L’Orient. Difficile de résister à son histoire mystérieusement envoûtante. Angelin Preljocaj, grand nom de la chorégraphie contemporaine, et son Ballet se sont laissés charmer par les verbes de la reine Shéhérazade au Sultan Shahryar. Au crépuscule oriental, ils lèvent le voile sur des secrets que même la lumière du jour n’aurait pu révéler. Les libidos masculines n’y échappent pas. Découverte. Photo : Web
Le Théâtre du Passage aurait-il cherché à faire concurrence à la sortie tonitruante du film 50 Shades of Grey, en invitant sur ses planches une part de l’Orient et de sa sensualité délicieuse ? « Une pièce émoustillante » pour certains, « truffée de clichés » pour d’autres, et pour les plus romantiques, « un rêve éveillé ».
L’exubérance secrète d’un Orient légendaire
Les messages du chorégraphe sont nombreux mais dévoilés en toute sobriété et esthétisme, Azzedine Alaïa derrière la simplicité des lignes du vêtement. Le spectateur, quant à l’imaginaire, a carte blanche. La suggestion se veut dominatrice dans « Les Nuits ». Aucune vulgarité des corps, cependant une sensualité pleinement assumée par elle et par lui. Le rapport au sexe naît de l’implicite.
Au masculin, un tableau en particulier hypnotise, celui du barbier : 6 danseurs, 3 pas de 2, une séance de rasage à l’ancienne à (littéralement) couper le souffle. La chair est amoureusement soignée, les rapports aux corps passionnés, l’homme désiré. Premier secret dévoilé.
Sans aucun doute à la frontière du stéréotype, la femme orientale, elle, reste silencieuse, docile et patiente, la libido masculine malgré tout entre ses mains. Elle fait des vapeurs du hammam et des narguilés ses armes, envers et contre toute barbarie masculine. Chacune des 12 danseuses incarne la fragilité de Shéhérazade, à l’image d’une féminité bridée et violentée, offensive de par ses charmes.
Doigts et bras d’honneur au féminin, précédés d’orgasmes partagés au rythme saccadé, les corps s’épousent puis se rejettent au fil des galipettes. Les sexes, et genres peut-être, s’entremêlent au fond de jardins dissimulés, de chambres isolées et temples abandonnés. Résonne alors la voix de Natacha Atlas, aux paroles pop et au timbre traditionnellement oriental.
Raconter Shéhérazade
Une impression de la légende des Milles et une nuits, la sienne, voilà ce vers quoi tend le chorégraphe d’origine albanaise, Angelin Preljocaj, avec « Les Nuits ». Sous un angle impressionniste, il évoque la belle Shéhérazade et la transforme en icône du féminisme. Les corps étant ses outils de travail, il y reflète la violence sur la femme pour mieux questionner sa place dans les sociétés actuelles. Dans un monde qu’il croit encore, et envers l’opinion publique, formaté pour l’homme, Angelin Preljocaj équilibre le tout et met à nu un homme, à la découverte d’une sensualité inavouée.
C.
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