Marque de vêtements d’extérieur canadienne fondée en 1957, Canada Goose a été au centre de plusieurs polémiques depuis 2013. La sortie de son nouveau spot publicitaire et l’annonce de l’ouverture d’une nouvelle usine à Winnipeg au Canada, offrent la possibilité de se pencher une nouvelle fois sur les scandales qui ont secoué la marque et de tester le réel impact de son marketing. Entretien avec trois femmes. Photo: Web.
La polémique
Comment cette marque est-elle arrivée au centre d’un débat virulent sur la protection des bêtes ? Le produit phare de Canada Goose est sa parka, composée d’un capuchon en fourrure de coyote. Les associations de défense des animaux se sont révoltées contre l’utilisation de la peau de cette bête sauvage. La marque a répondu que l’animal est »nuisible » et doit être tué du fait de son sur-nombre. Mais il reste une large zone d’ombre sur le moyen de capturer et achever ces animaux sauvages. D’après certaines rumeurs, les coyotes seraient en effet attrapés dans des pièges qui les blesseraient lourdement et les laisseraient agoniser plusieurs heures les os brisés, en attendant l’arrivée des chasseurs. Les vidéos montrant les bêtes hurlant de douleurs abondent sur le net. Cependant peuvent-elles vraiment rivaliser avec les spots publicitaires à gros budget de l’enseigne canadienne ? C’est ce que nous avons demandé à trois femmes, Dominique (48 ans), Dominyka (18 ans) et Diane (15 ans).
Les vidéos
C’est le réalisateur canadien Paul Haggis qui a réalisé un court-métrage de 4 minutes pour promouvoir les célèbres vestes. Ce dernier a été visionné en premier lieu par nos participantes. Toutes s’accordent sur la qualité de la réalisation et le budget conséquent de la publicité. Elles sont en revanche partagées sur le réel impact marketing de cette dernière. Pour Dominique, il s’agit là davantage d’un film qu’une pub et cela peut potentiellement porter préjudice à la marque. Pour Diane et Dominyka, c’est en revanche son point fort. Les images sont belles et l’approche est complètement différente, ce qui peut éveiller l’intérêt d’un acheteur potentiel. «Je pense que ce genre de spot pousse à l’achat. Ça embellit le fait qu’on tue des animaux pour faire des vestes… », explique Diane, déjà bien au courant de la polémique. « Si je ne connaissais pas leurs pratiques, ça me donnerait envie, c’est sûr. Mais pour moi en Suisse, on achète ce genre de veste pour de mauvaises raisons, pour prouver qu’on a certains moyens. ».
La deuxième vidéo donne la parole aux opposants, plus spécialement à l’association canadienne »Animal justice ». Elle présente son argument principal à l’aide d’images de coyotes emprisonnés dans des pièges. Chez nos trois interlocutrices, les réactions fusent : « Horrible ! », « honteux ! », « désolant ». Dominique, propriétaire d’une de ces parkas, espère vivement qu’ils ne sont pas vraiment tués ainsi. « La nature humaine est sans pitié », déplore Diane, tandis que Dominyka se dit convaincue : jamais elle n’achètera un de leurs vêtements ! Dominique ne regrette pourtant pas son acquisition et développe : « N’importe quel habit cache quelque chose. Pour finir, on n’achèterait plus rien. À mon avis, les vêtements synthétiques cousus par de enfants, ce n’est pas plus acceptable. Il ne faudrait plus non plus manger de foie-gras, porter de cuir ou de duvet en plumes d’oie, c’est un tout, on ne peut pas juste se concentrer sur les coyotes. La fourrure ne me conditionne pas plus qu’autre chose, les vidéos visionnées non plus. Elles ne m’influencent pas, même si la seconde me touche évidemment beaucoup.».
La cause animale
Chacune se sent, à des degrés divers, concernée par le sort des animaux. Dominyka, qui ne connaissait pas le scandale Canada Goose, regrette : « Je ne m’implique pas autant que je le voudrais. Je sais ce qui se passe mais je ne fais pas mes propres mes recherches. Je suis trop habituée à certaines choses pour y faire attention, pourtant je le devrais. ». Diane est plus catégorique : « Si c’est une nécessité, je peux comprendre qu’on achète certains articles en duvet, fourrure ou cuir pour des raisons climatiques notamment. Personnellement, j’ai d’autres alternatives donc j’évite d’acquérir des vêtements de ce genre. La cause animale est un sujet primordial pour moi, elle m’a fait en quelque sorte choisir mon métier. Je fais mon CFC d’assistante en médecine vétérinaire en ce moment, je suis donc sensibilisée via mes cours à la détention des animaux et à leurs soins. ».
Vente de parka en Suisse
La boutique Trend Mania à Lausanne est l’un des principaux revendeurs de l’enseigne en Suisse romande. Lors de l’achat de son manteau, la vendeuse a confié à Dominique que la fourrure du capuchon est »responsable » et provient de la régulation des coyotes au Canada. Elle n’a pas donné de précisions quant à l’abattage des bêtes. Un vendeur de la boutique, contacté par téléphone, affirme que la marque marche très bien en Suisse romande, même si cela dépend bien évidemment des modèles et de la saison. Les questions concernant les produits Canada Goose sont relativement fréquentes, dit-il, « On nous demande souvent quel type de fourrure est utilisée, comment l’animal est élevé ou chassé. Bizarrement, les gens ne se préoccupent pas du reste de la veste, en plume.
Les avis concernant les agissements de la marque divergent, comme les questions touchant à la préservation des animaux. Dominique, Dominyka et Diane représentent bien l’éventail d’avis que suscite ce sujet : opinion terre à terre, réservée ou tranchée. Une thématique qui oblige aussi à se poser la question du sort des enfants ouvriers, de l’éthique liée au port de la soie ou du cuir et des mesures concrètes que chacun peut adopter.
Emma Rebeaud
Liens des vidéos :
Court-métrage Paul Haggis:
Intervention « Animal Justice », Global news :
http://globalnews.ca/video/1882129/animal-rights-group-files-complaint-with-competition-bureau-against-canada-goose Attention, la vidéo contient des images qui peuvent heurter la sensibilité.