Depuis la mi-octobre, une équipe de correspondants de nuit sillonne les rues de Lausanne du jeudi au samedi soir, de 18 à 2 heures. Leur but? Assurer une prévention des risques liés à la vie nocturne lausannoise pendant les soirées de week-end. L’Article.ch les a suivis de 21 heures à minuit, une nuit de décembre.
Ils sont sept membres rémunérés dans l’équipe: deux femmes issues du milieu médical, Annabelle et Morgane, et cinq hommes, Willy et Simon, issus de la sécurité, Stéphane, un psychologue, Pascal, travaillant dans le milieu de l’éducation et des foyers d’accueil pour adolescents et le chef de projet, Vincent Léchaire, éducateur spécialisé. Leur quartier général se trouve dans les locaux de l’administration communale au Flon, à Lausanne et ils circulent dans les rues et les parcs de la ville, qu’ils ont séparés en quatre zones afin de se distribuer le travail plus facilement. «On marche entre quinze et vingt kilomètres chaque soir, donc on se sépare en duos ou en trios et on couvre toute la surface nécessaire», explique Morgane en consultant son podomètre.
Leur démarche est de se faire connaître des noctambules lausannois: «On discute, on se présente et on explique ce que l’on fait aux gens que l’on croise pour qu’ils sachent que notre équipe existe», précise Vincent Léchaire.
«Nous avons deux objectifs principaux, d’abord la réduction des incivilités, tout ce qui a trait aux déchets, au bruit, aux déprédations et aux débuts de bagarre, et ensuite, la réduction des risques liés à la fête comme les grosses alcoolisations, la prise de drogues et les mises en danger comme l’ivresse au volant», poursuit le responsable.
Un terrain de confiance
Les correspondants de nuit ne sont pas assermentés, ils n’ont aucun pouvoir de police et ne sont pas là pour sanctionner les groupes de fêtards. «L’idée, c’est de construire un terrain de confiance avec eux, on ne fait pas dans la dénonciation». Cependant, si la situation le demande, ils appelleront les forces de l’ordre pour une intervention, mais cela n’est jamais arrivé pour l’instant.
Leur mode d’opération est simple, si les groupes ont l’air tranquilles ou peu réceptifs, ils ne vont pas au contact: «Si on ne le sent pas, on évite d’aller vers eux, il ne faut pas qu’ils pensent que l’on essaie de s’introduire dans leur cercle. Ça ne sert à rien d’aller au contact pour rien. Il faut être «chill» avec eux mais avoir du répondant», confie un membre de l’équipe, «l’expérience fera qu’on réagira plus finement dans la rue, ça demande du feeling». Il n’est pas toujours nécessaire d’intervenir dans les situations de disputes ou de début de bagarre. «Parfois, le fait que nous soyons sobres et présents suffit à faire redescendre la pression des noctambules et à désamorcer les situations potentiellement dangereuses», poursuit l’équipe. De plus, ils n’interviennent pas non plus devant les clubs et les bars. «Nous laissons cela aux agents de sécurité engagés pour ça. On ne veut pas que les gérants pensent que nous nous en occupons et cessent d’assurer eux-mêmes la sécurité», explique Vincent Léchaire.
De bonnes réactions du public
Les gens sont en général assez accueillants avec les correspondants de nuit car ils en ont déjà entendu parler dans les médias et ils se rendent compte que ça représente un «plus» pour eux.
Après chaque discussion, les membres de l’équipe remplissent un questionnaire en ligne afin de définir la nature de l’intervention effectuée et ils peuvent ainsi faire un bilan en fin de soirée, revoir leurs réactions et les évaluer. Ce projet étant un test sur deux ans, il leur faut garder des traces de leurs actions pour se rendre compte objectivement de l’impact des correspondants de nuit sur la vie nocturne lausannoise..
«Un des petits soucis qui se pose avec la ville de Lausanne, c’est que les noctambules viennent d’un peu partout, vu que c’est la capitale des festivités. C’est donc un peu compliqué de créer des liens entre eux et nous, car ce ne sont pas les mêmes tous les week-ends», expose Morgane.
«Si l’opportunité se présente et que le budget est disponible, il serait envisageable de réengager des gens au printemps pour renforcer l’équipe, mais il faut garder à l’esprit que c’est un projet-test et que ce n’est pas définitif», précise le responsable.
«On a bien trotté ce soir, je suis fatiguée maintenant», conclut Annabelle en riant.
Cassandre Wojciechowski