Chamanisme, le renouveau de croyances enfouies

 

Comment définiriez-vous le chamanisme ? A la limite de la religion, de la sorcellerie, des croyances ancestrales et nouvelles, le chamanisme intrigue, soulève d’innombrables questions… Et des témoignages de plus en plus nombreux.

Photo : Web

C’est en Sibérie, au sein des sociétés traditionnelles, que le chamanisme est né. Il s’est ensuite étendu : d’abord en Extrême Orient, puis en Asie, enfin en Amérique centrale et latine. Parsemant avec lui ses idées fondatrices, remodelé à profusion avant de trouver un nouveau public, plus urbain, plus moderne.
Les ethnologues, mais également des psychologues ainsi que des scientifiques, ont fait de cet essor quasi-international leur objet et terrain d’étude. Une volonté de poser des concepts, des notions et des explications sur des pratiques longuement stéréotypées. Aujourd’hui il est question d’un “mode de vie”, d’un système au-delà d’une religion, dans lequel il n’y a ni maître au-dessus de tout, ni leader.
Il est d’abord question d’une relation accrue avec la nature qui entoure chaque homme et la capacité de ce dernier à saisir son environnement. Le chaman, quant à lui, tient le rôle d’initiateur : il enseigne les voyages par la pensée, les états de conscience modifiés et la guérison par l’utilisation d’esprits symboliques. Il est souvent nommé “guide spirituel” et utilise des méthodes de méditation et de transe, appelées “voyages chamaniques”.
Cette volonté d’atteindre l’invisible ne date pas d’hier, l’être humain est sans cesse poussé à expliquer ce qui lui arrive. Et une manière d’y parvenir est d’opter pour l’irrationnel, celui de forces qui dépassent la conscience humaine.

Des rituels et des usages codifiés accompagnent le chamanisme depuis qu’il existe, néanmoins il a su atteindre les sociétés actuelles. Aujourd’hui “à la mode”, le folklore associé au chamanisme s’est adapté à la culture occidentale. Il a été détourné par un nouvel usage plus moderne, et a trouvé une dénomination plus adéquate : le “néo-chamanisme”.

Les adeptes parlent de “libération de l’esprit”, de “mieux être au quotidien dans un monde qui nous étouffe”. Alors que les non-convaincus parlent de “sorcellerie déguisée”, de “magie illusoire”. Démêler le vrai du faux semble compliqué dans cet espace de croyances et pousse à la réflexion : n’est-il pas propre à chacun de choisir ses croyances ?
Des propos recueillis dans les rues de Neuchâtel et de Fribourg sont révélateurs des divergences très fortes qui existent. Les uns louent les vertus du chamanisme : régénération de soi, renouer avec l’essence de la vie, guérison d’un mal être. Les autres s’insurgent que des traditions occultes et méconnues puissent être reprises “à la sauce” occidentale pour “faire des sous et bercer les gens d’illusions futiles”.

La médiatisation des pratiques chamanistes, les disposant à la portée de tout un chacun, a renforcé son aura. Cette vulgarisation de pratiques ancestrales a engendré, certes, des changements, mais surtout une volonté de retourner à une essence vitale plus enfouie, moins sujette au capitalisme. En parallèle, dans les sociétés européennes, une réelle envie de revenir à un mode de vie plus en accord avec la nature et avec soi-même se fait ressentir. La recrudescence d’une agriculture localisée, la montée en puissance des labels bio ainsi que l’essor d’activités en plein air liées à la compréhension de la nature, la méditation et le yoga sont des exemples de ce “retour à l’essentiel”.

Il semble que le chamanisme ait de beaux jours devant lui, entraînant dans son sillage des dérives et des débats. Alors que certains craignent de voir la modernité sombrer dans de la sorcellerie “low coast”, d’autres se laissent conduire par des soit-disant professionnels, plutôt catégorisés comme étant des “charlatans”. Mais de réels dangers se cachent dans les tréfonds du chamanisme : laisser son âme à autrui et tenter d’atteindre des états seconds de non-conscience sont à l’origine de déboires psychologiques, de dépressions ainsi que d’un éloignement de la vie réelle (comme le prouve la prise d’ayahuasca, une plante psychotrope fréquemment utilisée qui provoque des traumatismes physiologiques et psychiques irréversibles, surtout chez les non-initiés).

L’introduction du chamanisme dans la vie moderne est une élision : la perte de l’ancestralité de ce mode de vie a laissé place à une intrusion de rites et de croyances dans le quotidien. Aujourd’hui, des “écoles chamaniques” existent en Europe et en Suisse, sous la forme de séminaires d’enseignement et de mises en pratique qui rencontrent un succès grandissant auprès d’un public de plus en plus large, en quête de réponses. Une ré-appropriation du “soi” dans des sociétés globalisées où chaque vie est menée à vitesse accélérée. L’au-delà peut engendrer la peur, mais il fait surtout envie. Les mystères de l’inconscient restent infinis et alléchants… Le nouveau business du chamanisme semble l’avoir compris et tente de se les approprier.

NoAn.

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