« Si c’est gratuit, c’est nous le produit », on connaît tous cet adage rendu populaire par Internet. On pourrait croire qu’après les révélations de Snowden sur les surveillances gouvernementales, les internautes seraient plus prudents, mais un sondage réalisé dans 24 pays nous porte à croire que rien n’a vraiment changé.
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La réalité a dépassé la fiction de Georges Orwell : « Big Brother is watching you ! ». Les révélations d’Edward Snowden de juin 2013 ont choqué le monde entier. En effet, il y a de quoi être bouleversé, il dévoile via le Guardian des informations classées top-secrètes de la NSA concernant des écoutes téléphoniques ainsi que des systèmes d’écoute sur internet du gouvernement américain et du gouvernement britannique. On connaissait déjà le schéma « service gratuit = afflux d’internautes = audience pour les annonceurs = $$$ », mais on ne pensait pas que les agences gouvernementales s’en servaient elles aussi pour nous surveiller.
Avec la masse des applications pour smartphones, sans même y penser, on transmet des informations qui nous viendrait pas à l’idée de partager avec nos proches et pourtant on les donne à une entité qui nous est inconnue (emails, comptes en banques, durée de sommeil, régime alimentaire, cycle menstruelle, etc.). L’affluence massive d’informations est telle qu’IBM estime que « 90% des données dans le monde ont été créées au cours des deux dernières années seulement ». Pour désigner ces volumes exponentiels de données, on vient alors à parle de big data. Mais savons-nous où vont nos données ? Qui les possèdent et où sont-elles stockés ?
Nous avons vu le mois dernier avec l’article « L’explosion des data centers, l’envers d’Internet » que les données sont stockées dans les des fermes à serveurs, mais nous ne connaissons pas vraiment ce qu’il s’y passe. Selon quels processus nos données sont collectées et comment déterminent-ils la « qualité » de celles-ci pour la revente et surtout à qui sont-elles revendues ?
La culture du secret au sein des entreprises de télécommunication est tellement omniprésente qu’on les compare à des boîtes noires, impossible d’obtenir ces informations sans un accès accrédité par une autorité supérieure. Autant dire que l’internaute lambda n’a aucune chance. On peut que supposer. Certainement des algorithmes complexes récoltent et déterminent la valeur marchande de nos données, puis elles reviennent au plus offrant.
L’affaire Snowden en 2013 a mis en lumière le manque crucial d’informations sur l’infrastructure d’Internet. Il a ouvert le débat au sein des gouvernements et forcé les citoyens à se questionner sur leurs habitudes de consommations de produits « gratuits ». Alors qu’on pense être gagnant en utilisant librement des services non-payants en réalité on perd totalement le pouvoir sur nos données personnelles. On ne sait pas où elles sont ou qui en profitent. Cet état alarmiste de la situation porte à croire que les internautes sont plus prudents vis-à-vis d’Internet et demanderaient une plus grande transparence sur le sujet.
Lors d’une table ronde sur les conséquences pour le secteur technologique suite à l’espionnage d’Internet par les services de renseignement américain, les géants du web ont émis des craintes face aux retombées des politiques nationales en matière de numériques. Eric Schmidt, à la tête du conseil d’administration de Google, s’inquiète que la surveillance « va casser Internet ». En réalité, il a surtout peur que son business ralentisse. Brad Smith conseillé auprès de Microsoft le résume si simplement : « De la même façon que les gens ne placeront pas leur argent dans une banque en qui ils n’ont pas confiance, ils n’utiliseront pas un Internet en qui ils n’ont pas confiance. ».
Malgré leurs inquiétudes, les internautes n’ont pas vraiment changé leurs comportements. C’est ce qu’affirme un sondage sur la sécurité et la confiance sur Internet effectué auprès de 23 000 internautes dans 24 pays différents. Publié en novembre dernier, le résultat est plutôt intéressant. Seul un tiers des personnes interrogées considèrent que leurs données privées sont vraiment protégées en ligne et 64 % des sondés sont plus inquiets pour les informations personnelles par rapport à l’année passée. Pourtant, 41% des interrogés considèrent les chances que leurs informations soient compromises sont si faibles que ce n’est pas vraiment la peine de s’inquiéter et 37% pensent que transmettre ces données à des entreprises privées, n’est pas bien grave.
Paradoxe de l’internaute moderne ? On veut continuer à utiliser le produit « gratuit » donc on accepte de payer de notre personne, même si on ne fait pas confiance aux géants du web. Certaines start-up se sont lancées dans un projet ambitieux : donner la possibilité aux utilisateurs de vendre eux-mêmes leurs données personnelles et donc garder un certain contrôle sur le choix des informations transmises et de l’acquéreur. Tant qu’à se vendre autant le faire en connaissance de cause et empocher soi-même l’argent !