On s’interroge souvent sur la place des jeunes en politique. Il est peut-être temps de se demander quelle est la place de la politique pour eux. Rencontre avec deux étudiants. Photo: Web
Les spécimens
Romain a 18 ans, il vient de Gressy, petit village du canton de Vaud. Il effectue en ce moment un Bachelor en histoire de l’art et en allemand à l’Université de Neuchâtel. La politique ne l’intéresse pas, il est clair là-dessus dès le début : qu’il s’agisse de la politique de son village, de son canton ou de son pays, il n’y a jamais participé de quelque façon que ce soit. Il a néanmoins ses idées bien à lui et se sent plus proche de la gauche. En face de lui, nous avons Bernhard-Emmanuel. Lui aussi a 18 ans et vient du canton de Vaud, de Champagne. Il étudie les Sciences des médias et de la communication et l’Histoire de l’art à l’Université de Zurich. À l’inverse de Romain, il porte un intérêt à la politique de son pays et du monde en général. Ses affinités se situent plutôt au centre.
18 octobre 2015 : le rendez-vous est pris
Tous deux ont décidé de participer aux élections fédérales, bien que ce soit un effort pour Romain qui ne sait pas vraiment encore de quoi il s’agit . « Il faut que j’étudie la chose » dit-il. Jusque là, aucune votation ne l’a vraiment touché. De plus, le matériel de vote est un frein pour lui : « Je sais que c’est compliqué donc ça ne me donne pas envie. L’épaisseur me fait peur ! ». Pour Bernhard-Emmanuel aussi, les documents pourraient être simplifiés, même s’il les trouve compréhensibles.
À la question des partis, Bernhard-Emmanuel répond : « Je ne m’identifie pas à un parti parce que je ne suis totalement en accord avec aucun programme ». Romain, toujours un peu perdu, se reconnaît plutôt chez les Verts, même s’il n’a pas encore analysé leurs propositions. « Je ne m’y connais pas assez pour savoir quelle serait la meilleure façon de représenter mon canton à Berne, ni comment il devrait être géré » ajoute-t-il.
Comment se sont-ils forgés leur idée ? Romain a simplement saisi les idées générales des différents partis sans chercher à approfondir. Les débats menés au gymnase l’ont aidé à se sentir « plus proche d’un côté que de l’autre ». Chez lui, la politique n’est pas un sujet de discussion, ce n’est en tout cas pas cela qui l’a influencé. Il connaît tout de même les idées de ses parents. Ses deux frères aînés ne votent jamais : « ils n’ont pas envie de débattre là-dessus ». Bernhard-Emmanuel a lu certains des programmes et a consulté les sites web des candidats. « Ce qui m’a influencé, c’est plutôt avec quels autres partis celui pour lequel je vote est associé. Par exemple, les Verts et le PS » souligne-t-il. «Les affiches ? Je les trouve inutiles, car elles ne donnent aucune information sur le programme du candidat. Et ils ont tous ce faux sourire que je ne supporte pas… ». Constat identique pour Romain: les affiches ne l’atteignent pas et il pense que c’est de « l’argent gaspillé ».
Tous les deux s’accordent sur l’importance de voter, même si Romain a parfois l’impression que c’est dans le vide. Pour Bernhard-Emmanuel, c’est la base sans laquelle la démocratie ne pourrait fonctionner. A la question si la politique est accessible aux jeunes, Romain répond : « Du point de vue matériel, oui. On reçoit nos bulletins de vote et des compléments pour nous aider, comme la brochure easyvote. À mon avis, les jeunes qui ne votent pas le font plutôt par manque d’intérêt. Dans mon cas, il serait difficile de me motiver ». Bernhard-Emmanuel pense que les campagnes devraient être plus modernes en utilisant, par exemple, davantage les réseaux sociaux ou et les débats en streaming, « quelque chose auquel les jeunes peuvent s’identifier ».
L’après 18 octobre
Romain n’a finalement pas voté et n’a pas suivi les résultats de dimanche. Il invoque des problèmes de temps. Après lui avoir résumé les résultats, il montre clairement sa déception mais ajoute : « Si j’avais voté, j’aurais eu l’impression d’avoir davantage défendu mes idées. Je ne peux que me blâmer et je ne peux pas me plaindre ». Le jeune étudiant se sent même coupable et a envie de s’impliquer un peu plus la prochaine fois.
Son collègue de Zurich, quant à lui, a consulté l’issue des votes le lendemain. Il est plutôt déçu de la montée en flèche de la droite. « Pour moi, cette hausse traduit un vote de la peur de la part des Suisses qui veulent garder leur confort. » explique-t-il en reliant ce phénomène aux problèmes des migrants qui frappent l’Europe ces derniers temps.
Le portrait de ces deux jeunes étudiants représente bien l’état actuel de la politique en Suisse: le taux de vote reste très bas. En effet, pour ces élections, les participations pour le canton de Vaud se chiffrent à 42.9%.
Emma Rebeaud