Les tours de Lausanne, de Wall Street à la jungle

La Tour des Cèdres va voir le jour en 2017 à Chavannes, dans la banlieue de Lausanne. Déjà surnommée « tour végétale » grâce à son architecture futuriste, elle diffère bien de ses aînées, comme la Tour Bel-Air. Retour avec l’architecte Jean-Baptiste Ferrari sur ces deux tours que tout oppose, ou presque…

La Tour Bel-Air, d’une hauteur de 78 mètres, a été construite en 1931 par l’architecte Alphonse Laverrière. Elle était alors le premier gratte-ciel de Suisse. Avec son style tout droit venu des immeubles de Wall Street, elle était au sommet de la mode en son temps. Presque 100 ans après, la Tour des Cèdres culminera à 117 mètres. Son signe particulier ? On l’appelle la tour végétale ou encore la forêt verticale. L’architecte de ce projet, le Milanais Stefano Boeri, a eu l’étonnante – ou brillante – idée d’intégrer des arbres à chaque étage de sa tour, ainsi que sur le toit. Alors que tout pourrait opposer ces deux constructions, quelque chose unit la tour moderne à son ancêtre : toutes deux marquent le paysage urbain lausannois de façon révolutionnaire.

Au début du 20e siècle, l’architecte de la Tour Bel-Air, Alphonse Laverrière, est une sommité à Lausanne. On trouve plusieurs de ses œuvres dans la capitale vaudoise, dont la gare de Lausanne et le Tribunal fédéral. Son but était de faire de Lausanne une ville moderne. Les gratte-ciels existaient déjà aux Etats-Unis, une modernité qu’il voulait amener dans la ville où il habitait. Le projet de la Tour Bel-Air a été très mal accueilli, c’était une « offense à la raison et au bon goût », selon les journaux locaux. De plus, le fait que la tour puisse peut-être dominer la Cathédrale a fait fortement débat chez les protestants.

Le bâtiment était gigantesque, il n’y avait pas seulement une tour à construire, mais aussi un immense socle composé d’une salle de spectacle, d’un restaurant, de magasins, d’une grande cour intérieure ainsi que des bureaux et des logements. Dans les années 30, les idées sur la mixité étaient donc déjà très à la mode, tout comme aujourd’hui, ce qui fait de la Tour Bel-Air un bâtiment moderne et encore très actuel. De plus son squelette est en métal, tout comme les tours construites de nos jours, l’objet était donc extrêmement novateur.

A l’occasion de ses 85 ans, la Tour Bel-Air vient d’être rénovée. Devenue un monument historique de la ville, les contraintes ont été nombreuses afin qu’elle garde le même esprit qu’à sa construction. Jean-Baptiste Ferrari sourit : « D’un ouvrage qui était très mal reçu et beaucoup critiqué, il devient maintenant un ouvrage qu’on veut protéger, qu’on ne touche pas. Il a passé de l’autre côté de la barrière et est devenu emblématique, c’est fascinant. »

Accueil opposé pour la Tour des Cèdres, qui suscite l’enthousiasme. Son architecte a su plaire au plus grand nombre avec son plan de quartier avant-gardiste, avec en son centre, la tour dont tout le monde parle. Paradoxalement, alors que peu de personnes aimeraient vivre dans une tour, en construire une est le rêve de tout architecte.

De telles tours végétales ont déjà vu le jour à Milan en 2014, également conçues par Stefano Boeri, un projet intitulé « Bosco verticale ». Et c’est donc son architecte qui a été choisi pour reproduire son projet à Lausanne.

Du haut de ses 117 mètres, sa particularité est son emballage de verdure. Son défi sera l’entretien de toute cette végétation. Est-ce compliqué d’entretenir des arbres à 100 mètres du sol ? Pas plus qu’à 15 ou 20 mètres. Mais les futurs habitants auront des charges très importantes pour entretenir la végétation de leur tour, faute de quoi elle ne sera rien de plus qu’une tour en béton, dénuée de tout son sens. L’originalité qu’on veut lui donner est en même temps une contrainte avec laquelle il faudra vivre tout le temps.

A Lausanne, les architectes sont heureux d’accueillir une nouvelle tour dans leur paysage après tous les échecs qu’ils ont essuyés, comme celui de la Tour Taoua. Les tours donnent une image négative depuis longtemps, « Les gens ont peut-être peur de se retrouver piégés comme dans le film La Tour infernale ! » plaisante Jean-Baptiste Ferrari. L’architecte se dit ravi que les Vaudois aient changé leur avis à propos des tours, « ça ouvre une nouvelle fenêtre et c’est une économie de sol ».

CZ

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