Votre smartphone vous gave de « Grexit » depuis plus de quatre semaines, mais la dette de l’État grec reste pour vous aussi indéchiffrable que son alphabet ? Pas de soucis : ce mois-ci larticle.ch joue les traducteurs. Photo : web
Bien qu’elle n’ait été officialisée qu’en 2010, on a l’impression qu’elle a toujours été là, si bien qu’on a presque fini par l’oublier. Mais alors que la situation économique grecque revient sur le devant de la scène, il convient d’en dévoiler l’envers du décor, en commençant par le commencement.
L’origine de la crise grecque
La crise économique remonte en fait à l’année 2009. C’est en cette année, peu après les élections, que le nouveau gouvernement rétablit la vérité sur le déficit grec. A la place des 6% du PIB (le PIB indique la richesse produite chaque année par un pays) annoncés par l’ancien gouvernement, il est de plus de 12%. Mais quel a été l’impact de cette annonce ?
Les pays sont pratiquement tous endettés : de la France aux États-Unis en passant par l’Allemagne… Être endetté n’est donc pas le souci. Seulement, une dette signifie forcément un taux d’intérêt à verser, or c’est ce point qui va poser problème. Des agences de notation font des tests pour vérifier la solvabilité des États, puis garantissent des taux stables pour ceux-ci : plus leur note est haute, plus le taux d’intérêt est bas et plus le nombre d’investisseurs potentiels est élevé. Par contre si un pays devient « moins solvable », le risque qu’il ne puisse pas rembourser ses créanciers augmente et le taux devient donc plus haut, puisque ces derniers prennent bien plus de risques en lui prêtant leur argent. Et forcément, un taux plus haut augmente la somme totale à payer.
Commence alors un cercle vicieux : plus l’on est endetté, plus l’on emprunte ; plus l’on emprunte, plus l’on est endetté. Alors inévitablement, lorsque les agences de notation ont appris d’un coup que le déficit de la Grèce était doublé, sa note de solvabilité, elle, a chuté, rendant le redressement des comptes grecs impossible. Le 23 avril 2010, ne pouvant plus rembourser ses créanciers, la Grèce annonce être en faillite et demande l’aide internationale.
Le plan d’aide a eu pour effet de faire passer la dette grecque du secteur privé au secteur public. En effet, avant la crise, la dette grecque était détenue par des investisseurs. Aujourd’hui, le FMI (Fonds Monétaire international), la BCE (Banque Centrale Européenne) et les États de la zone euro en détiennent les trois quarts. Chaque plan d’aide se divise en plusieurs tranches et donne des liquidités à la Grèce (110 milliards d’euros pour le premier plan d’aide, 130 pour le second), que la Grèce utilise pour rembourser ses autres créanciers et faire fonctionner le pays, notamment en versant les retraites et en payant les fonctionnaires.
Le 30 juin 2015 : la date fatidique
Mais pourquoi la dette grecque a-t-elle pris une telle importance dans l’actualité du mois dernier ?
Tout simplement à cause du calendrier. En effet, le 30 juin dernier marquait la fin du deuxième plan d’aide à la Grèce. Autrement dit, passé cette date la Grèce n’avait plus d’appui financier, d’où l’urgence de négocier un accord – accord qui aura finalement été trouvé le 13 juillet. De plus, la dernière tranche du deuxième plan d’aide (7,2 milliards d’euros), n’avait pas été versée en septembre 2014 comme initialement prévu, et cela suite aux agitations causées par les élections grecques. Ces dernières avaient vu gagner Syriza, le parti politique d’extrême gauche opposé à la politique d’austérité imposée par les créanciers. Ces 7,2 milliards manquant cruellement à l’État, trouver immédiatement un accord devenait donc vital pour la Grèce.
Le 30 juin marquant la fin de l’aide apportée à la Grèce, il indiquait aussi la date limite pour rembourser ses créanciers. L’enjeu du mois de juillet était donc double : soit la Grèce négociait un plan d’aide, soit elle sortait de la zone Euro, ne pouvant pas rendre l’argent qu’elle devait. Finalement avec un retard de trois semaines, l’État s’est acquitté de ses dettes envers le FMI et la BCE, pour un total de 7,2 milliards qui ont pu être débloqués après l’arrangement entre la Grèce et ses créanciers.
Un plan d’aide loin de faire l’unanimité…
Toutefois, la crise grecque est loin d’être une « affaire classée ». Le plan d’aide et ses milliards s’accompagnent de conditions drastiques pour la Grèce : augmentations de la TVA, modifications des retraites, bref l’austérité tant haïe par les Grecs ne fait qu’empirer. Nombreuses ont été les réactions s’opposant à ce plan jugé trop dur pour le pays, celle du FMI en tête. Le Fonds juge en effet que la dette grecque n’est pas soutenable, et que, dans ce contexte d’austérité, une quelconque amélioration de l’économie est tout bonnement impossible. De plus, le plan d’aide ne rassemble pas la totalité des Allemands non plus. C’est même le ministre des finances Wolfgang Schäuble en personne qui a désapprouvé l’idée d’une troisième assistance à la Grèce, lui préférant le « Grexit », ce fameux terme désignant la sortie – parfois temporaire, parfois définitive – de la Grèce de la zone Euro.
L’on en vient même à se demander comment ce plan d’aide a pu être signé, tant les soutiens sont faibles et les oppositions fortes. Cette solution est en fait un compromis : l’Allemagne n’aurait jamais accepté un plan plus « doux » pour les Grecs, et le « Grexit » reste la hantise du FMI et de bon nombre de pays européens.
Finalement, rien a changé, mais tout est différent pour la Grèce : le troisième plan d’aide est certes sensiblement pareil aux deux premiers et risque bien d’échouer comme eux, mais l’arrivée de Syriza et l’opposition nette du FMI sont des éléments qui pourraient bien changer la donne, afin de ne pas transformer cette crise en tragédie grecque.
MaG