Entre démission et tentative de sauvetage de meubles, le service de communication de VW n’a pas chômé ces dernières semaines. Ce n’est pas Martin Winterkorn, le désormais ex-PDG de la marque, qui a fait le premier les frais du scandale qui secoue l’industrie de l’automobile, mais un responsable en communication. Voilà ce que l’on connaît des porte-paroles : démissions et baratins dans les médias. Qu’en est-il réellement? Rencontre avec Fabian Greub, porte-parole de l’Université de Neuchâtel. Photo : Fabien Greub
Qu’est-ce qu’un porte-parole ?
Le porte-parole a un poste qui lui permet d’être proche de l’organe de direction de la société ou de l’institution pour laquelle il travaille : « Il a notamment le pouvoir de s’exprimer au nom de son institution, contrairement aux attachés de presse ou autres responsables en communication, explique Fabian Greub. C’est cette proximité avec les prises de décisions qui l’a décidé à franchir le pas.
Dans une autre vie, Fabian Greub était journaliste. « Je ressentais une profonde frustration : celle de ne pas être au centre des décisions. Bien sûr, je pouvais critiquer ces décisions et montrer leurs faiblesses afin qu’elles soient ajustées, mais je voulais les influencer de l’intérieur, pour présenter directement les décisions que je jugeais bonnes. De plus, n’étant pas parmi ceux qui décidaient, je me demandais si j’avais tous les éléments pour juger une situation. Le journalisme manquait parfois de nuance à mon goût ».
Le porte-parole en situation de crise
Bien qu’elle ne représente de loin pas la majorité du travail du porte-parole, la gestion d’une situation critique reste l’une de ses tâches les plus médiatisées. Pour lui se posent alors plusieurs questions : « Il s’agit de constamment concilier médias et direction, et ceux-ci ont souvent des intérêts divergents. Par exemple, la rapidité de la communication attendue par les médias n’est pas toujours en phase avec la distance dont à besoin la direction pour avoir une meilleure compréhension du problème ». Il faut alors trouver un juste milieu à ces tensions. « Nous avons un rôle de médiateur : qu’il s’agisse de rappeler à l’organe de direction les besoins des médias ou d’expliquer aux médias les raisons qui nous forcent à ne pas répondre immédiatement. C’est d’ailleurs là une tâche cruciale du porte-parole en temps de crise. Si on ne prend pas la peine d’expliquer clairement nos réactions à la presse, celle-ci va aller les chercher chez une autre source, souvent moins informée. ».
Quant à l’image du porte-parole renvoyé à chaque crise, Fabian Greub précise: « Cette idée est bien plus présente dans les séries télévisées que dans la réalité. Lors d’une situation de crise, il est assez naturel de vouloir faire sauter un pion de l’échiquier, car c’est là une action forte et claire. Le pion peut donc être un porte-parole. Mettre la faute sur la communication évite de parler du vrai problème. En disant « nous nous sommes mal exprimés », on balaie les critiques sans répondre aux accusations. D’ailleurs, chez Volkswagen le directeur général a aussi dû démissioner. Aujourd’hui leur communication se résume en un mot : pardon. Mais je ne vois pas comment il pourrait en être autrement, vu les révélations qui ont eu lieu. Le moment du « nous nous sommes mal exprimés » est déjà passé et nier les faits n’est plus possible ».
Rapports avec l’extérieur
Lorsque la direction prend des décisions qui auront un impact important, la communication doit se faire directement par le haut de l’institution, « afin de ne pas avoir l’impression que la direction se cache derrière son porte-parole, sans assumer les conséquences de ses décisions ». C’est d’ailleurs cette image qui plane souvent sur la profession : celle d’une marionnette mue par des patrons sans scrupules, d’où la nécessité d’une intervention directe de l’organe de décision en cas de crise.
Le métier a évolué et Fabian Greub a un regret: « Avant Internet, les journalistes n’avaient qu’une option pour obtenir des informations factuelles : parler avec le porte-parole. Aujourd’hui, les sources d’informations sont beaucoup plus nombreuses, mais peuvent aussi être moins bien informées qu’une source « officielle ». Et on appelle le porte-parole en dernier pour la « déclaration » de fin d’article. Le côté pédagogique de la profession se perd un peu au profit d’un rôle plus communicationnel de « faiseur de petites phrases ».
Pourtant, la maîtrise de la « petite phrase » est un atout dans le jeu d’un porte-parole : « en tant qu’ancien journaliste, je sais quels sont ses besoins. Une déclaration courte et percutante sera beaucoup plus facilement réutilisable par le journaliste qu’un long discours technique. Je sais que lorsque je prononce une de ces petites phrases, je la retrouverai dans l’article, voire même dans le titre ! D’ailleurs, tout le monde est gagnant puisque le journaliste peut exploiter sans peine une phrase qui résume bien une idée et le porte-parole s’assure de retrouver dans l’article des propos très proches de ceux qu’il a prononcés ».
Et afin de prouver à Fabian Greub que sa méthode a également fonctionné sur nous, voici sa petite phrase de fin d’article : « Un porte-parole doit dire la vérité, rien que la vérité, mais pas toujours toute la vérité ».
MaG