Depuis le 27 mai, un scandale sans précédent touche la FIFA. Quelles sont ces accusations ? Cela va-t-il véritablement avoir un impact sur le monde du football ? Larticle.ch vous propose une petite séance de rattrapage. Photo : Web
La semaine où tout a explosé
Le scandale de la FIFA débute réellement il y a un mois, soit le mercredi 27 mai. C’est à cette date – deux jours avant les élections à la présidence de la Fédération internationale de football association (FIFA) – que la police suisse choisit, sur demande de la justice américaine, d’arrêter sept hauts dirigeants de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF), l’équivalent nord-américain de l’Union européenne des associations de football (UEFA).
Cette affaire, menée depuis plusieurs années par les Etats-Unis, éclate donc au grand jour. En réalité, les dignitaires de la FIFA contre lesquels la justice américaine a lancé des poursuites sont au nombre de neuf, mais seuls sept ont été arrêté à Zürich. Les neuf pensionnaires de la FIFA sont soupçonnés d’avoir encaissé un total de 150 millions de dollars illicitement durant leur carrière au sein de l’organisation footballistique. Parmi eux se trouve Jack Warner, ancien vice-président de la FIFA et ancien président de la CONCACAF, gros bonnet de l’organisation. Ainsi, les enquêteurs montrent qu’ils ne sont pas là pour faire de la figuration : les (très) hauts cadres n’ont qu’à bien se tenir. La FIFA va tout de même tenter de faire croire que la situation n’est pas désastreuse, notamment en envoyant son responsable en communication annoncer dans une conférence de presse exceptionnelle que « c’est un bon jour pour la FIFA ! ». Aujourd’hui, il a démissionné.
S’ensuit un jeudi plus tranquille. Les dirigeants de quelques pays (France, Grande-Bretagne) invitent à reporter les élections ; Platini, désormais président de l’UEFA, avoue avoir demandé à Blatter de ne pas se représenter, mais il en faut bien plus pour décourager le Valaisan. La seule alerte vient, non pas de ses détracteurs, mais plutôt de ses soutiens. En effet, Vladimir Poutine est pratiquement le seul à soutenir les présidentielles de la FIFA, or le président russe n’est pas connu pour être un grand défenseur de la démocratie.
Faisant fi de la demande du report des votations, Blatter maintient ces dernières au lendemain. En ce vendredi 29 mai, l’ambiance au siège de la FIFA à Zürich est plutôt tendue. Mais rien n’y fait : son adversaire, le prince Ali du Qatar, ne peut que le forcer à un second tour, mais certain de perdre, il se retire et laisse Joseph Blatter goûter aux joies d’un 5ème mandat. Le Valaisan, certain d’avoir fait le plus dur, prend sa revanche face à la presse le samedi. En réponse à la demande de démission que lui avait faite Platini, il déclare notamment : « Je pardonne, mais je n’oublie pas ».
Mais la situation ne va pas aller en s’améliorant pour la FIFA et son président fraîchement réélu. Dimanche, l’Afrique du Sud reconnaît avoir reçu un versement de 10 millions de dollars, mais conteste qu’il s’agisse de pots-de-vin, comme le pense le FBI. On peut supposer qu’il est question d’un énième soupçon de corruption ; rien de vraiment très surprenant en somme. Seulement, le lendemain, le New York Times associe le nom de Jérôme Valcke à l’affaire, or cet homme n’est autre que le bras droit de Blatter. Selon le FBI, Valcke aurait effectué le versement dans le cadre de l’attribution de la Coupe du Monde 2010, en faveur de… Jack Warner, l’ancien président de la CONCACAF, qui était alors encore en fonction. Bien sûr, la FIFA réagit et annonce que cet argent servait au développement du football dans les Caraïbes. Trop tard, le mal est fait.
Blatter l’a compris : d’abord l’ancien vice-président, ensuite son bras droit. Le prochain sur la liste, c’est lui. Et ce que Blatter et ses avocats comprennent aussi, c’est que dans l’éventualité (qui devient de plus en plus grande) d’une poursuite à l’encontre de sa personne, sa position de président du foot mondial pourrait compliquer sa défense. C’est ainsi que, quatre jours après avoir été réélu, le patron de la FIFA dépose les armes, le mardi 2 juin 2015. Il annonce que de nouvelles élections auront lieu et qu’il assurera l’intérim jusqu’à celles-ci. Comme pour boucler la boucle les enquêteurs publieront le lendemain une partie des aveux de Chuck Blazer, autre dirigeant influent de la CONCACAF, où il explique comment lui et d’autres pensionnaires de la FIFA ont reçu des pots-de-vin pour l’organisation des Coupes du Monde 1998 en France et 2010 en Afrique du Sud.
Un système corruptophile
De mercredi à mercredi, exactement une semaine. C’est tout ce qu’il aura fallu pour faire tomber Sepp Blatter de son trône. Mais s’agit-il vraiment d’un renouveau pour la FIFA ou va-t-on simplement changer les noms des corrompus ? En Europe, l’image du désormais ex-président de la FIFA est pour le moins abîmée, voire complètement détruite. Mais comment expliquer que la plupart des petites fédérations soient entièrement dévouées au Valaisan ? La réponse tient en deux mots : « système Blatter ».
Depuis son entrée au poste de président, le Suisse a développé ce système qui permet « d’acheter » sa réélection à moindre frais. Pour que le système fonctionne, il faut tout d’abord décupler le nombre de petites fédérations : c’est ce que l’on constate en observant le nombre de pays adhérant à la FIFA (env. 70% des pays membres à la FIFA sont des petites fédérations). En effet, la FIFA compte énormément de pays membres, plus que bien d’autres organismes, comme l’ONU par exemple. Une fois toutes ces fédérations intégrées, elles ont le même poids que toutes les autres présentes avant elles. Ainsi, la fédération des Iles Vierges Britanniques a le même pouvoir électoral que des grandes nations du football tel le Brésil ou l’Italie.
Bien sûr, offrir des projets de développement recouvrant la totalité du budget de la fédération italienne ou brésilienne coûterait très cher à la FIFA. Mais pas s’il s’agit de petites fédérations, qui, une fois le programme d’aide – et ses dollars – accepté, sont éternellement redevables à Blatter qui en devient l’apport financier principal. C’est par une aide sélective que Blatter a su s’attirer le soutien inconditionnel de beaucoup de petites nations du football. Or dans la loi, ce type d’aide se nomme corruption, car il devient impossible pour les dirigeants de ces fédérations d’être objectifs envers Blatter et sa politique puisqu’ils demeurent dépendants des programmes de développement qu’il veut bien mettre en place. Les 10 millions qui mettent en cause le bras droit de Blatter et l’ex-président de la CONCACAF reposent également sur ce système : officiellement ces 10 millions devaient servir à « développer le football dans les Caraïbes ». Il semble donc impossible de changer quoi que ce soit au problème de corruption sans changer profondément l’organisation de la FIFA, sans quoi, il est fort probable que l’on assiste impuissant à l’avènement d’un nouveau Blatter.
Toutefois rassurons-nous, Joseph Blatter ne ment pas constamment comme peut le laisser croire cet article. Voici donc un extrait des propos qu’il a tenu le lendemain de sa réélection, et qui semblent être sincères : « Pourquoi démissionner ? Démissionner ça voudrait dire que je suis fautif ».
Si c’est lui qui le dit…