
« Humanité, hospitalité, neutralité », trois mots martelés tel un mantra le long du parcours Bourbaki. Inauguré aux Verrières (NE) en juin dernier, le parcours Bourbaki est un circuit de 5 km qui retrace l’action humanitaire de la Suisse lorsqu’elle a accueilli plus de 80’000 victimes de la guerre franco-prusienne en 1871.
Nous avons parcouru ce chemin aux côtés d’Alexis Boillat, président de l’association Bourbaki. Sur le chemin, il nous rappelle les faits historiques qui ont conduit des milliers de rescapés français à travers les Verrières. Retour sur cet évènement peu connu du grand public.
RAPPEL HISTORIQUE
Amorcée en 1870, la guerre franco-prusienne prend fin en janvier 1871, avec l’armistice signée par Jules Favre. Les troupes de Bismarck profitent néanmoins d’une étourderie du gouvernement français pour encercler l’Armée de l’Est en Franche-Comté. Craignant la débâcle, son commandant, le général Bourbaki tente de se suicider. Dans l’impasse, son remplaçant, le général Clinchant demande l’internement de ses troupes en Helvétie afin d’éviter une déroute et un massacre certain.
UN PARCOURS – UN DEVOIR DE MÉMOIRE
Le long du parcours, on prend conscience de l’enjeu stratégique de cet internement. Alors que l’hiver bat son plein, les troupes françaises vivent un véritable calvaire physique et psychologique. Hans Herzog, général de l’armée suisse, accepte que les Bourbaki (surnommés ainsi en référence à leur général) se réfugient en Suisse à travers une convention d’internement ratifiée par le Général Clinchant le 1er février 1871. Quelques minutes plus tard, c’est une sinistre parade qui longe les chemins de fer des Verrières, de la Vallée de Joux, de Vallorbe, etc. Près de 87’000 hommes transis – accompagnés de leur bétail – pénètrent sur le sol helvétique. « On devait certainement pourvoir lire leur soulagement sur les visages » relève Alexis Boillat. Les Verrières ont accueilli les rescapés avec beaucoup de bienveillance, explique-t-il encore, la population a soigné aussitôt les blessés. Les bêtes ont cependant connu une autre destinée : « Ils ont dû se débarrasser des vaches atteintes d’épizootie pour ne pas contaminer le bétail suisse ». On se dirige à présent vers une chapelle catholique construite par des polonais et des hollandais internés durant la guerre 39-45. Les Verrières ont également hébergé des réfugiés vietnamiens à la fin des années 70.
La frontière approche. C’est de l’autre côté de la chaussée, dans cette maison empreinte d’histoire que le Général Clinchant a signé la convention, une débâcle longtemps rayée du patrimoine historique français. En Suisse, elle constitue la première application inédite de la neutralité. Sur le chemin, nous croisons une imposante colonne symbolisant les blasons des quelques 180 communes qui ont accueilli les Bourbaki répartis par la Confédération.
UN SUCCÈS QUI NE DÉSEMPLIT PAS
L’itinéraire se conclut à l’Hôtel de Ville, qui consacre un étage à l’exposition des biens liés à ces événements. Une reproduction du panorama d’Edouard Castres visible à Lucerne se déploie sur une dizaine de mètres.
Le téléphone de notre guide sonne. Un homme souhaite lui transmettre des objets susceptibles d’étoffer le musée. Alexis Boillat confie alors qu’aux prémices du projet, l’initiative a suscité beaucoup d’enthousiasme auprès de la population : « on dit toujours les agriculteurs… mais ils ont accepté qu’on dépose ce wagon sur leurs terrains ». D’ailleurs, avec environs 3’000 visiteurs par année, les commerces sont actifs plus que jamais. Et les jeunes dans tout ça ? « De nombreuses classes organisent des courses d’école ici. Les jeunes de la région connaissent l’histoire ». L’association voit grand avec un projet ambitieux, celui de faire appel à plus de 87’000 personnes pour reconstituer un défilé le 1er février 2021, afin de marquer les 150 ans de l’hospitalité helvétique.
LA SUISSE, UNE TERRE D’ACCUEIL
L’accueil et l’hospitalité font partis de l’ADN suisse ; cela ne fait pas de doute pour Alexis Boillat. « Si c’était aujourd’hui, le général Herzog aurait reçu le prix Nobel de la paix ». Il déplore par ailleurs l’absurdité de la situation migratoire qui secoue actuellement le monde. « Il faut s’imaginer pour l’époque que sans toute cette technologie qu’on a aujourd’hui, le général Herzog qui n’a pas subi de représailles, a autorisé plus de 80’000 personnes à trouver refuge en Suisse ». Pour illustrer son sentiment, notre guide nous emmène vers deux œuvres contemporaines du graffeur Benjamin Locatelli. Ces fresques symbolisent avec simplicité un bel exemple de solidarité où « la croix suisse tend la main à son prochain ».
Pour plus d’informations : http://www.bourbaki-verrieres.ch/
EL.A