Omniprésents et pourtant invisibles au profane, les data center ou centres de données en français sont en pleine explosion. Grâce à la quantité grandissante d’informations partagées sur la toile, le pouvoir des compagnies les possédant devient immense.
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À l’origine seules les grandes multinationales possédaient des data center. Leur but était le stockage et le traitement de données sensibles dans un lieu sûr et hyper sécurisé. Avec le temps et la démocratisation d’Internet, ces centres de données ont énormément évolué et sont devenus un marché à part entière avec une féroce concurrence. On différencie aujourd’hui deux grands types de centres de données : les data centers gérés par des sociétés spécialisées (Infomaniak, Telecity, Interxion, etc.) qui louent les serveurs ou espaces à des tierces entreprises ; et les fermes de serveurs possédées et gérées directement par des multinationales (Google, Amazon, Facebook, etc.).
Les centres de données sont partout et pourtant invisibles au commun des mortels. Selon le site datacentermap.com, il y aurait aujourd’hui plus de 3’350 data centers proposant une colocation à travers 103 pays, avec une forte concentration aux États-Unis (plus de 1’290). En Suisse, nous en avons 57 répartis dans 16 cantons dont 20 à Zürich. Les multinationales du net restent discrètes concernant le nombre de centre de données qu’elles possèdent. Très peu de personnes parlent de ces gigantesques hangars informatisés. Selon le journaliste Andrew Blum, les centres de données sont soumis à la même règle du silence que le club dans le film Fight club : « La première règle des data centers, c’est : vous ne parlez pas des data centers. ».
Et pourtant l’importance croissante qu’ils jouent dans notre quotidien devrait nous forcer à nous questionner sur leur existence. Leur gigantesque besoin énergétique pose clairement un problème de développement durable. Pour y répondre, ils tendent à devenir fournisseur de chauffage, mais est-ce réellement pour notre bien ?
Mais qu’est-ce un data center ?
Les data centers sont des sites physiques sous haute sécurité abritant des serveurs informatiques. Ces petites boîtes noires enregistrent et sauvegardent toutes sortes d’informations : mails, sites Internet, profils de réseaux social, coordonnées bancaires, fichiers enregistrés en ligne, etc. En résumé, c’est un espace d’hébergement de données informatiques, en d’autre terme c’est le cœur d’Internet.
Physiquement, les fermes de serveurs se trouvent partout, mais souvent dans des zones industrielles. Leur présence implique un niveau élevé de sécurité: caméras, agents de sécurité, grille d’entrée, etc. On y trouve un système informatique élaboré comprenant du matériel de haute qualité (serveurs, routeurs, commutateur, etc.) une connexion à Internet et divers systèmes garantissant une utilisation et une sauvegarde optimales des données (backups, load balancing, redondance). Concrètement, on voit d’immenses rangées d’armoires (baies ou racks en anglais) alignées les unes contre les autres sur des dizaines, voire des centaines de mètres. À l’intérieur, des baies se trouvent les serveurs qui tournent à plein régime.
En parallèle au système informatique, une part importante de l’installation réside dans le contrôle et le maintien de la température ambiante pour éviter tous risques de surchauffe et de perte de données. Chaque système de refroidissement a ses subtilités, mais le principe de base est de chasser l’air chaud en le remplaçant par de l’air froid. Ci-dessous un schéma pour illustrer le processus de refroidissement.
Principe de refroidissement. Source : web
Cette infrastructure nécessite une quantité phénoménale d’énergie. Selon Mediapart.fr, « La puissance électrique des data centers dans le monde correspond à la capacité de production de 30 centrales nucléaires. Leur consommation s’élève à 2% de la consommation électrique globale, selon certaines estimations. ».
Course au développement durable
Quoi de mieux pour améliorer l’image de marque des entreprises que de développer des moyens écologiques et durables pour stocker leurs données ? La concurrence déjà bien présente sur le marché s’est densifiée avec comme objectif d’être « écolo ».
Pour certifier les bons et les mauvais élèves, The Green Grid a été chargé par l’industrie informatique de définir des indicateurs pour mesurer l’empreinte énergétique et écologique des data centers. Le plus répandu est l’indicateur d’efficacité énergétique (power usage effectiveness ou PUE en anglais). Il consiste en un rapport entre l’énergie totale consommée et l’énergie consommée uniquement par les systèmes informatiques. Plus l’indicateur est proche de 1, meilleur est l’élève.
Le but est de réduire la consommation des systèmes auxiliaires à l’informatique propre qui représentent en moyenne 70% de la consommation énergétique : la climatisation, les équipements de secours, de sécurité et l’éclairage. Pour être en tête de liste, chacun innove à sa manière pour réduire leur impact écologique et parvenir à ce 1 si convoité.
La société Celeste ouvre le bal avec le premier data center green au monde. Le projet Marilyn innove par sa construction verticale et l’utilisation du « free-cooling ». Première au monde, cette structure permet une économique d’électricité de près de 35% et est noté 1,3 au PUE.
Système free-cooling de la société Celeste. Source : web.
À sa suite, Facebook lance en 2013, puis en 2014 deux sites en Suède qui utilisent l’air froid ambiant comme climatiseur. L’énergie électrique d’Infomaniak, société suisse, vient à 100% de sources hydrauliques. En hiver, ils récupèrent l’air chaud des salles des machines et utilisent comme moyen de chauffage dans le reste du site.
En France on voit cette nouvelle technique de chauffage élargie à plusieurs bâtiments. Dalkia (filiale d’EDF et Veolia environnement) vient d’investir dans un réseau pionnier de chaleur urbain alimenté par un centre de données. À terme le but est de chauffer 600 000 m2 comprenant entreprises, hôtels et logements.
La startup Qarnot computing innove en proposant des « mini-centres de calcul » disséminés dans les bureaux ou logements. Ces sortes de data centers miniatures jouent un double rôle : traitement des données et chauffage des locaux.
Mis à part les sources hydrauliques, l’alimentation énergétique des data centers reste en majorité non renouvelable. Parallèlement le rôle des centres de données évolue, il passe de consommateurs assidus à producteurs d’énergie. Selon le journaliste Jade Lindgaard « C’est une révolution industrielle en cours. ». En effet, le potentiel énergétique et monétaire est phénoménal. Une inquiétude cependant émerge, ce pouvoir gigantesque qui se met en place se trouve uniquement entre les mains des entreprises privées, l’État est coupé du processus.
MSM