Voilà presque deux mois que l’affaire SwissLeaks, mêlant blanchiment d’argent à la banque HSBC, a été révélée par Le Monde. Larticle.ch fait le point sur la situation.
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Dans son article du 8 février, Le Monde rendait visible aux yeux de tous les pratiques peu honnêtes de la filiale suisse de la banque londonienne HSBC. Celle-ci aurait en effet aidé, entre 2006 et 2007, à cacher au fisc les avoirs de plus de 100’000 clients grâce à des sociétés offshore. Voici comment elle procédait.
Une machine bien huilée
En 2006, le secret bancaire faisait encore la loi dans la place financière genevoise. C’est dans ce climat que HSBC proposait à ses clients fortunés des instruments pour contourner les taxations et donc ne pas payer d’impôts.
Imaginons que monsieur « X » souhaite frauder le fisc. Il se rend au siège de la banque à Genève ou convient d’un rendez-vous avec un banquier de HSBC ailleurs. Du fait du secret bancaire suisse, en ouvrant un compte chez HSBC « X » reçoit un code qui lui servira d’identifiant, par exemple « AB 1234 ». Dès lors, plus jamais son nom n’apparaîtra dans une opération. Ainsi, ce n’est plus « X » qui est titulaire du compte, mais « AB 1234 ».
Pour opacifier encore plus le tout, la banque offre à ses clients la possibilité de créer une société offshore bidon – c’est à dire une société basée dans des paradis fiscaux pas très regardants sur la nature ou la véracité de la compagnie – afin de rattacher le compte que l’on veut faire échapper au fisc à une personne morale. C’est désormais la société bidon qui détient l’argent et plus « AB 1234 ». Toutefois, pour que « X », puisse quand même se servir dans le compte qu’il a caché, il doit être relié à la société et y occuper une place quelconque. Bien sûr, le détenteur du poste quelconque n’est pas « X » mais toujours « AB 1234 ». Etant enregistré chez HSBC, « X » peut désormais tranquillement récupérer son argent sans payer la moindre taxe.
Evidemment cette pratique était très profitable pour la banque qui touchait de plus grosses commissions du client, notamment lors de la création de la société fictive. Et avec plus de 100’000 cas, l’affaire était plus que rentable.
Une fraude à échelle mondiale
Bien que les agissements de HSBC aient été révélés depuis quelques semaines seulement au grand public, la justice en avait déjà été informée par le biais de l’ex-informaticien de HSBC Hervé Falciani. Ce dernier avait volé les données de la banque et les avait rendues disponibles pour qu’une sanction envers HSBC arrive. Au lieu de ça, l’informateur s’est retrouvé licencié et la Suisse a émis un mandat d’arrêt international contre lui. Il se réfugie aujourd’hui entre la France et l’Espagne.
La liste récupérée par Le Monde comportait des fraudeurs de plus de 200 nationalités différentes, pour un montant total de 180 milliards d’euros, dont 31 appartenaient à des clients suisses. Cette fameuse liste recense des professions libérales « simplement» désireuses d’échapper aux taxations, mais aussi – et c’est ici qu’un grand problème se pose – de l’argent issu de la criminalité, comme le trafic d’armes, de drogue ou encore de diamants. En effet, d’un point de vue légal, la banque pouvait « justifier » ses manquements en mettant en avant le secret bancaire lorsque l’on parlait de médecins ou de chefs d’entreprise qui gagnaient honnêtement leur vie. Néanmoins, cet argument ne tenait plus lorsqu’il s’agissait de comptes approvisionnés par de l’argent d’origine criminelle, un banquier devant toujours s’assurer de la légalité des biens qu’il s’apprête à placer, secret bancaire ou non. Interrogée par de nombreux médias, la banque a reconnu les erreurs faites dans le passé et assure avoir arrangé la situation depuis.
Un acharnement contre les « stars » ?
Mais un troisième type de personnes ressort des fichiers dévoilés : les célébrités. Qu’ils viennent du monde du sport comme Valentino Rossi ou du spectacle comme Gad Elmaleh, qu’ils soient roi du Maroc ou de la Jordanie, tous fraudaient grâce à HSBC. Et même s’il s’avère que la plupart ont réglé leur dû, ce sont leurs noms que l’on aperçoit dans tous les médias. D’où la question suivante : y a-t-il un acharnement contre les personnalités publiques ?
Nous n’utilisions pas d’ailleurs pas le terme « personnalités publiques » par hasard. En effet, le propre d’une personnalité publique est justement d’être connue du grand public et implique des avantages, mais aussi des inconvénients, dont une perte importante d’intimité. Ainsi, il n’y a rien d’étonnant à voir ces personnalités faire la une des journaux, même quand la publicité n’est pas bonne pour eux.
Le but premier d’un journaliste est d’informer la population. Mais il doit faire un tri et décider quelles informations relayer. C’est exactement le même procédé qui a eu lieu lors de l’affaire SwissLeaks. Les journalistes disposaient de 100’00 noms et ne pouvaient pas tous les citer. L’information devait être pertinente et parler au plus grand nombre : un généraliste a une centaine de clients, Gad Elmaleh en a des millions. C’est à cause de ce tri, qui informe la population en fonction de ses intérêts, que l’on a parlé d’un humoriste et pas d’un médecin.
MaG