Quand une petite fleur fait scandale

À la mi-décembre, la chemise à edelweiss, symbole repris par les mouvements paysans suisses, a fait polémique dans les écoles. Perçue comme porteuse d’un message xénophobe, elle relance la problématique du dress code dans les classes. Mais en 2016, quel vêtement peut encore vraiment choquer? Aurore témoigne.

L’affaire de la chemise edelweiss

Gossau, commune de l’Oberland zurichois. C’est là qu’a éclaté la polémique. Après l’arrivée de dix de ses élèves revêtant la fameuse chemise, une enseignante les a obligés à se changer. Sur décision du directeur, elle doit finalement se rétracter, mais cet acte ouvre tout de même le débat. L’habit aurait une connotation raciste et xénophobe et serait dans certains cas une provocation. Ce scandale se déroule à quelques jours seulement d’une décision du Tribunal fédéral qui a statué sur le port du voile à l’école. Il s’est opposé à son interdiction dans le cadre scolaire. L’incompréhension était donc

totale dans la région zurichoise. Pourquoi certaines tenues sont-elles acceptées alors que d’autres non ? Y a-t-il, à notre époque, encore des styles qui dérangent ?

Discrimination ?

Le look qu’Aurore, 21 ans, arbore depuis plusieurs années déjà, le  »Visual Kei », est un hommage à un pays qu’elle affectionne tout particulièrement : le Japon. Elle a subi de nombreuses moqueries de ses camardes mais aussi des remarques du corps enseignant et de la direction : « J’ai eu des problèmes avec le directeur de mon école secondaire notamment à cause d’un piercing. Il l’avait interprété comme de l’automutilation et un profond mal de soi. J’ai également eu des soucis avec un professeur. Certaines personnes ont pu avoir des a priori en voyant mon style. ». Concrètement, aucunes mesures d’ordre administratif n’ont été prises quant au dit piercing, les parents d’Aurore étant intervenus en défendant la liberté de s’habiller de leur fille. Mais le problème est plus profond dans son cas, car son look lui a porté préjudice dans plusieurs situations : « Malheureusement, mon look m’a déjà handicapée, particulièrement lors d’entretiens pour des écoles et pour un travail à mi-temps. Concernant les cours à l’école secondaire, un professeur avait parlé de mon style à mes parents car celui-ci le dérangeait et j’ai eu l’impression qu’il me le faisait payer personnellement au travers de mes notes.». Elle s’inquiète ensuite : « C’est une chose de passer outre le regard des gens, mais passer outre l’avis d’employeurs est une autre affaire. C’est quelque chose qui m’effraie énormément, mais je sais que si je ne trouve pas ma place dans le monde de l’art, je risque de devoir mettre mon look qui est ma signature entre parenthèses. ». Interprétant les paroles du directeur d’école secondaire, on peut donc en effet voir que les vêtements et autres accessoires sont bel et bien porteurs de messages, même si ils sont parfois incompris.

Le look, « une affirmation de soi »

Pour Aurore, son style est son identité. Il lui permet de se démarquer des autres et de s’exprimer, il la fait « exister ». Elle aimerait pouvoir s’afficher sans être jugée mais ajoute : « Je pense personnellement qu’un monde où chacun porterait ce que bon lui semble et sans normes serait magnifique, mais très utopiste. À partir du moment où nous sommes inspirés par ce que nous voyons dans les magazines ou à la télévision, je considère que c’est fichu, car on nous impose une vision de la normalité et de la beauté. ». Malgré cela, elle considère l’utilisation des vêtements à des fins racistes ou porteurs d’un message inutile et ridicule. « Un look devrait normalement être quelque chose pour soi, par pour les autres. ».

Dans ce genre de situation problématique, que ça soit celle d’Aurore ou des élèves de Gossau, un débat apparaît très souvent : ne faudrait-il pas introduire le port de l’uniforme dans les écoles ? Utilisé par l’armée et de nombreuses entreprises publiques et privées, il peut à terme gommer les différences sociales mais aussi éviter les scandales. Pourtant, il peut devenir une barrière à la créativité et à la liberté de chacun. Le dilemme reste entier : trop ou trop peu ?

Emma Rebeaud

 

 

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