalov.

Malgré ces situations potentiellement conflictuelles, l’impression générale à la sortie du jeu reste très positive, même en cas de défaite: « la grande majorité du temps les gens ont le sourire et sont contents », car pour eux « c’est le processus qui est important ». Une satisfaction qui découle notamment de la transmission des indices à des moments méticuleusement choisis. A moins que les participants demandent expressément de ne pas en recevoir, ils leur évitent en effet de buter trop longtemps sur le même obstacle et donc d’être frustrés. Alexei Konovalov considère que la divulgation des indices est « l’une des tâches les plus difficiles » pour le maître du jeu, car « dès que les gens commencent à tourner en rond, il faut les relancer ». Mais il faut garder à l’esprit que « le fait de donner trop d’indices génère une frustration, l’inverse également. Donc il faut trouver le juste milieu ».

Une tâche que le maître du jeu maîtrise avec brio, en témoignent les avis positifs de la clientèle sur Trip Advisor. « The Door » est en effet le numéro un des jeux et divertissements à Lausanne.

Jasmine Behnam et Fabien Wildi

The Door

Chemin de la Tour-Grise 6

1007 Lausanne

076 383 86 39

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