Le troc du savoir

Et si le savoir pouvait simplement s’échanger de manière non-monétaire ? La Trade School Geneva tente l’expérience avec un projet lancé depuis avril 2014 à Genève : une école atypique où les professeurs donnent des cours en échange de biens ou de services.

Photo: tradeschool.coop

La Trade School se définit elle-même comme : « un lieu d’apprentissage atypique, basé sur le troc, autrement dit sur un échange non-monétaire ». Ainsi, chaque personne qui le souhaite peut se proposer pour donner un cours. L’enseignant poste sur le site web de la Trade School un descriptif du cours qu’il veut dispenser ainsi que sa biographie. Il dresse ensuite une liste de biens ou de services qu’il désire recevoir de ses élèves. Les personnes souhaitant suivre son cours, s’inscrivent donc simplement via le site web et s’engagent à apporter un des objets ou services demandés.

Ainsi, les cours ne sont pas gratuits, mais aucune forme d’argent n’est pour autant déboursée. Chacun donne ce qu’il peut offrir. Le but visé par la Trade School est avant tout de créer une communauté de partage, de tisser des liens au sein de cette communauté, de promouvoir des valeurs non-marchandes et d’échange de connaissances et de savoir-faires.

Ce principe estinspiré de la première TradeSchool, née en 2010 à New York au sein du projet « Our Goods ». Ce dernier s’est ensuite développé et popularisé dans d’autres grandes villes du monde, comme à Bogotá ou à Quito où l’école s’est particulièrement développée. La Trade School Geneva est la première en Suisse. Le projet, lancé dans un premier temps par Narmada Ramakrishna seule, est l’œuvre de l’association « Sangha », qui veut dire « communauté » en sanskrit.

Quels types de cours ?

À la Trade School Geneva,il n’y a pas de discrimination entre savoirs académiques et savoir-faires amateurs. Ainsi le type de cours dépend beaucoup des professeurs. Il peut y avoir des cours surprenants voire farfelus, comme « rencontrer (et manipuler) des gens » ou « survivre en pleine nature », mais également des cours de langue, de cuisine, de danse, de massage, de taoïsme, de réparation de vélos, de sociologie, de techniques de self-defense ou encore d’histoire moderne sur les récents événements en Ukraine.

« La Trade School favorise la diversité avant tout » comme le précise Marie-Claire Peytrignet, responsable du projet. Pour ne pas faire d’ombre à d’autres cours potentiels, ni de concurrence à d’autres écoles existantes, les cours sont souvent ponctuels et de courte durée. Le but de cette « école du troc » reste donc le partage de savoirs, spontanés et accessibles à tous.

« J’ai appris à faire quelques mouvements de massages faciaux et j’en suis très contente. C’est un cadre d’échange spontané et très friendly. J’ai apporté au professeur une huile essentielle de lavande en échange. Je reviendrai dès que je peux ! », s’exclame une élève sortant d’un cours d’initiation au massage du visage.

Une question se pose tout de même : comment garantir la qualité et l’éthique de tels cours ? « La Trade School ne se donne pas le but d’assurer la qualité des cours donnés en tant qu’institution. Ce projet vise avant tout l’échange et le partage », répond vivement Marie-Claire Peytrignet. De même pour les questions éthiques, l’association se laisse un droit de véto si un cours va véritablement à l’encontre de limites morales. Cependant, « ceci n’est encore jamais arrivé », précise M.-C. Peytrignet. « Les enseignants se proposent, car ils souhaitent partager et donner de leur part au projet. »

Accessibilité pour tous

Le but des services ou biens demandés en échange de l’assistance aux cours est avant tout symbolique et souhaite favoriser l’échange. Ainsi, bien qu’il n’y ait pas de limites à ce que l’on peut demander, la Trade School ne veut pas de barrières d’accès. « Le savoir doit être accessible à tous », comme le prône l’école. Ainsi il peut être demandé, pour un cours de cuisine par exemple, les ingrédients du plat en question, ou alors de l’aide pour du babysitting, de l’aide pour trouver un appartement, une heure de conversation en français, du chocolat noir, des produits régionaux, une huile de massage, un sourire ou une blague !

Un projet à succès

Bien qu’un des principaux problèmes de cette école est de trouver des lieux où dispenser ses cours, le projet est un succès pour ses fondateurs. L’école a en effet accès aux salles de deux Maisons de Quartier du canton, ainsi qu’à des salles de l’Université de Genève. Concrètement, suite au mois test d’avril 2014, l’école propose des cours en continu depuis le mois de juin. Un peu plus de 100 cours ont déjà été dispensés depuis avril 2014, dont plus de 70 professeurs et plus de 500 élèves différents.

Le projet continue donc, enthousiaste, prônant ses valeurs de partage et d’échange non-monétaire de savoirs plus fort que jamais.

Lorsque l’on pose la question s’ils souhaitent étendre leur école à d’autres cantons par exemple, la réponse de Marie-Claire Peytrignet est simple et significative : « La Trade School marche de manière organique. Elle existe pour la communauté, et par la communauté ». Autrement dit, si le projet veut s’implanter à Lausanne par exemple, il faudra que l’idée vienne de la communauté de Lausanne et pour cette dernière : un tel projet se doit d’être local et spontané.

AW

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *